Les Français de Sudbury pourront compter sur Federico Dudet qui espère apporter plus de services dans le Nord. Crédit image : Inès Rebei

SUDBURY – Federico Dudet est le directeur des finances du Carrefour francophone de Sudbury, à qui l’on vient de confier le rôle de consul honoraire de France à Sudbury et dans le Nord, en novembre dernier. Arrivé fin 2018 dans la ville du nickel, ce fier franco-mexicain plutôt discret souhaite concentrer ses efforts sur le développement des services à destination de la communauté francophone du Nord.

« Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir consul honoraire?

Premièrement par retour de service, pour ce pays qui m’a permis d’étudier jusqu’au baccalauréat français et où j’ai vécu près de 10 ans. Ensuite, mon père était consul honoraire de France au Mexique dans le Yucatan, à Cancún. J’ai trouvé cela rigolo de perpétuer la tradition. Ma maman, qui était française, aimait passionnément son pays. J’y ai aussi vu une opportunité d’apprendre à connaître de nouvelles personnes, à mieux m’intégrer. L’ex-consul honoraire Jean-Charles Cachon, qui a occupé le rôle pendant plus de 20 ans, a soumis mon nom dans la liste des candidats potentiels auprès du consulat de Toronto. Après de multiples vérifications, j’ai finalement été sélectionné pour ce poste qui est bénévole.

 Quel est le rôle du consul honoraire?

C’est un rôle consultatif. C’est, par exemple, un Français qui peut aider des expatriés de la région ayant des problèmes avec la justice. Moi, en tant que consul, je ne peux pas conseiller juridiquement une personne en prison, mais je peux m’assurer que cette personne ait accès à un avocat commis d’office. Je peux aider à gérer des passeports, des pièces d’identité et d’autres documents comme des attestations.

Qu’est-ce que vous appréhendez le plus dans votre nouveau rôle?

Ici, le défi, c’est d’avoir une idée claire de la population qu’on dessert. De plus, les distances sont souvent un peu pénibles à gérer. En général, les Français qui sont dans le Nord, souvent des jeunes professionnels de secteurs spécialisés, sont plutôt discrets et font les choses dans leur coin, tranquillement. Donc l’objectif, c’est vraiment de contacter les gens et de faire en sorte qu’ils sachent qu’on existe et qu’on est là pour les aider.

Le nouveau consul de France, Bertrand Pous, et Federico Dudet visitent le campus principal du Collège Boréal de Sudbury pour la première fois depuis leur investiture le 22 novembre. Crédit image : Collège Boréal

Vous avez trois nationalités, mexicaine, française et maintenant canadienne. Est-ce difficile de jongler entre ces trois différentes identités?

Absolument pas, c’est une partie intégrante de qui je suis et de mon parcours. Depuis que je suis tout petit, je baigne dans le multiculturalisme. Donc, je ne vois aucune difficulté au fait de venir dans un pays d’immigrants comme le Canada.

Qu’est-ce qui vous a amené à Sudbury?

J’ai appliqué pour venir en tant qu’immigrant au Canada sous la formule d’Entrée express et une partie de ce processus demande d’avoir un emploi. J’ai envoyé ma candidature à plusieurs entreprises au Canada et les premiers qui m’ont contacté pour faire une entrevue sont les gens du Carrefour francophone. Je savais que Sudbury était une ville en renaissance, que je ne connaissais pas, et j’ai fait plusieurs voyages de reconnaissance pour la visiter. C’est après ça que j’ai fini par accepter l’offre d’emploi.

Êtes-vous content de ce choix aujourd’hui?

J’ai voulu éviter les grosses villes parce que j’ai vécu à San Francisco, Madrid, Paris, Londres et Mexico, et je recherchais plutôt des villes avec une meilleure qualité de vie pour mes enfants. Une ville à taille humaine, plus chaleureuse, tout en vivant dans un milieu citadin. Je voulais surtout ne pas me retrouver dans une voiture deux heures par jour pour me rendre au travail. Sudbury m’a offert ça et aussi un accès à une nature environnante qui me permet de faire des marches et randonnées à proximité.

Vous avez vécu une bonne partie de votre vie au Mexique. Parlez-moi de la présence francophone?

Elle est assez importante. Rien qu’à l’ambassade de France au Mexique, il y a 100 000 Français enregistrés. Il y a des communautés importantes dans des villes comme Mexico, Monterrey et Guadalajara. Il y a le Lycée franco-mexicain avec près de 2500 élèves, des alliances françaises et des échanges qui datent même d’avant l’intervention française en 1862 et la guerre qui s’en est suivie. On a aussi beaucoup d’entrepreneurs français qui ouvrent des commerces comme des boulangeries, mais aussi de grosses entreprises mexicaines qui ont été fondées par des Français comme des banques et de grandes marques de vêtements.

