Financement : Queen’s Park légiférera plus vite que prévu

TORONTO – La première ministre Kathleen Wynne promet d’interdire les contributions des grandes entreprises et des syndicats aux caisses électorales des partis provinciaux de l’Ontario dans le cadre d’une réforme du financement politique qu’elle souhaite mettre de l’avant dès ce printemps.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

La chef libérale à Queen’s Park devancerait ainsi de quelques mois la réforme du financement politique qu’elle avait promise d’abord pour l’automne.

« C’est assez clair à mes yeux que nous devons interdire les dons corporatifs et les dons des syndicats », a déclaré Mme Wynne dans la Législature, lundi 4 avril. « Ce n’est plus une question pour moi à ce moment-ci. Nous regardons ce qui se passe dans d’autres juridictions, y compris le fédéral, et c’est ce que nous allons faire. »

Les libéraux se font tirer l’oreille par l’opposition et l’opinion publique depuis quelques jours pour changer les règles du financement des formations politiques qui permettent, à l’heure actuelle, à des gens d’affaires et des lobbyistes d’avoir accès à des ministres influents en échange d’une contribution à la caisse du parti.

Des gens d’affaires et des lobbyistes auraient donné jusqu’à 7500$ au Parti libéral pour avoir un accès privilégié à la première ministre et à des membres de sa garde rapprochée, selon le Globe & Mail.

Une entreprise, un syndicat ou un individu ne peut pas donner plus de 9975$ par année – le double en période électorale – à un parti politique ontarien. Mais il existe des échappatoires. Par exemple, chaque division d’une même entreprise ou chaque section locale d’un même syndicat peut donner à un parti, au même titre que leur maison-mère, le maximum prévu par la loi.

Le Parti libéral donne à ses ministres des cibles de financement à atteindre. Pour certains d’entre eux, la cible pourrait être aussi élevée que 500000$ par année.

Consultation

« Nous avons l’intention de présenter un projet de loi ce printemps (…) parce que (…) les gens de la province ont besoin d’avoir une bonne et longue opportunité d’être entendus », a fait savoir Mme Wynne dans la Législature, alors qu’elle était bombardée de questions sur le financement de son parti, le 4 avril. « Si nous proposons des mesures législatives au printemps, il pourra y avoir une bonne consultation avec le public sur ce projet de loi. »

La veille, la première ministre a aussi écrit aux deux autres chefs de partis à Queen’s Park pour les inviter à lui soumettre leurs idées pour une éventuelle réforme du financement politique.

Le chef progressiste-conservateur Patrick Brown, qui a voté en faveur d’une réforme du financement politique à Ottawa alors qu’il était député fédéral en 2006, se dit prêt à apporter les mêmes changements au niveau provincial. Mais il refuse de sabrer trop vite le champagne.

« Je doute de la sincérité de cette démarche. La première ministre aurait pu dire aujourd’hui que ses ministres n’étaient plus autorisés à recueillir des fonds auprès des parties intéressées dans leurs départements. Mais elle ne l’a pas fait », a fustigé M. Brown. « Si des ministres octroient des contrats, ils ne doivent pas pouvoir recueillir des fonds auprès des gens à qui ils octroient ces contrats. »

La chef néo-démocrate Andrea Horwath a fait preuve, elle aussi, d’un optimisme prudent.

« J’espère que la première ministre va prendre le temps de bien consulter les Ontariens », a exhorté Mme Horwath à la presse parlementaire. « Ce n’est pas un enjeu qui ne concerne pas seulement les partis politiques, mais aussi les entreprises, les syndicats, les experts et l’ensemble de la société civile. Nous voulons que cette réforme soit bien pensée. »

En attendant la réforme, le gouvernement et l’opposition n’ont toutefois pas l’intention de changer leurs méthodes de financement. En février, le NPD de l’Ontario a été l’hôte d’un souper-bénéfice à 9975$ le couvert dans un hôtel de Toronto avec, comme invitée spéciale, la première ministre néo-démocrate Rachel Notley, de l’Alberta.