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Gérald Lacombe : un bâtisseur qui a façonné la francophonie d’Orléans

Gérald Lacombe, ancien président du Mouvement d’implication francophone d’Orléans. Gracieuseté

Gérald Lacombe a marqué la francophone d’Orléans en contribuant à la création du centre culturel du MIFO dans les années 1980. Enseignant, bâtisseur, rassembleur, il s’est éteint le 9 mai dernier à l’âge de 83 ans. Sa fille et des figures du milieu francophone reviennent sur son héritage.

« La francophonie a toujours été au cœur de sa vie. Il l’a héritée de ses parents et l’a transmise à sa façon », témoigne Johanne Lacombe, à propos de son père, Gérald Lacombe, ancien président du Mouvement d’implication francophone d’Orléans (MIFO), décédé le 9 mai dernier à l’âge de 83 ans.

Privé d’une éducation en français dans sa jeunesse, une blessure qu’il portera longtemps, ce Franco-Ontarien, né le 27 juillet 1941 à Vankleek Hill, dans l’Est ontarien, s’installe à Orléans au début des années 1970. Historien de formation – baccalauréat ès Art en histoire à l’Université d’Ottawa en 1963 -, il milite inlassablement pour des services et une éducation en français accessibles à tous.

Présidente du Conseil des écoles catholiques du Centre-Est, Johanne Lacombe (à droite) suit la voie tracée par son père. Photo : Gracieuseté

« Que ce soit dans notre famille, avec ses amis ou à travers sa carrière dans l’enseignement, il a toujours défendu le français. Il a choisi d’enseigner dans les écoles francophones et s’est impliqué dans des organismes comme le MIFO ou la Résidence Saint-Louis », raconte sa fille, aujourd’hui présidente du Conseil des écoles catholiques du Centre-Est, suivant elle-même la voie tracée par son père.

« Déterminé et toujours positif, pour lui, chaque défi cachait une opportunité. Il disait toujours qu’il y avait une solution à tout », assure Mme Lacombe. Un état d’esprit appliqué autant dans sa vie personnelle que dans ses engagements communautaires. Cet engagement s’incarne pleinement dans son implication au MIFO. Lorsqu’il en prend la présidence en 1983, Gérald Lacombe déclare au journal Le Droit : « Je n’ai jamais cru qu’on devait être anti quoi que ce soit, mais pro… En d’autres termes, c’est en s’organisant qu’on fait des choses. Le MIFO n’est pas un groupe révolutionnaire qui conteste. Je n’en ferais pas partie si c’était le cas. Je suis intéressé à promouvoir le fait français à Orléans. »

Président de 1983 à 1986, à une période charnière de l’histoire du MIFO, il joue un rôle décisif dans la structuration des services francophones dans l’est de la capitale, estime pour sa part Trèva Cousineau, actuelle présidente de l’organisme.

Elle souligne l’ampleur de sa contribution, notamment pour obtenir les premiers financements nécessaires à la croissance de la communauté francophone : « C’est grâce à des bâtisseurs comme Gérald Lacombe que le MIFO a pu voir le jour et devenir un pilier de la vie francophone à Orléans. »

Sa fille se souvient très bien de cette époque, marquée par une intense mobilisation : « On l’accompagnait partout pour vendre des billets de loterie, faire des collectes de fonds dans les centres commerciaux… »

Un souvenir, en 1985, fort demeure gravé dans sa mémoire, le jour où le centre a été construit au coût de plus de 1,3 million de dollars : « Notre famille – et même des politiciens – avons posé la tourbe autour du bâtiment. Il tenait à ce que tout soit parfait pour la communauté francophone d’Orléans. C’était un moment très marquant. »

Un héritage toujours vivant

Pour Trèva Cousineau, ce centre, né six ans après la fondation de l’organisme, représentait bien plus qu’un simple édifice : « Convaincu de l’importance de répondre aux besoins des familles et des enfants francophones, M. Lacombe voyait dans le MIFO un lieu de rassemblement, d’appartenance et d’épanouissement communautaire. »

Trèva Cousineau, actuelle présidente du MIFO. Photo : Gracieuseté

Et de poursuivre : « Pour lui, le MIFO représentait un modèle inspirant qui témoigne de la vitalité francophone. Son héritage, profondément ancré dans cette vision, continuera d’inspirer et de guider les générations à venir. »

Un avis partagé par Fabien Hébert, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), qui souligne un modèle pour toutes les communautés francophones de la province. « Sa contribution est marquante, durable. Elle incarne cette volonté de créer des lieux vivants, structurants, au service de la culture et de l’identité francophones », insiste M. Hébert.

Et son influence dépasse son époque. « Gérald Lacombe a contribué à ouvrir des portes, à bâtir des espaces et à faire avancer la cause dans des contextes pas toujours simples. Ces gains-là, on les utilise encore aujourd’hui pour continuer à bâtir », poursuit le président de l’AFO.

Mais selon lui, le contexte a changé. « Le monde dans lequel on vit est devenu de plus en plus complexe. Faire des avancées aujourd’hui, c’est souvent plus difficile que par le passé, à cause des systèmes, des structures, des exigences accrues. Cela dit, on profite encore aujourd’hui de ce que des leaders comme M. Lacombe ont réussi à mettre en place », relève M. Hébert conscient de sa mission pour continuer le chemin pavé par les pionniers, « même si les moyens et les stratégies doivent évoluer. »

Pour Fabien Hébert, Gérald Lacombe a contribué à ouvrir des portes pour la francophonie. Gracieuseté

Gérald Lacombe s’est éteint avec le sentiment du devoir accompli. Le jour de sa retraite en 1998 de son dernier poste en tant que directeur-adjoint de l’École secondaire Louis-Riel, à l’est d’Ottawa, il se sentait apaisé.

« Il avait le sentiment d’avoir fait sa part, d’avoir eu un impact dans la vie des jeunes et dans sa communauté », confie sa fille.

« Il disait souvent qu’il n’aurait rien pu accomplir sans le soutien de sa famille, surtout de notre mère. C’était un moment très émouvant pour nous », ajoute-t-elle.

Les dernières années ont été marquées par la maladie. « Mon père a été diagnostiqué avec la démence il y a trois ou quatre ans. Au début, c’était difficile. Pour un homme éduqué, actif, en forme qui aime faire du vélo, c’était frustrant. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. »

Avec le temps, la famille a dû prendre la décision difficile de l’installer en résidence. « Il a fini ses jours à la Maison de l’Est, aux soins palliatifs. C’était le plus beau cadeau qu’on pouvait lui faire : lui permettre de mourir dans un environnement francophone, à l’image de ce qu’il a toujours défendu. »

Jusqu’au bout, Gérald Lacombe est resté fidèle à ses valeurs. « Il faisait les choses parce qu’il voulait faire une différence. Il n’a jamais cherché la reconnaissance », déclare sa fille. Mais aujourd’hui, elle croit qu’il serait fier – humblement fier – qu’un lieu porte son nom. « Ce serait un geste symbolique fort pour honorer son héritage », conclut-elle.