Français : à peine candidat, Mark Carney attaqué par ses adversaires

OTTAWA — À peine quelques jours après qu’il ait officialisé sa candidature pour la chefferie libérale, Mark Carney se voit la cible de critiques sur son français chez ses adversaires, autant chez les libéraux que chez les conservateurs.
L’ancien gouverneur de la Banque du Canada et celle d’Angleterre a lancé sa campagne jeudi dernier en Alberta. Mark Carney a prononcé un discours dans les deux langues, mais principalement plus en anglais, lors de son lancement, en plus de répondre à des questions en français et en anglais.
Il avait quelques jours auparavant accordé une entrevue, à saveur de précampagne, sur le réseau américain Comedy Central à l’émission de Jon Stewart’s The Daily Show.
« Carney n’a donné aucune entrevue en français au Québec, mais il a lancé sa campagne avec une entrevue aux États-Unis, en anglais seulement », a dénoncé sur X le chef conservateur Pierre Poilievre, ce qu’il qualifie de « honteux ». « Mettre le Canada d’abord doit inclure le respect de nos deux langues officielles. »
« Les francophones méritent d’entendre les candidats à la chefferie dans leur langue maternelle. Chrystia Freeland est partante pour un débat en français. Mark Carney, l’êtes-vous? » l’a pressé l’ex-ministre du Revenu national et de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau, qui se range derrière sa collègue dans cette course.

Mark Carney n’a d’ailleurs pas encore accordé d’entrevue en français contrairement à sa principale concurrente.
L’ex-ministre des Finances, qui a lancé sa campagne dimanche à Toronto, s’est d’ailleurs targué d’avoir accordé sa première entrevue en français, soulignant qu’elle est « ici pour défendre le français et le bilinguisme » au pays. Une autre membre du cabinet au cours des dernières années, Karina Gould, a livré un plaidoyer semblable dimanche lors de son lancement de campagne, soulignant son apprentissage du français dans le système d’immersion en Ontario.
« C’est sûr que ça détonne par rapport à ses deux adversaires pour le moment, au sens où à la fois Mme Freeland et Mme Gould ont pris la peine de donner plus de place au fait français dans leur campagne pour le moment », analyse la professeure en science politique au Collège militaire royal de Kingston, Stéphanie Chouinard.
Lorsqu’il était gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney parlait régulièrement en français lors de discours et allocutions en plus d’accorder des entrevues aux médias francophones dans le cadre de ses fonctions entre 2008 et 2013.
« Il est peut-être un peu rouillé. Depuis les dix dernières années, il n’a peut-être pas eu la chance de pratiquer son français autant que deux parlementaires à Ottawa. Il a moins de facilité à exprimer ses idées en français », observe Mme Chouinard, qui croit que ça pourrait lui nuire au Québec et dans les bastions francophones hors du Québec si ça ne change pas.
« C’est un parti qui a une base importante au Québec. Les Québécois francophones sont sensibles à la question linguistique comme le sont les francophones à l’extérieur (du Québec) et s’attendent à ce que leur chef soit en mesure de s’exprimer correctement dans leur langue. »
Mark Carney a toutefois reçu un appui de taille de la part de la ministre des Affaires étrangères et ex-ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, reconnue pour ses qualités d’organisatrice au Québec. Pour Stéphanie Chouinard, c’est plutôt la réponse du prochain chef aux menaces des tarifs américains de Donald Trump et l’injection de nouvelles idées, qui déterminera l’identité du remplaçant de Justin Trudeau, mais ajoute que la maîtrise du français pourrait jouer par la suite.
« Le ou la candidate va devenir au même moment premier ministre et très rapidement va être appelé(e) à défendre ses idées lors d’une campagne où il devra se mesurer à un Pierre Poilievre, mais surtout un Yves-François Blanchet… Ils n’auront pas le temps de suivre des cours ni de se préparer à d’éventuels débats de campagnes électorales », ajoute-t-elle.