Garderies : des organismes francophones craignent le passage d’un projet de loi « assimilateur »
OTTAWA – Les acteurs de la francophonie canadienne craignent l’adoption d’un projet de loi au Sénat sur le financement des garderies qui contribuerait à l’assimilation des francophones en milieu minoritaire, estiment-ils.
Le projet de loi C-35, présentement à l’étude en comité sénatorial, porte sur la vision et l’engagement financier du fédéral envers les milieux de petite enfance dans le cadre de ses ententes avec les provinces et territoires. Ce texte, si adopté, viendrait garantir via une loi le financement des garderies par Ottawa, faisant suite aux ententes signées en 2021 et 2022 qui visaient à une réduction des frais à 10 $ par jour.
Les organismes francophones et anglophones du Québec craignent l’omission des communautés linguistiques en milieu minoritaire à l’article 8 de la mouture qui porte sur les obligations du gouvernement à financer les milieux de garde dans sa portion des ententes. Dans sa forme actuelle, cette section du libellé fait mention d’un engagement envers les peuples autochtones, mais pas des minorités linguistiques.
« Quand on a vu dans les ententes avec les provinces, comme au Manitoba, où il y a eu un engagement ferme envers les francophones avec un montant d’argent et un nombre de places, il y a eu des résultats. Quand c’est un beau principe, c’est flou, on ne voit absolument pas de résultats », a témoigné Jean-Luc Racine de la Commission nationale des parents francophones (CNPF) devant les sénateurs jeudi.
Le projet de loi C-35 a été approuvé à l’unanimité par les députés au Parlement. Cette modification au projet de loi que souhaitent les organismes francophones n’avait pas été déposée par les partis en comité parlementaire, le Sénat étant leur dernière chance.
Un risque d’assimilation, entendent les sénateurs
L’expert en droit constitutionnel François Larocque estime quant à lui que les sénateurs pourraient créer un projet de loi incohérent en ne modifiant pas cette section de la Loi. C-35 fait référence à la Loi sur les langues officielles et aux minorités linguistiques ailleurs dans le libellé.
Mais en l’absence de mention dans la section de l’engagement financier envers ceux-ci, « il est plus que vraisemblable qu’un tribunal conclurait que le gouvernement n’est pas obligé de leur garantir un financement à long terme », explique-t-il.
« Quand il s’agit de droits linguistiques, les tribunaux sont frileux », rappelle M. Larocque. « C’est dans ce contexte, que le silence de l’article 8 à l’égard des communautés linguistiques en milieu minoritaire risque de donner l’impression que c’est un choix délibéré et intentionnel du législateur. »
En plus des demandes sur l’engagement financier, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick souhaite ajouter une mention de la spécificité linguistique de la province au sein du projet de loi.
« Si on échoue, on va contribuer directement à l’assimilation en anglais », prévient sa présidente Nicole Arseneau Sluyter.
Même son de cloche pour la Commission nationale des parents francophones qui estime qu’un manque de places dans les garderies en français est démontré sur le terrain « par un taux d’assimilation bien réel ».
« Notre expérience sur le terrain démontre clairement que, dès que les enfants (francophones) rentrent à l’école anglophone, c’est terminé… Une fois que vous passez du côté anglophone, en quelques années, vous allez avoir oublié le français », soutient Jean-Luc Racine.
L’étude de C-35 se poursuit présentement son étude en comité sénatorial.