Jean-Gilles Pelletier, le maestro de la Place des Arts

Jean-Gilles Pelletier pose ses valises dans le Nord avec pour mission de faire rayonner la culture. Crédit image: Simon Lefranc
Jean-Gilles Pelletier pose ses valises dans le Nord avec pour mission de faire rayonner la culture. Crédit image: Simon Lefranc

[LA RENCONTRE D’ONFR+]

SUDBURY – Jean-Gilles Pelletier a succédé à Léo Therrien, à la direction générale de la Place des Arts, quelques jours avant son inauguration. Un nouveau défi attend celui qui a successivement dirigé le Centre francophone de Toronto, le Commissariat aux services en français de l’Ontario, la Société Santé en français et l’Association des traducteurs et interprètes de l’Ontario.

« Quelle est l’expérience qui vous a le plus marqué dans votre parcours professionnel jusqu’à présent?

Oh, il y en a eu plusieurs, mais c’est inévitable que la direction générale du Centre francophone de Toronto pendant 11 ans a été une expérience marquante et très enrichissante pour moi. Le centre a vécu un développement organisationnel très important, passant de 17 à près de 100 employés durant mon temps. On a vraiment fait croître une panoplie de services dans un environnement difficile.

En quoi était-ce compliqué de développer ces services?

Les gouvernements provinciaux qui n’ont pas toujours à l’écoute des francophones, même si on a été capables de tirer notre épingle du jeu et de se positionner pour répondre aux priorités gouvernementales. C’était une période très riche professionnellement, mais aussi personnellement. On a eu à gérer une fusion importante entre le centre médico-social communautaire et le centre francophone devenu donc le centre culturel. Ce développement a été très porteur dans la communauté francophone de Toronto. Réussir cette fusion, c’est une grande fierté, surtout que c’est beaucoup plus compliqué que ça ne laisse paraître.

Comment avez-vous vécu le « Jeudi noir » et l’abolition de l’indépendance du Commissariat aux services en français dont vous étiez directeur au moment des faits?

Je l’ai su seulement 48 heures avant. L’adjoint-politique de la ministre m’a appelé pour me dire que le cabinet s’était rencontré et qu’il y avait une recommandation en faveur de l’élimination du poste de Commissaire parce que, à l’époque, c’est vraiment ce qu’on visait même si cette proposition a été revue. Donc on a intégré le poste et l’organisation à l’ombudsman de l’Ontario. Et là, j’ai appelé François Boileau (le commissaire de l’époque) puis on n’en est tous les deux pas revenus.

Comment avez-vous géré tout cela?

C’était dur parce que l’indépendance du Commissariat avait été gagnée à bout de bras et c’était vraiment une fierté de réussir à s’exprimer librement. On a dû gérer toute une transition. Et ce qui est paradoxal c’est qu’on avait organisé un grand symposium au mois de novembre 2018 sur l’avenir de la communauté francophone pour les dix prochaines années donc quelques jours après l’annonce, ce qui devait être une période d’effervescence, mais en fait ce n’était pas avec gaîté de cœur qu’on célébrait finalement le rôle du Commissariat.

Qu’est-ce qui vous a amené vers la gestion après des études en sociologie et sciences politiques?

Je pense que le défi de donner une saveur à une équipe et une organisation, ça a été irrésistible. Quand on a la chance de travailler dans le domaine paragouvernemental et qu’on a la chance d’avoir un impact sur les résultats, la manière dont l’organisation dessert ses membres et ses clients et qu’elle se positionne dans l’environnement public, c’est extraordinairement gratifiant. Je ne l’ai pas toujours eu cette influence-là, mais de pouvoir avoir un mot à dire sur la manière dont se conduit une organisation c’est formidable et les rôles de gestion que j’ai eue m’ont permis de faire ça.

Quels sont, selon vous, les principaux défis qui vous attendent à la tête de la Place des Arts?

Je pense qu’il faut être une organisation agile, s’adapter et comprendre comment on peut faire bénéficier la communauté de certaines priorités gouvernementales. Ce n’est pas évident, mais si on fait un bon travail, on peut aligner les priorités gouvernementales avec des propositions de manières de faire qui vont bien desservir les communautés francophones. Être constamment à l’écoute de cette clientèle francophone minoritaire, c’est essentiel. Puis une autre chose qu’on peut se permettre avec cette clientèle francophone, ce sont les expériences.

