Immigration Canada : des délais d’attente près de deux fois plus élevés dans les pays francophones
OTTAWA – Les demandes de permis de travail dans une bonne partie de pays francophones prennent près du double du temps comparativement à d’autres pays plus anglophones. Un écart qui pourrait s’expliquer par une allocation des ressources biaisée en Afrique, expose un rapport de la vérificatrice générale du Canada.
Selon les données d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), les demandes de permis de travail de pays d’où proviennent la majorité des immigrants francophones peuvent prendre jusqu’à 20 semaines pour être traitées. Les principaux pays d’origine des immigrants francophones comme le Maroc (19 semaines), l’Algérie (19 semaines), Haïti (10 semaines), Cameroun (33 semaines) peuvent prendre en majorité entre 4 à 8 mois avec exception de la France (64 semaines).
À contrario, des pays comme la Chine (12 semaines), les Philippines (12 semaines), l’Inde (10 semaines), le Nigeria (11 semaines) prennent tous autour de 3 mois avec comme exception le Royaume-Uni avec 64 semaines. Un traitement différencié est aussi similaire pour les demandes de permis de visiteurs.
Pays/ Délai de traitement | Permis de travail | Permis de visiteur |
---|---|---|
France | 64 semaines | 380 jours |
Chine | 12 semaines | 83 jours |
Inde | 10 semaines | 31 jours |
Nigéria | 11 semaines | 524 jours |
États-Unis | 6 semaines | 31 jours |
HaÏti | 10 semaines | 132 jours |
Royaume-Uni | 27 semaines | 85 jours |
Ghana | 24 semaines | 69 jours |
Maroc | 19 semaines | 169 jours |
Algérie | 19 semaines | 63 jours |
Philippines | 12 semaines | 29 jours |
République démocratique du Congo (Kinshasa) | 69 semaines | 432 jours |
Cameroun | 33 semaines | 234 jours |
Côte d’Ivoire | 13 semaines | 469 jours |
Ces pays anglophones et francophones sont considérés, selon le Recensement de 2021, comme les principaux pays d’origine des immigrants canadiens. Dans une déclaration écrite IRCC, affirme que « la langue n’est en aucun cas un facteur déterminant dans la rapidité avec laquelle une demande sera traitée ».
« Aucune préférence n’est accordée au traitement des candidatures des pays anglophones par rapport aux pays francophones », écrit une porte-parole d’Immigration Canada dans un courriel.
Mais dans un rapport publié jeudi sur IRCC, la vérificatrice générale du Canada Karen Hogan soutient qu’il existe un favoritisme en faveur de certains pays et bureaux basés sur les pays de résidence, étale-t-elle.
« Les résultats sont clairs, il y a des résultats différentiels basés sur la race ou le pays du demandeur. Où l’individu est (situé) lors de la demande d’application détermine où l’application va être envoyée », statue-t-elle en conférence de presse.
Par exemple, les demandes en provenance d’Haïti sont presque toutes prises en charge de façon manuelle (par un agent) alors qu’en Inde et en Corée du Sud, c’est fait de façon plus automatisée, démontre le rapport.
Karen Hogan énonce qu’en Afrique subsaharienne, où sont situés des pays à forte démographie francophone comme la République démocratique du Congo, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, sont « touchés par un manque chronique de ressources ». Malgré cela IRCC a tout de même continué à leur attribuer des volumes de demandes parmi les plus élevés.
« Et il n’avait aucun plan immédiat pour réduire l’importante accumulation de demandes et les temps d’attente plus longs auxquels étaient assujetties les personnes à l’origine de ces demandes », est-il écrit.
Ce constat n’est pas surprenant, car le ministère ignore lui-même la capacité de ses bureaux, mais ils continuent tout de même à leur fournir une demande, qui dépasse le seuil de capacité de traitement, a constaté la vérificatrice générale. Certaines demandes prennent de trois à quatre ans à être traitées, notamment pour les réfugiés, est-il exposé.
La chercheuse de l’Université d’Ottawa Luisa Veronis avance qu’il n’est pas surprenant que les demandes de permis de travail des pays comme l’Inde et la Chine soient favorisées par rapport à certains pays francophones.
« La Chine et l’Inde, ce sont des gens qui travaillent dans les technologies informatiques, les STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) et peut-être que là, ça va plus vite, car ça pourrait être en fonction des domaines, ce qui ne serait pas le cas des autres pays (francophones) », explique la spécialiste en immigration francophone.
Un seuil qui aura un impact, plaide Hogan
Concernant le traitement différencié pour certains bureaux, notamment en Afrique subsaharienne, le ministre de l’Immigration Marc Miller affirme qu’il va s’enquérir auprès des fonctionnaires de son ministère pour changer les choses.
« Quand je vois une allocation de ressources qui me semble biaisée, je me dois de poser des questions (…). En Afrique subsaharienne, il y a une pénurie de ressources, mais c’est clair qu’il y a des choses qu’on peut faire uniquement sur le terrain, mais il y a des choses qu’on peut faire selon notre système global », réagit-il.
Les seuils migratoires du gouvernement, de 500 000 nouveaux arrivants en 2025, mettront de la pression sur le système et ce n’est pas en raison d’un manque de ressources ou d’argent, mais plutôt d’organisation à l’interne du travail, souligne Karen Hogan.
« Il y a un risque que quand tu augmentes le seuil, il y ait un fardeau de travail qui augmente. C’est certain que les individus vont attendre alors c’est pour cela qu’il faut être clair que les standards sont désuets et que c’est le temps de les améliorer et d’être plus transparent avec les temps requis », suggère-t-elle.
« Ceci n’est pas un excellent rapport », a commenté le ministre de l’Immigration Marc Miller. Ceci n’est pas le standard d’excellence auquel je m’attends, ajoute-t-il concernant les délais d’attente.
Ce dernier avance vouloir miser sur une meilleure organisation des ressources au lieu de baisser le nombre de nouveaux arrivants.