Immigration francophone : le coût des tests en français s’invite au comité
OTTAWA – Alors que le comité permanent des langues officielles a débuté, mardi 27 septembre, ses travaux sur l’immigration francophone à l’extérieur du Québec, le rapport très attendu du commissariat aux langues officielles (CLO) du Canada sur les coûts et l’accessibilité des tests de compétence linguistique en français a monopolisé les débats.
BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet
Bien que le dossier de l’immigration francophone soit jugé prioritaire par les élus, c’est la question des tests de compétence linguistique qui a occupé la majorité des discussions, mardi 27 septembre. Invités à parler d’immigration francophone, les représentants d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) ont été assaillis de questions à la suite du dévoilement du rapport préliminaire d’enquête du commissaire aux langues officielles.
Dans ce document, dont #ONfr a obtenu une copie, le commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser, blâme IRCC pour les problèmes d’accès aux tests de compétence linguistique en français et juge que le ministère contrevient à ses obligations au regard de la Loi sur les langues officielles (LLO) en matière de communications et de services offerts au public et de promotion du français et de l’anglais.
Les plaintes reçues par le commissaire en août 2015 ont permis d’établir que l’accès est beaucoup plus limité, les délais de traitements plus longs et le coût plus élevé pour les candidats qui souhaitent passer leur test de compétence linguistique dans la langue de Champlain.
Pour le porte-parole aux langues officielles du Nouveau Parti démocratique (NPD), François Choquette, qui avait lui-même porté plainte dans ce dossier, les conclusions de M. Fraser ne sont en aucun cas une surprise.
« Il était évident que les problèmes qui avaient été identifiés prouvaient que le ministère ne respectait pas la LLO. Ça ne fait que montrer la gravité de la situation. »
Obstacle à l’immigration francophone
Le test de compétence linguistique est nécessaire pour les personnes qui souhaitent immigrer au Canada qui prouvent ainsi qu’elles maîtrisent une des deux langues officielles.
Actuellement, le test en français, géré par un organisme de France, n’est pas offert à l’Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador et dans les territoires, selon les données du CLO, et 8 des 18 centres d’examens qui le proposent sont situés au Québec.
De plus, en janvier 2016, le coût des tests passés au Canada variait entre 265 $ et 365 $ pour le test en anglais et entre 330 $ et 485 $ pour le test en français.
Situation que nous avons déplorée à plusieurs reprises. Les immig.qui veulent passer leurs test en fr. doivent payer + cher /1 #frcan #immfr https://t.co/bFDRjmjcDw
— FCFA du Canada (@fcfacanada) September 27, 2016
Et ils doivent aussi souvent aller ds une autre ville/province. P.ex. les gens de Terre-Neuve doivent aller en Nlle-Écosse. /2 #frcan #immfr https://t.co/bFDRjmjcDw
— FCFA du Canada (@fcfacanada) September 27, 2016
Payer + cher pour tests linguistiques en fr.et devoir aller ds autre ville/prov, ce n'est pas ça l'égalité réelle des 2 LO. /3 #frcan #immfr https://t.co/bFDRjmANv4
— FCFA du Canada (@fcfacanada) September 27, 2016
La députée québécoise Sylvie Boucher a également rapporté de nombreuses plaintes reçues dans sa circonscription relatives à la difficulté du test en français.
« J’ai un bon niveau en français et je peux vous dire, pour avoir obtenu une copie du test, qu’il est extrêmement difficile », a-t-elle soutenu, invitant ses collègues membres du comité à passer le test pour se faire une idée de son niveau de difficulté.
Une subvention?
Pour le critique aux langues officielles du Parti conservateur (PC), Bernard Généreux, cela peut décourager les immigrants francophones de s’établir à l’extérieur du Québec, et ce, alors même que le gouvernement fédéral s’est donné une cible de 4,4 % d’immigration francophone d’ici 2023, qui stagne depuis dix ans à 1,5 %.
« Pourquoi, parmi les mesures d’encouragements pour favoriser l’immigration francophone à l’extérieur Québec, on ne subventionnerait pas une partie des tests en français? », a-t-il notamment suggéré. « Il y a la possibilité de faire beaucoup mieux. Le ministère est en réflexion pour trouver des alternatives, mais de toute évidence, il faut qu’on réagisse parce que premièrement, c’est contre la loi, mais aussi parce que si on veut attirer des francophones, il faut mettre tous les outils nécessaires en œuvre. »
Le commissaire Fraser dans sa conclusion indique que la question des tests constitue un autre obstacle qui pourrait avoir des conséquences négatives sur l’accueil des immigrants francophones dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Une analyse que ne partage pas le ministère.
« Ne pas pouvoir passer le test en français n’empêche pas les immigrants francophones de venir s’installer dans une autre province que le Québec », assure Stefanie Beck, sous-ministre adjointe, Services ministériels, pour IRCC.
Les représentants d’IRCC ont assuré que la solution était plus compliquée, notamment pour homogénéiser les tests, leur coût et leur disponibilité, notamment parce qu’ils sont également proposés à l’extérieur du Canada.
Autre solution avancée par le député du Nouveau-Brunswick, René Arseneault, la possibilité que le ministère administre lui-même les tests de compétence linguistique.
« À court terme, je pense que mettre en place une subvention est une bonne idée. Et à long terme, il faut mettre en place un système de surveillance de cette égalité de fait », pense pour sa part, M. Choquette.
Des coûts à déterminer
Mais quelle que soit la solution choisie, cela aura un coût important, selon les représentants du ministère, qui disent toutefois étudier la solution d’une subvention.
« Inévitablement, il va y avoir un coût si on subventionne », reconnaît M. Généreux. « Nous allons attendre d’avoir les chiffres et il faudra voir si le gouvernement en fait une priorité. »
Le député néo-démocrate de Drummond, François Choquette, s’étonne que le problème n’ait toujours pas été résolu bien qu’il ait été identifié depuis au moins un an.
« Il n’y avait pas besoin d’attendre un an pour agir! J’espère que la ministre du Patrimoine canadien va faire quelque chose dans ce dossier car jusqu’à présent elle est absente dans plusieurs dossiers en matière de langues officielles. On l’a vu récemment sur la question de Parcs Canada… C’est bien que Mme Joly fasse le tour du Canada pour consulter la population sur la future feuille de route, mais il y a aussi des dossiers chauds et urgents sur lesquels elle doit intervenir! »