Grève à l’Université York : situation bloquée et inquiétude à Glendon
TORONTO – La grève des chargés de cours et assistants d’enseignement de l’Université York se poursuit et continue de bloquer des milliers d’étudiants, incluant ceux du Collège universitaire Glendon. Lundi, la présidente de l’établissement a sommé le syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) d’aller en arbitrage. Le syndicat, lui, mise encore sur des négociations.
ROZENN NICOLLE
rnicolle@tfo.org | @Rozenn_TFO
Dans une lettre adressée à la section 3903 (représentant les employés de l’Université York) du SFCP, Rhonda Lenton, la présidente de l’Université York, a reconnu une situation « d’impasse » et souhaite recourir à un arbitrage qui serait tenu par la Commission des relations de travail de l’Ontario. Une proposition qui reporte la condition d’un retour au travail immédiat du personnel gréviste.
Du côté du syndicat, on écarte cette option : « Nous ne croyons pas en l’efficacité de l’arbitrage pour le moment », a expliqué Julian Arend, porte-parole du SCFP 3903, joint par téléphone par #ONfr, mercredi midi. Deux raisons ont été avancées : le processus de négociation n’est pas arrivé à son terme selon le syndicat, et remettre entre les mains d’un tiers-parti un dossier aussi épineux avec lequel il n’est pas aussi familier serait une erreur.
Des deux côtés, on dénonce l’inflexibilité. Le syndicat, lui, pointe du doigt le manque de volonté de l’Université et regrette plusieurs absences de sa part à la table des négociations. « Ils ont refusé de venir à plusieurs sessions et continuent, malgré nos demandes, à nous présenter la même offre encore et encore » s’indigne M. Arend.
La lettre de Mme Lenton survient après le refus, lors d’un vote « forcé » par l’Université aux membres du syndicat, sur la dernière offre patronale.
Depuis le 5 mars dernier, pas moins de 50 000 étudiants de l’Université de York sont affectés par le mouvement de grève des assistants d’enseignement, assistants de recherche et chargés de cours. Cela comprend les étudiants du campus bilingue de Glendon.
Avant le début de la période d’examen, l’Université estimait à 77 % des cours annulés à Glendon et 46 % dans l’ensemble de ses campus. Un chiffre ne comprenant pas les classes qui n’ont pas été officiellement « suspendues » et déclarées comme telles par les professeurs, selon le porte-parole de SCFP 3903.
Stabilité et sécurité au cœur du débat
Au milieu de ce litige : la stabilité de l’emploi, et notamment le système de « conversion » mis en place après la grève de 2000-2001. Celui-ci permet à ces employés aux contrats précaires d’obtenir un poste permanent après plusieurs années de service via un système de points. Présentement, le plafond de ces conversions d’un statut à l’autre est de huit par année, sans pour autant de garantie. L’Université souhaite, elle, passer à une limite de deux conversions garanties par année. L’année passée, sept postes permanents ont été obtenus grâce à ce système.
« C’est un des points qui nous a fait basculer dans la grève » a commenté Alban Bargain, chargé de cours en histoire à l’Université York aux campus de Glendon et Keele. « À ce rythme-là, ce serait comme dire à quelqu’un : votre prochaine promotion, mathématiquement, vous pouvez l’escompter quand vous aurez 80 ans. Ça décourage presque de vouloir enseigner », estime-t-il.
État de confusion chez les étudiants
Les étudiants, directement touchés par la situation, sont, eux, partagés entre solidarité pour les grévistes et inquiétude concernant leur fin de session.
« Je ne pense pas que ce soit une partie de plaisir pour eux de faire ça, ils sont en train de perdre de l’argent et ce n’est pas vraiment une météo agréable pour tenir des piquets de grève à l’extérieur », compatit Alex, étudiant en linguistique à Glendon, qui vit sa seconde grève en cinq ans.
Chantal, étudiante suisse en programme d’échange à Glendon, a son billet de départ pour le 25 avril et ne sait toujours pas comment ni si elle pourra valider son expérience. Elle reproche à l’Université son manque de communication. Inès, quant à elle inscrite en tant qu’étudiante internationale, s’impatiente et craint un refus de ses parents de payer la prochaine session et de devoir rentrer en France.
Jointe par téléphone mercredi, l’Université dit pouvoir sauver la session des étudiants si les employés reprennent leurs postes avant le 23 avril. En attendant, la porte-parole Barbara Joy a dit regarder la situation « un jour à la fois » tout en se préparant à déployer des options comme des projets spéciaux ou des travaux à distance permettant aux étudiants de valider leur session après leur départ.
Alban Bargain, lui, regrette que les étudiants soient les « dommages collatéraux » de cette grève et assure que le corps professoral s’adaptera au mieux pour soutenir ces derniers. Il reste cependant optimiste quant aux négociations : « On n’est pas loin, il faut juste que York revienne discuter. »