Inclusive mais inaccessible, l’expérience MYÜZ affiche déjà complet

OTTAWA – Les billets pour MYÜZ, le nouveau parcours immersif du Centre national des arts (CNA), ont tous trouvé preneur dans les premières heures de mise en vente. Le concept est d’offrir une expérience accessible pour tous les publics, dont les personnes qui vivent avec un handicap ou une neurodivergence. L’initiative, acclamée par la communauté des personnes handicapées, affichait déjà complet au moment où les médias ont pu y accéder, mardi après-midi.
L’idée est venue de Sarah MacKinnon, employée du CNA depuis deux ans et demi comme dirigeante principale de l’information. Dans ses temps libres, elle est conceptrice de jeux d’évasion. Elle est aussi la mère de trois enfants entre 11 et 17 ans. Graeme et Rowan vivent avec un trouble du spectre de l’autisme, tandis que leur grande sœur Téa vit avec une paralysie cérébrale.
« C’est un grand défi de trouver les spectacles ou les événements auxquels ma famille peut assister », explique Sarah MacKinnon en entrevue avec ONFR. Elle a donc voulu créer une expérience artistique qui pourrait être vécue sans compromis.

Le résultat est un parcours immersif divisé en quatre pièces, qui représentent les quatre zones du cerveau d’un artiste.
L’idéatrice explique. « Le concept est un peu ‘meta’. Il fallait que je trouve un thème ou une histoire. En y réfléchissant, je me suis dit que ça pourrait justement être ça le thème, le concept de créer une idée. L’expérience, c’est d’entrer dans le cerveau d’un artiste, de voir les rêves d’un artiste et de générer l’énergie créatrice pour créer une idée. »
En équipe, les participants doivent explorer leur environnement et résoudre des énigmes, à la manière d’un jeu d’évasion, mais sans le stress qui y est habituellement associé. Le décor est directement inspiré des salles sensorielles qui sont parfois élaborées pour les personnes autistes.

Les barrières physiques sont celles que l’on rencontre en premier au quotidien, mais ce sont aussi les plus évidentes, explique Sarah MacKinnon. « Pour les personnes avec des handicaps invisibles, c’est rare qu’il y a des accommodements. »
Bien sûr, l’équipe s’est aussi assurée de l’accessibilité physique des lieux. Les portes sont larges, il n’y a pas d’escaliers et même les objets à l’intérieur des pièces ont été mesurés « pour s’assurer que tous les besoins étaient pris en compte », peut-on lire sur le site du CNA.
L’expérience affiche complet
La vente très rapide des billets a surpris les organisateurs. Alors qu’une campagne de promotion avait eu lieu pour viser une clientèle de 15 à 35 ans avant la mise en vente, il est difficile de dire si la communauté handicapée a réellement pu avoir accès aux places limitées. L’expérience MYÜZ est en effet conçue pour se vivre en petits groupes.
« On ne sait pas, admet Sarah MacKinnon. Mais on a travaillé avec la communauté handicapée pendant les deux dernières années. Je sais que la communauté attendait la vente. »

Dans un échange de courriels avec ONFR, Dominique Chabot, gestionnaire du soutien familial à Autisme Canada, affirme voir d’un bon oeil le fait que l’événement affiche complet. « Je ne vois pas cela comme un problème du tout. Honnêtement, je ne pense pas que le Centre national des arts ait anticipé une réponse aussi rapide de la communauté. C’est un développement positif. »
Celle qui est aussi mère de deux garçons vivant avec un trouble du spectre de l’autisme encense le concept.
« Je suis fière du CNA et de l’initiative MYÜZ, pour avoir veillé à ce que l’accessibilité soit au cœur de ce projet. Je crois que la communauté neurodivergente était tout aussi enthousiaste à l’idée d’assister à un événement adapté aux sensibilités. Avec la Loi canadienne sur l’accessibilité, axée sur un pays exempt d’obstacles, le CNA a tout fait correctement. »
Le décor de MYÜZ, installé au Studio Azrieli jusqu’au 17 août, devra rapidement être démonté pour laisser la place à une autre production. Est-ce que l’engouement pourrait le faire revenir par la suite? Rien n’est prévu pour l’instant, mais Sarah MacKinnon se permet d’en rêver.
Les bonnes pratiques
L’expérience a été bénéfique de façon plus large, puisque les employés et dirigeants du CNA ont appris à être plus vigilants en matière d’accessibilité. Selon Sarah MacKinnon, ses collègues ont pris « le réflexe de questionner, de se demander : est-ce que c’est accessible ou pas? Je trouve qu’on a appris beaucoup avec la communauté. »
L’équipe a en effet travaillé de pair avec différentes associations pour personnes handicapées, entre autres en organisant des groupes tests tout au long de l’élaboration du projet. « Je pense qu’on pourra avoir de meilleurs spectacles (à l’avenir) grâce à ces apprentissages », exprime la conceptrice.
Un élément qui est déjà récupéré par d’autres productions du CNA est la boîte d’objets que l’on retrouve à l’entrée de chacune des salles de MYÜZ. Écouteurs pour limiter le bruit, balles antistress et autres objets sensoriels sont à la disposition des spectateurs, notamment des personnes autistes. Depuis quelques semaines, l’orchestre du CNA propose des coussins lourds, efficaces pour l’apaisement et la concentration.

Sarah MacKinnon est reconnaissante de l’ouverture du président et chef de la direction du CNA à sa cause. « Christopher Deacon appuie les événements comme ça, qui ont un esprit d’accessibilité. Il pose des questions sur ce qu’on peut faire pour chaque spectacle. »
Une sensibilité que partage Heather Gibson, productrice générale du volet Musique populaire et variétés, qui a recruté l’équipe de création à la suggestion de Sarah MacKinnon. Elle affirme : « C’est important de repousser les limites pour permettre à tous les publics d’assister aux spectacles du CNA, mais aussi d’y participer pleinement. »
Le CNA dispose d’un plan d’accessibilité 2022-2025 qu’il est possible de consulter sur son site web.