L’ex-maire de Mexico, une ville de 25 millions d’habitants, et candidat aux élections présidentielles du Mexique de 2024, est d’origine française. Il y a beaucoup de ressemblances entre la France et le Mexique, ce sont deux peuples qui s’aiment et se respectent.

Et à Sudbury, avez-vous un contact avec la communauté mexicaine?

Oui. D’ailleurs, à la Place des Arts, il y a plusieurs binationaux, comme la directrice de la librairie-boutique qui vient d’ouvrir. Il y a de plus en plus de Mexicains ici à cause des problèmes terribles que l’on a dans les pays d’Amérique latine.

Vous dirigez les finances du Carrefour francophone depuis la pandémie, ça a dû être tout un défi de commencer dans un tel contexte?

Ça a été assez pénible quand la pandémie a commencé, car on a dû mettre 70 % de nos équipes de travail à la porte du jour au lendemain, car on n’avait plus de quoi les financer. Toutes les garderies étaient fermées, il n’y avait plus de spectacles. J’ai vu comment mon supérieur n’a cessé de penser à les réembaucher le plus rapidement possible. On allait les voir pour leur apporter des masques, des vivres et leur demander comment ils allaient. Pour moi, ça a été quelque chose qui m’a profondément touché. Ce sont des valeurs qu’on ne trouve pas dans beaucoup d’entreprises. Le Carrefour c’est peut-être petit, mais c’était beau. J’ai développé une certaine fierté de travailler avec des gens qui sont humainement sensibles, c’était rafraichissant.

Federico Dudet, à gauche, et Jean-Gilles Pelletier, directeur de la Place des Arts de Sudbury, à droite, lors du Banquet du 75anniversaire du Club Richelieu Sudbury, lequel a remis un don à la Place des arts de Sudbury et la Slague. Crédit image : Place des Arts de Sudbury

Vous impliquez-vous dans d’autres organismes du Nord?

J’ai siégé au Salon du livre de Sudbury. Maintenant, je suis de plus en plus lié au conseil d’administration de la Place des Arts et à la nouvelle librairie-boutique. Aussi, avec mon nouveau rôle de consul honoraire, ce que je veux c’est connaître des gens pour nous aider à apporter des services en français dans le Nord de l’Ontario pour les francoparlants et francophiles.

Tous les organismes que vous venez de citer sont liés à l’art, avez-vous une sensibilité artistique particulière?

Oui, certainement. Ma mère était pianiste, elle a fait le conservatoire à Paris quand elle était jeune. J’ai toujours baigné dans la culture et dans l’art, je me considère très fortuné de travailler aujourd’hui en étant entouré par l’art.

Quelque chose qu’on ne sait pas sur vous?

Je suis un passionné de rugby. Je jouais quand j’étais en France. C’est ce qui m’a permis de sortir de la dépression. J’ai gagné un championnat de France et je suis arrivé en finale d’un petit championnat d’Europe à l’est de l’Irlande. C’est comme ça que j’ai commencé à voyager en Europe et ça m’a permis aussi de m’ouvrir à pas mal de choses. Les valeurs sous-jacentes à ce sport me rejoignent beaucoup : amitié, solidarité, humilité. Le rugby, c’est un jeu de brutes joué par des gentlemans. C’est un sport très inclusif, et aussi de plus en plus multiracial, ce qui est très important. Je me reconnaissais dans cette définition. Je ne peux plus jouer aujourd’hui, mais je regarde encore les compétitions.

Avez-vous un souhait pour 2024?

La paix et la tranquillité dans le monde. C’est un moment de l’Histoire où il y a beaucoup de régions complètement convulsées par la violence et le manque d’opportunités. Ce que je voudrais, c’est que les gens puissent vivre tranquilles là où ils sont, qu’ils ne soient pas obligés de migrer. Contrairement à moi, tellement de millions de gens le font dans des conditions inhumaines où ils finissent par perdre, dans le meilleur des cas, beaucoup d’argent ou, dans le pire, leur vie. J’aimerais qu’on donne un meilleur futur et de la prospérité à ces gens-là, partout en Afrique, en Amérique latine et en Asie du Sud, par exemple. »


1973 : Naissance à la ville de Mexico (Mexique)

2000 : Obtient une bourse d’excellence pour une maîtrise en économie au University College de Londres (Angleterre)

2018 : Déménage au Canada

2019 : Membre du conseil d’administration du Salon du livre de Sudbury

2020 : Devient directeur des finances du Carrefour francophone de Sudbury

2023 : Nommé consul honoraire de France à Sudbury et dans le Nord

Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.