Grippe aviaire : les agriculteurs franco-ontariens en alerte
Vigilance accrue pour les éleveurs de la province. Une souche inquiétante de la grippe aviaire H5N1 sévit depuis plusieurs semaines dans le sud de l’Ontario. Selon l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), une douzaine de foyers seraient déjà touchés. L’inquiétude pour les élevages et la production des fermes avicoles gagne du terrain. ONFR+ est parti à la rencontre de Marcel Laviolette, producteur d’œufs de la ferme avicole Laviolette à St-Isidore dans l’Est de l’Ontario.
L’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) rencontrée en Ontario s’avère plus dangereuse que d’habitude selon l’ACIA. Même si toutes les fermes commerciales de la région se soumettent à des règles de biosécurité, le risque est bien présent et« quand le virus touche une production, c’est trop tard », résume Marcel Laviolette.
Les élevages commerciaux ont beaucoup à perdre. Les producteurs d’œufs en Ontario sont nombreux. M. Laviolette possède 50 000 poules pondeuses, « les producteurs de loisirs qui ont 20 poules n’ont pas les mêmes enjeux. Moi, j’en ai 50 000 et notre région c’est 1,6 million de poules. On vit de l’agriculture! », affirme le producteur.
Selon Farm and Food Care Ontario, une coalition d’organismes du secteur, la province possède environ 40 % des poules pondeuses du Canada. Ce que corrobore Marcel Laviolette, en expliquant que les quatre comtés de l’Est de l’Ontario produisent environ 18 % des œufs de la région.
« La chaîne d’approvisionnement complète risque d’être touchée » – Marcel Laviolette, producteur d’œufs
« La chaîne d’approvisionnement complète risque d’être touchée. On ne fait pas que la production d’œufs, on fait aussi notre mise en marché. Si du jour au lendemain je n’ai plus de poules… », s’arrête ce professionnel.
« C’est tout notre bassin de producteur qui risque d’être affecté, on n’est pas à l’abri », reprend-il.
La situation évolue tous les jours et risque de se propager assez vite d’après le fermier. C’est pourquoi, les petits producteurs doivent contribuer à l’éradication de ce virus.
Même si les producteurs de loisirs consomment leurs propres œufs, pour Marcel Laviolette, il sont le plus à risque. « En n’appliquant aucune mesure de biosécurité, ils ne protègent pas leurs élevages, mais c’est aussi nous qu’ils mettent en danger. C’est en fait ce qui se passe dans le sud, la bactérie se propage, puisqu’environ 200 petites fermes de poulets et 115 fermes ont des poules. » Ce sont des foyers non commerciaux.
D’après le producteur, « beaucoup de ces gens vivent dans des endroits si reculés qu’ils ne savent pas ce qui se passe et donc sont plus à même de perdre les deux ou trois poules familiales, et de ce fait favorisent l‘éclosion de la bactérie ».
Il s’estime tout de même chanceux, puisqu’il semble que dans l’est, très peu de fermes « appartiennent à Monsieur et Madame tout le monde ».
Une stratégie d’intervention d’urgence pour contenir le risque
Même si l’ACIA surveille et traque les animaux potentiellement infectés ou exposés à la maladie, les producteurs sont seuls face à la décontamination et à la désinfection de leurs matériels.
« Si on s’impose une biosécurité, on le fait pour protéger nos fermes et nos revenus. Quoi qu’il en
soit, grippe aviaire ou pas, on ne laisse pas rentrer tout le monde dans l’aire de production. »
Les fermes avicoles se doivent donc de protéger leurs investissements et productions en tout temps. « C’est un risque de tous les jours la grippe aviaire, la biosécurité c’est notre quotidien », affirme M. Laviolette.
Sa ferme essaie de protéger ses poules de l’Homme. Pour l’éleveur, le risque est aussi d’amener le virus soi-même sur les sites. « Nous avons six camions dans notre ferme et nous les conduisons régulièrement entre Montréal, Ottawa et Toronto. Le pire ennemi est l’humain, le virus ne se transmet pas si il n’y pas de contact. »
Il explique qu’il faut désinfecter les camions, les tapis, les roues, et tout le matériel utilisé. « Cela représente des heures d’ouvrage, je lave mon camion à chaque fois que je débarque. On n’a pas le choix! »
La peur du consommateur
Cette grippe aviaire heurte les consommateurs dans leur croyance. En effet, « il y a la crainte du client, les gens qui ont peur vont ralentir de manger des œufs. On l’a vu avec la COVID-19 », nous dit encore M. Laviolette. « Pourtant, il n’y a pas de transmission vers l’œuf. »
Le producteur espère que la température va augmenter, afin d’aider à anéantir le virus. Il explique qu’il sera dur de s’en remettre puisque le cycle de production des œufs peut prendre entre un an et deux ans.
Les propriétaires d’animaux dont l’ACIA ordonne la destruction pourront être admissibles à une
indemnisation. Une grippe aviaire qui arrive seulement alors que les restrictions face à la COVID-19 s’allègent.