Des libéraux veulent une exigence de dirigeants francophones dans les entreprises fédérales
OTTAWA – Est-ce qu’Ottawa devrait obliger les entreprises fédérales à avoir un minimum de hauts dirigeants francophones? L’opposition et certains élus libéraux pensent qu’il devrait y avoir une certaine représentation de francophones au sein des compagnies assujetties à la Loi sur les langues officielles.
La présidente du Conseil du Trésor et députée franco-ontarienne Mona Fortier pense qu’on devrait s’assurer qu’il y ait « des règlements pour que les entreprises continuent à respecter la Loi sur les langues officielles ».
« C’est une bonne question à explorer, mais il devrait y avoir une représentation pour que les deux langues officielles soient représentées », pense l’élue d’Ottawa-Vanier
De son côté, le président du comité des langues officielles et député libéral, René Arsenault, a évoqué l’idée d’avoir au moins le quart d’un conseil d’administration composé de francophones en entrevue à la Presse Canadienne.
La question se pose depuis la saga de Air Canada et plus récemment celle du Canadien National (CN). Le transporteur ferroviaire, qui est assujetti à la Loi sur les langues officielles, ne comporte aucun francophone au sein de son conseil d’administration, comme le révélait La Presse la semaine passée.
Mardi, le CN a fait savoir qu’il avait entamé le processus pour trouver un administrateur francophone du Québec en vue de remplacer Jean Charest, qui a quitté au début du mois pour se lancer dans la course à la chefferie conservatrice.
La ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, refuse de dire si elle pourrait inclure dans son projet de loi C-13 une certaine obligation pour les entreprises fédérales, mais dit s’attendre à ce que « ces entreprises et compagnies fassent la bonne chose ».
« Je pense que c’est réellement très important de s’assurer que sur les conseils d’administration, qu’il va y avoir une représentation des francophones, et puis encore une fois, le CN nous a dit qu’ils vont rectifier cette situation-là, et puis j’espère que les autres entreprises aussi, vont suivre l’exemple. »
La ministre souligne que son projet de loi permettra d’assurer une prestation des services dans les deux langues officielles.
« Le message qui nous a été envoyé très clairement et aussi par le commissaire aux langues officielles, c’est de s’assurer qu’il va toujours avoir des services qui vont être offerts en français et en anglais. C’est exactement ce dont on s’assure avec toutes les entreprises de compétence fédérale : que les employés et puis les clients pourront se faire servir en français. »
Ottawa doit aller de l’avant dit l’opposition
Le critique aux Langues officielles chez les conservateurs, Joël Godin, aimerait voir une certaine obligation pour les entreprises dans le projet de loi C-13.
« On se doit de prendre des mesures. Si le fédéral ne peut pas mettre des mesures, qui va en mettre? Il y a un impact direct sur le déclin du français, car si le français n’est pas représenté à la table des conseils d’administration, qui va se préoccuper du fait français et qui va le descendre dans la chaîne de gouvernance au niveau de chacune des institutions? », se demande le député de l’opposition officielle.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a adopté lundi une motion pour inviter le CN devant le comité permanent des langues officielles, notamment la nouvelle PDG unilingue anglophone Tracy Robinson. Les néo-démocrates se disent pour l’ajout d’exigences de francophones au sein des têtes dirigeantes des sociétés fédérales.
« Je pense que c’est une solution qu’il faut maintenant envisager, car la volonté et la bonne foi ne suffisent pas… Que ça soit Air Canada ou le CN, le cadre législatif actuel est insuffisant. On a toujours été prêt, mais là, on l’est plus que jamais à le renforcer. On va être prêt à envisager un pourcentage de francophones sur un conseil d’administration », affirme le député et auteur de cette motion Alexandre Boulerice.
Le Bloc Québécois dit douter de la volonté du gouvernement Trudeau d’aller de l’avant avec une imposition.
« Je vous laisse imaginer combien de personnes qui ont un numéro de téléphone direct dans le cabinet du premier ministre qui dirige de grandes entreprises canadiennes qui vont prendre le téléphone et dire « tu ne peux pas nous faire ça ». Je suis convaincu que la sensibilité du premier ministre sera davantage à des gens qui vont lui expliquer en anglais qu’ils ne veulent pas se faire imposer du français », croit son chef Yves-François Blanchet.
De son côté, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) pense que les grandes entreprises assujetties à la Loi sur les langues officielles « devraient avoir des dirigeants et dirigeantes qui ont la capacité de s’exprimer en français ».