Francophonie canadienne : à quoi s’attendre avec le gouvernement Legault

François Legault. Gracieuseté: Conseil de la fédération
François Legault. Gracieuseté: Conseil de la fédération

Les quatre dernières années avec François Legault au pouvoir au Québec auront permis, aux dires des organismes francophones, un rapprochement avec la francophonie canadienne. Le second mandat qu’il entame après sa victoire aux élections provinciales est donc vu avec optimisme, d’autant que les récents chiffres du déclin du français forment un point de convergence.

L’un des moments phares du dernier mandat de la Coalition avenir Québec (CAQ) est l’adoption du projet de Loi 96 adopté avant les élections visant à renforcer la place du français au Québec. La mouture inclut des passages sur la francophonie canadienne comme celle de permettre aux étudiants francophones canadiens de venir étudier au Québec au même prix qu’un Québécois si son programme n’est pas offert en français dans sa province.

On s’engage aussi à la « responsabilité particulière » que doit jouer la Belle Province dans son rôle de premier plan au sein de la francophonie ainsi qu’à la contribution du Québec à « l’essor » des communautés francophones du Canada.

« C’est un bilan somme toute positif », analyse Martin Meunier, professeur et titulaire de la Chaire de recherche Québec, francophonie canadienne et mutations culturelles à l’Université d’Ottawa. « C’est le premier gouvernement à avoir réalisé son plan avec la francophonie canadienne. Même le Parti libéral avant n’avait pas été aussi loin dans sa volonté de rapprochement avec les francophonies canadiennes que la CAQ. »

Il y a aussi la Politique en matière de francophonie canadienne comportant 80 mesures concrètes autour de cinq grandes orientations dans le cadre d’un plan sur trois ans. Après l’avoir adoptée en mars à l’initiative de la ministre Sonia Lebel, Québec avait promis la tenue d’un sommet de la francophonie canadienne en plus de tripler son aide destinée à la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada.

« Pour nous, cette politique-là était très positive », rappelle Liane Roy, la présidente de la FCFA. « Donc, on espère que cette continuité va faire en sorte qu’on va être en mesure de poursuivre tout ce qui a été commencé (…). C’est le même parti, donc ça augure bien pour la poursuite du rapprochement avec le Québec. »

La ministre sortante québécoise responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel. Archives ONFR+

Plus spécifiquement en Ontario, la ministre des Affaires francophones Caroline Mulroney et son homologue Sonia Lebel avaient annoncé, en septembre 2021, un financement de 500 000 $ pour 19 projets élaborés conjointement par des organisations francophones des deux provinces.

« C’est évident qu’on veut que ça se poursuive. Ça donne une bonne idée de ce que le Québec entend faire comme leader en tant que province francophone et je pense que c’est de bon augure », estime le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) Carol Jolin.

Dans l’autre province voisine, le Nouveau-Brunswick, on espère voir ce type d’entente se développer avec le gouvernement de Blaine Higgs. La Société de L’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) aimerait voir la province bilingue prendre le taureau par les cornes dans le dossier.

« Il y a un lien naturel entre le Québec et le Nouveau-Brunswick, deux seules provinces où il y a une spécificité linguistique. Lorsqu’on va en Gaspésie ou aux Îles-de-la-Madeleine, c’est assez similaire au nord du Nouveau-Brunswick (…). Le gouvernement du Québec peut financer directement des projets de façon très concrète entre l’Acadie et le Québec », donne en exemple son président Alexandre Cédric Doucet.

Déclin du français

La question du déclin du français et de la francisation des immigrants est revenue dans les plateformes de tous les partis québécois lors des élections provinciales, notamment de la CAQ. Le dossier risque encore de revenir dans les prochaines années, notamment en raison de la marée bleue caquiste qui a frappé les régions du Québec, croit le politologue Martin Meunier.

« C’est central et on arrive à un point névralgique. On voit bien que, par le résultat électoral, le Québec est plus que divisé en deux entre Montréal et le reste du Québec. Montréal a une configuration bien à elle et si la CAQ ne veut pas perdre à tout jamais Montréal, elle va devoir agir, car les chiffres sont inquiétants en termes de francisation. »

François Legault a justement mentionné en conférence de presse mardi après sa victoire qu’arrêter le déclin du français était l’un des sujets de discussion avec Justin Trudeau. Sur ce dossier, le premier ministre québécois dit espérer de son homologue fédéral « une ouverture, qu’on se rencontre et qu’on en parle ».

« Même s’il y a un déclin au Québec, c’est quand même l’endroit où il y a le plus de francophones alors s’ils prennent des mesures, c’est toujours salué des francophones ailleurs au pays », souligne Liane Roy. « Surtout si ce sont des mesures qui sont là pour valoriser le français, freiner le déclin et qui ont la lentille de la francophonie en milieu minoritaire. »

La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy
La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy. Gracieuseté

De telles politiques renforcées pourraient bénéficier aux francophones du reste du Canada, estime M. Meunier.

« Je ne pense pas que les mauvaises statistiques radicalisent le discours de la CAQ face aux francophonies. Je pense plutôt que l’aide du Québec va être accrue et on va concrétiser encore plus rapidement ce qui a été mis lors des quatre premières années. »