Glen Murray ou le départ d’un avant-gardiste
[ANALYSE]
TORONTO – Il était l’un des principaux visages du gouvernement Wynne. Pour la première fois depuis 2010, Glen Murray ne sera pas présent sur les bancs de Queen’s Park lors de la rentrée parlementaire dans quelques jours.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
Son mandat de député de Toronto-Centre s’achèvera en effet ce vendredi. Le 31 juillet, M. Murray en avait surpris plus d’un en annonçant sa démission du ministère de l’Environnement et de l’Action en matière de changement climatique. Une annonce qui en avait entrainé une autre directement… l’autonomie du ministère des Affaires francophones. Conséquence : la démission du francophile Glen Murray est passée quasiment inaperçue des francophones.
Les Franco-Ontariens doivent pourtant à Glen Murray son engagement en faveur d’une université franco-ontarienne. C’était en 2013 lors de la course à la chefferie du Parti libéral de l’Ontario. À ce moment-là, le gouvernement se cantonnait à parler de la création de programmes en français dans le Centre-Sud-Ouest. Personne ne se risquait à prononcer le mot « université franco-ontarienne ».
Quelque peu avant-gardiste, M. Murray s’était d’ailleurs désisté de cette même course à la chefferie pour rejoindre les rangs de Kathleen Wynne… alors donnée largement perdante devant celle pour qui le poste de première ministre semblait assuré : Sandra Pupatello.
Passage remarqué au ministère de l’Environnement
Devenu l’un des principaux lieutenants de Mme Wynne, M. Murray fit un passage discret au ministère des Transports, puis beaucoup plus remarqué à l’Environnement à partir de 2014. On retiendra son « plan vert » constitué non seulement de l’ouverture au marché du carbone avec le Québec et la Californie, mais aussi des incitatifs musclés aux entreprises et aux consommateurs pour les encourager à réduire leur empreinte environnementale.
Une mesure noble sur le papier, mais qui demeurait insuffisante pour le ministre, partisan de bannir le gaz naturel comme source d’énergie. Au risque de tomber en désaccord avec ses collègues du gouvernement… et aussi des pontes de l’industrie automobile dans la province.
C’est peut-être là le tort (ou la raison) de Glen Murray : confondre les convictions et le jeu politique. L’homme de confiance de Mme Wynne était aussi un électron libre… capable de reprocher publiquement aux industriels de n’en faire pas assez pour le changement climatique.
Quel avenir maintenant pour lui? Si l’ex-ministre de l’Environnement s’apprête à rejoindre un groupe de réflexion indépendant, on ne le reverra probablement pas en politique, du moins dans le moyen terme. Dès 2014, M. Murray avait laissé entendre qu’il s’agissait de son dernier mandat. Une décision donc murement réfléchie.
Un impact réel pour le gouvernement
Il y a en tout cas peu de chance que cette décision n’affecte la composition de l’Assemblée législative. Si Mme Wynne a écarté l’idée d’une élection partielle immédiate dans Toronto-Centre, une option jugée trop couteuse, la circonscription devrait rester somme toute un château fort libéral lors des élections de juin 2018.
En revanche, le départ de Glen Murray aura un réel impact sur le gouvernement de Mme Wynne. Premier maire ouvertement homosexuel d’une grande ville canadienne (Winnipeg) à la fin des années 1990, M. Murray symbolisait le visage socio-démocrate et progressiste des troupes libérales.
Soutien des premières heures de Mme Wynne, et aujourd’hui premier poids lourd à quitter le navire (à l’exception de Madeleine Meilleur), l’ex-ministre de l’Environnement pourrait presque voir son départ comme un mauvais présage pour le parti au pouvoir. Le legs de Glen Murray n’est-il pas d’avoir souvent eu un coup d’avance.
Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 28 août.