Le français en chute libre dans la fonction publique fédérale
OTTAWA – L’utilisation du français au travail est en baisse au sein de la fonction publique fédérale alors que l’anglais progresse, selon des données de Statistique Canada. La présidente du Conseil du Trésor Mona Fortier se félicite de son côté que le bilinguisme au sein de l’appareil fédéral s’améliore.
En 2021, à travers le pays, c’est 13 %, soit 63 365 sur un total de 489 055 fonctionnaires, qui disent utiliser le français principalement au travail. En 2016, c’était 14,9 %, soit 62 900.
Alors que le français baisse, l’anglais fait du chemin. En 2021, 81,9 % des travailleurs fédéraux disaient utiliser l’anglais comme langue principale de travail alors qu’en 2016, c’était plus bas, soit 80,1 %. La proportion d’employés fédéraux disant utiliser le français et l’anglais égalitairement n’a pas bougé, restant à 4,9 %.
Il faut aussi souligner que la sortie de ces chiffres survient alors qu’Ottawa a massivement augmenté son effectif de 12 % depuis 2020.
À noter que ces données sur la langue de travail incluent certaines catégories exclues de l’effectif officiel du gouvernement fédéral de 335 957 fonctionnaires (2022). À titre d’exemple, du personnel des cabinets de ministre, des employés engagés sur place à l’étranger, des membres réguliers de la GRC, des employés du Service canadien du renseignement de sécurité ou encore des membres des Forces canadiennes, etc. Ces employés ne sont pas comptabilisés pour diverses raisons.
Portrait guère plus rose à Ottawa et hors Québec
Ces données sont tirées du Recensement de 2021 sur la langue de travail révélé mercredi dernier. ONFR+ a demandé à Statistique Canada des chiffres supplémentaires sur la langue de travail au sein de la fonction publique.
Dans la région d’Ottawa-Gatineau, où la plus grande proportion de l’effectif fédéral se trouve, c’est 82,5 % de la fonction publique qui dit utiliser principalement l’anglais. Quelque 13 715 employés fédéraux sur près de 152 000 travailleurs disent utiliser la langue de Molière pour une proportion de 9 %. C’est 8,5 % qui disent de leur côté utiliser égalitairement les deux langues officielles. La fonction publique dans Ottawa-Gatineau est plus anglophone que le reste du marché du travail de la région, démontre les données. 17,3 % des gens disent utiliser le français comme principale langue de travail dans la région de la capitale nationale contre 77,8 % pour l’anglais.
Hors Québec (mais en incluant la partie québécoise d’Ottawa-Gatineau), l’utilisation du français au travail, de 2016 à 2021, a chuté de 4,9 % à 4,2 % alors que l’anglais est passé de 90,9 % à 91,6 %. L’utilisation des deux langues officielles est demeurée inchangée à 4,1 %.
Il faut aussi ajouter à cela que selon des données de Radio-Canada, près de 19 % des sous-ministres ou des sous-ministres déléguées parlent français alors que les francophones représentent 31 % de la fonction publique.
Le bilinguisme s’améliore, dit Fortier
Mardi en comité parlementaire, la ministre du Conseil du Trésor Mona Fortier s’est pourtant félicitée que le bilinguisme dans la fonction publique s’améliorait, car « les nombres et les postes bilingues n’ont cessé de s’accroître année après année », ajoutant que 44 % des employés étaient bilingues.
« Le bilinguisme peut s’améliorer, mais est-ce que le fait de parler français dans la fonction publique fédérale s’améliore? La réponse n’est pas plus claire, définitivement pas. La première langue de la fonction publique c’est l’anglais, la deuxième, c’est le bilinguisme et la troisième le français », a réagi Yvon Barrière, vice-président exécutif régional de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) pour le Québec.
Sur l’utilisation du français au travail, la présidente du Conseil du Trésor avance qu’il revient « à chaque fonctionnaire de prendre ses responsabilités ». Elle se prend elle-même en exemple, affirmant qu’elle fait la majorité du temps ses briefings en français.
« Il (le fonctionnaire) peut dire qu’il va travailler seulement en anglais, mais il peut se lever le matin et dire qu’il va travailler en français aussi. »
Elle cite un sondage réalisé en 2020 qui affirmait que neuf fonctionnaires sur dix se sentaient à l’aise de parler dans la langue de leur choix avec leur superviseur. Pourtant, en janvier 2021, le commissaire aux langues officielles avait sorti un sondage révélant que 44 % des fonctionnaires francophones se disaient mal à l’aise d’utiliser le français au travail. De ce lot, 74 % citaient comme principale raison, pour ne pas être supervisés en français, le fait que leur superviseur n’était pas assez à l’aise dans la langue.