Qu’entendez-vous par le terme expériences?

Je veux dire : essayer des modes de gestion et de service différent. C’est quelque chose qu’on peut se permettre dans des milieux plus petits à la différence des organisations anglophones dont la taille des sommets rend le processus impossible.

Il y a aussi le défi de la démocratisation de l’accès aux arts et à la culture. Aller voir une pièce de théâtre ce n’est pas donné. Dans ce contexte-là, il y a plein de gens qui ne pensent pas à cette possibilité. L’idée est également de penser d’être flexible et ouvert par rapport à la diversité de la création qu’on veut mettre, et c’est ça le cœur de l’enjeu. On a beau avoir un édifice extraordinaire, ce qu’on veut c’est mettre en avant les créateurs, car c’est eux qui nous nourrissent.

Qu’est-ce qui est le plus palpitant à vos yeux dans cette prochaine aventure?

Beaucoup de choses, mais j’ai vraiment hâte de m’immerger dans le Nord de l’Ontario. C’est une région qui est totalement unique, si dynamique, foisonnante de culture. C’est un foyer de créativité incomparable. Je ne sais pas ce qu’ils mettent dans cette eau-là vraiment, mais c’est remarquable. Je suis impatient de me joindre à cet élan.

J’ai hâte de mieux comprendre ce phénomène et de voir s’il y a des pans de créativité qui n’ont pas bénéficié du même niveau d’appui et qu’on ne peut pas faire éclore. Il faut être attentif à toutes les formes de créations, car sans elles on n’en serait pas où on en est aujourd’hui. Par exemple, la poésie chantée et la danse. On n’a pas de festival de danse à Sudbury et moi je veux en voir naître un, car j’adore la danse moderne, même si je ne suis pas du tout un artiste!

Allez-vous mettre de l’avant la collaboration avec d’autres organismes culturels, tel le Centre culturel francophone?

Absolument, mais pas seulement avec les organismes culturels, mais vraiment tous les organismes franco-ontariens. Il y a une façon de faire en sorte qu’on soit tous gagnants à collaborer. On reconnaît l’importance des rôles respectifs des partenaires donc ce n’est pas question de s’accaparer l’enveloppe de qui que ce soit.

Deuxièmement on se met d’accord sur l’objectif à réaliser pour bien desservir la clientèle ou offrir un service qui n’a jamais été offert. C’est là qu’on sort gagnant-gagnant. Et si on peut faire en sorte que la programmation culturelle dans la communauté italienne de Sudbury puisse avoir un foyer de diffusion encore plus pertinent et vibrant tant mieux. J’adorerai aller voir un spectacle de slam poésie en Italien, de danse ukrainienne, des artistes en arts visuels de l’ancien temps soviétique.

Quelles activités aimez-vous pratiquer en dehors de votre travail?

Je suis un avide amateur d’arts visuels et membre du Musée des Beaux-Arts de l’Ontario, dont j’ai été guide bénévole pendant plusieurs années. Les arts de la scène me passionnent également : j’ai siégé au conseil d’administration du Théâtre français de Toronto pendant plusieurs années. J’ai un vélo de route donc j’en profite au maximum, en faisant des randonnées de 80-100 km. Je suis aussi un maniaque de cardio vélo et j’ai longtemps été un adepte du squash. Mes jambes me le permettent moins aujourd’hui.

Le sport est super important pour moi. En hiver, j’aime beaucoup patiner et pratiquer le ski de fond. J’aime faire du canot de rivière. J’ai descendu la rivière de Missinaibi dans le Nord de l’Ontario justement, et fait plusieurs expéditions. On m’a dit qu’il y a près de 300 lacs dans la grande région de Sudbury. Donc pour moi qui aime le plein air, c’est vraiment la cerise sur le sundae de pouvoir travailler en étant entouré par cet environnement de toute beauté. J’ai vraiment hâte de m’y installer cet été! »


LES DATES-CLÉS DE JEAN-GILLES PELLETIER :

1964 : Naissance à Montréal (Québec).

1997 : Nommé directeur général du Centre francophone de Toronto.

2008 : Devient directeur, Administration et Langues officielles au Conseil des ministres de l’éducation.

2016 : Nommé directeur général du Commissariat aux services en Français.

2019 : Prend la direction générale de la Société Santé en français

2022 : Nommé directeur général de la Place des Arts de Sudbury.

Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.