Le projet de loi C-32 accueilli favorablement par les francophones
OTTAWA – Les premières réactions au dépôt du projet de loi C-32, qui doit moderniser la Loi sur les langues officielles, sont plutôt favorables. Mais ce qui assombrit l’événement, c’est que le gouvernement libéral de Justin Trudeau a choisi l’avant-dernière semaine de travaux parlementaires pour déposer son projet de loi. Or, il se peut fort bien qu’il y ait des élections à l’automne, ce qui pourrait avoir comme résultat de faire mourir le projet de loi au feuilleton.
Les principaux éléments de ce projet de loi font écho au contenu du livre blanc présenté en début d’année par la ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly.
« Ce qu’on reconnait dans le projet de loi ce sont trois droits fondamentaux, trois droits très importants c’est-à-dire le droit de travailler en français, le droit d’être servi en français et le droit de ne pas être discriminé parce qu’on est francophone dans les entreprises de compétence fédérale, au Québec et dans les régions à forte présence francophone », a-t-elle précisé.
Ainsi, la reconnaissance du français en tant que langue officielle du Québec, des pouvoirs accrus pour le commissaire aux langues officielles, des juges bilingues à la Cour suprême et des obligations en matière d’immigration francophone hors Québec font partie des dispositions contenues dans le projet de loi.
En ce qui a trait aux juges de la Cour suprême, le gouvernement libéral tient à clarifier les choses en inscrivant noir sur blanc qu’ils doivent être bilingues.
« Ce qu’on fait maintenant, c’est qu’on a décidé d’amender la Loi sur les langues officielles pour que ça soit clair dans la législation que le gouvernement a une obligation de nommer des juges bilingues », a expliqué Madame Joly.
Et en matière d’immigration, le gouvernement veut aussi être tout aussi clair.
« On reconnait que le Canada se doit d’attirer et de faciliter l’immigration francophone à l’extérieur du Québec au sein des communautés francophones minoritaires. C’est donc pourquoi le ministre de l’Immigration devra, en vertu de la nouvelle loi, développer une politique d’appui à l’immigration francophone à l’extérieur du Québec. »
C-32 déposé tard, mais bien reçu
Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, a pour sa part, réagi sur Twitter : « Je me réjouis du dépôt aujourd’hui du tant attendu du projet de loi visant à moderniser en profondeur la Loi sur les langues officielles, et qu’il soit maintenant une réalité. »
« Je suis impatient d’analyser en profondeur les mesures proposées, et j’espère que les droits de l’ensemble de la population canadienne seront maintenus. »
Le bureau de M. Théberge a fait savoir qu’il prépare une réaction plus étoffée, n’ayant pas encore complété son étude du projet de loi au moment où nous l’avons joint.
« Une Loi robuste, qui veille au respect de nos deux langues officielles et déploie tout le potentiel du français au même titre que l’anglais, c’est bon pour le Canada tout entier » – Jean Johnson
« Pour la FCFA et les communautés qu’elle représente, c’est un moment de grande fierté. Nous travaillons depuis maintenant quatre ans sur ce grand projet, et nous le faisons avec une conviction profonde : une Loi robuste, qui veille au respect de nos deux langues officielles et déploie tout le potentiel du français au même titre que l’anglais, c’est bon pour le Canada tout entier », a déclaré Jean Johnson, président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
De son côté, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, la SANB « applaudit la volonté du gouvernement d’instaurer une vision asymétrique des langues officielles au pays ».
Elle se dit « très satisfaite de constater qu’une de ses principales revendications, soit la reconnaissance de la spécificité linguistique du Nouveau-Brunswick, sera inscrite dans le préambule de la Loi modernisée et dans la Partie VII », tel qu’on peut le lire dans le communiqué de l’organisme.
Pour sa part, le président de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse, Kenneth Deveau, se réjouit de la teneur du projet de loi C-32. « La Fédération acadienne estime que le projet de loi tel que présenté représente des gains considérables pour notre communauté. Nous encourageons les parlementaires, tous partis politiques confondus, à travailler en collaboration pour doter notre communauté d’une loi plus pertinente qui tienne compte de notre réalité actuelle et ce, dans les meilleurs délais », a déclaré M. Deveau dans un communiqué.
Réactions politiques
Peu avant le dépôt du projet de loi C-32, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet avait déclaré que la reconnaissance du français en tant que langue officielle du Québec par le gouvernement fédéral survient à cause de la conjoncture politique actuelle. Le Parti libéral fédéral gouverne avec une minorité de députés, et plusieurs bloquistes siègent à Ottawa, tandis qu’au Québec, la question fait l’objet d’un très large consensus.
Pour le critique conservateur en matière de langues officielles, Alain Rayes, ce projet de loi n’a aucune chance d’être adopté.
« La session parlementaire tire à sa fin et les libéraux veulent déclencher des élections le plus tôt possible. Dans ce contexte, il est clair qu’un projet de loi, même déposé cette semaine, n’aurait pas le temps d’être adopté et les libéraux le savent très bien. Si cet enjeu avait été réellement important pour eux, ils auraient déposé un projet de loi bien avant », nous écrit M. Rayes par courriel.
Le chef-adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD), et critique en matière de langues officielles, Alexandre Boulerice, n’a pas été tendre lui non plus à l’égard du moment choisi pour déposer ce projet de loi attendu depuis fort longtemps.
« Les libéraux font preuve ici d’un grand cynisme en introduisant le projet de réforme une semaine avant la fin de la session parlementaire. Ils nous présentent encore de beaux discours et font montre de vouloir protéger le français, mais il serait important de rappeler qu’ils avaient voté contre le bilinguisme des juges de la Cour suprême et l’application des principes de la Loi 101 aux entreprises de compétence fédérale au Québec. Et, considérant que les libéraux feront tout pour déclencher des élections en faisant fi des besoins réels de la population, il y a fort à parier que cette réforme sera à nouveau retardée », a dit craindre M. Boulerice.