Journée mondiale de la santé mentale : L’UOF lance une nouvelle filière, une première en français
TORONTO – Depuis un mois, l’Université de l’Ontario Français (UOF) amorce le pas en offrant désormais le premier baccalauréat universitaire spécialisé en santé mentale en français de la province. Ce vendredi, à l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, les initiateurs du programme soulignent une volonté de former une relève de soignants au cœur d’un domaine encore mal compris.
Selon Marie Gendy qui œuvre comme coordinatrice du programme, « 53 % des Franco-Ontariens déclarent n’avoir peu ou pas d’accès aux services de santé mentale en français ». Elle précise que le traitement des dépendances, les centres de crise ou logements d’urgences figurent parmi les services les moins accessibles dans cette langue.
C’est l’une des raisons ayant poussé Magdalena Galaj à rejoindre cette toute première cohorte de 8 étudiants, une grande fierté pour celle-ci.
« Je craignais qu’en tant que nouveau programme, il ne soit annulé faute d’inscriptions. Au final, j’étais plutôt agréablement surprise », se réjouit l’heureuse diplômée de l’école secondaire Sainte-Famille à Mississauga.
Après une rencontre avec le personnel universitaire dans une foire des universités et l’obtention d’une bourse de 12 000 $ de l’UOF récompensant son parcours, l’étudiante a entamé un cheminement vers une carrière auprès de la communauté.
« Je suis en contact avec des élèves en douzième année et beaucoup sont intéressés à choisir ce programme de santé mentale à l’UOF », raconte la jeune femme.

La conception du curriculum par Mme Gendy, s’est réalisée en s’inspirant d’autres établissements ontariens tels que le Collège Conestoga, l’Institut de Seneca ou encore l’Université de Toronto.
Par ailleurs, entre 2023 et 2024, un comité consultatif composé des anciens centres de planification des services de santé en français, Entités 2, 3 et 4, et de la Fédération des aînés et des retraités francophones de l’Ontario (FARFO), a accompagné la chercheuse de manière récurrente afin de s’assurer de répondre aux besoins communautaires.
« Il s’agissait de faire en sorte que le programme ne se limite pas seulement à un exercice académique, mais qu’il prenne en compte le besoin réel d’un milieu clinique et francophone des communautés », explique Constant Ouapo, ancien directeur d’Entité 3, qui siégeait dans ce comité à l’époque.
« Les services sociaux et de crise, comme par exemple les refuges, ont besoin de diplômés francophones », soutient la responsable du programme Marie Gendy.
Dans un contexte de pénurie de services, les francophones en milieu minoritaire restent les principaux impactés.

Pour le moment, la rotation entre Mme Gendy et d’autres professeurs permet une approche pluridisciplinaire, toutefois cette dernière assure que : « Nous avons la volonté d’embaucher plus de professeurs. »
À Ottawa, l’initiative d’une première formation dans cette spécialité en Ontario français est saluée par Jocelyn Veillard qui depuis trois ans dirige le programme de santé mentale et de psychologie de la santé à l’Hôpital Monfort.
« Avant ce programme, les formations n’étaient pas toujours adaptées aux réalités du terrain, surtout pour les francophones de l’Ontario. Et les étudiants devaient se diriger vers des baccalauréats plus généraux alors que la majorité de ces programmes sont offerts en anglais », se rappelle-t-il.
Future éducatrice pour les élèves en difficulté, Magdalena Galaj cumule également une formation en éducation, qui a d’ailleurs renversé la tendance des admissions de l’UOF.
« J’ai hâte de continuer pour apprendre de plus en plus », s’enchante-t-elle.
Se former pour briser la stigmatisation
Même si ce programme est un pas dans la bonne direction et montre des progrès tangibles, il existe bien des lacunes, notamment dans les régions minoritaires francophones et pour les services spécialisés complexes.
« Ce qui manquait profondément c’était surtout un programme conçu par et pour les francophones qui allait tenir compte des réalités culturelles et linguistiques propres aux communautés franco-ontariennes », explique Jocelyn Veillard.
Dans l’optique de sensibiliser les étudiants aux problématiques d’intégration des immigrants au système de santé, Marie Gendy assure qu’une partie du premier semestre aborde le lien entre santé mentale et société. En effet, nombre de spécialistes analysent l’aspect culturel et la stigmatisation comme des freins dissuadant l’utilisation des services, souligne M. Ouapo.
Au cours de ses fonctions à Entité 3, celui-ci a pu observer les conséquences que la stigmatisation perpétue sur un groupe donné. En effet, l’ancien directeur note que dans les régions telles qu’Etobicoke Nord dans le Grand Toronto, où les communautés noires immigrantes se concentrent, un contraste visible se fait sentir entre la prévalence de problèmes de santé mentale et le taux d’utilisation de services disponibles.

« Dans la conscience populaire et notamment parmi les immigrants, quand on parle de santé mentale c’est lié à la folie et les personnes ne veulent pas être associées à cela », décrit Constant Ouapo.
« Le français crée un lien de confiance plus fort avec la personne qui intervient, et ce lien est fondamental pour le succès de toutes les marches en santé mentale, car ça permet de réduire les risques de mauvaises interprétations », avance M. Veillard.
Selon lui, les barrières linguistiques risquent d’aggraver les difficultés de santé mentale, ce qui souligne la nécessité du déploiement de plus de services en français et de programmes comme à l’UOF.
En outre, ce dernier fait écho au récent partenariat entre l’UOF et l’hôpital Monfort pour délivrer un microcertificat en santé mentale d’une durée d’un an à son personnel, dès janvier 2026.
Thématique importante depuis la pandémie, la notion de santé mentale évolue. Cette année, le thème de la journée mondiale de la santé mentale met l’accent sur l’accès à ce type de services en cas de catastrophes et d’urgences.
« Je souhaite que la nouvelle génération de diplômés francophones soit capable d’intervenir dans divers contextes, soit sociaux ou éducatifs, d’être inclusifs et de maintenir la sensibilisation envers la santé mentale, envers tout monde », conclut la professeure.