Culture

Journée mondiale du livre : Hélène Koscielniak s’inquiète de l’intelligence artificielle

Quelques livres franco-canadiens au Salon du livre de l'Outaouais, en 2024. Photo: Rachel Crustin

Chaque année, l’Association des auteures et auteurs franco-ontariens (AAOF) mandate un de ses membres pour écrire le mot franco-ontarien de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur. Ce 23 avril, Hélène Koscielniak relate sa fascination pour les lettres et l’histoire de l’écriture. Elle s’interroge également sur l’avenir de son métier à l’ère de l’intelligence artificielle générative (IAG).

Des symboles, de petits traits qui deviennent éventuellement des lettres, des mots, des phrases… ces dessins qui permettent à l’humanité de nommer le monde qui l’entoure fascinent Hélène Koscielniak. Selon l’autrice de Kapuskasing, l’écriture est ni plus ni moins que « la meilleure invention », comme elle le nomme d’emblée dans le titre du mot franco-ontarien 2025.

Hélène Koscielniak a publié plus d’une dizaine de livres pour les adolescents et les adultes. Crédit image : Tammy Chartrand

« J’aime la sensation d’un livre entre mes mains, sa forme, son odeur, ses couleurs. Avec le seul geste de décoder du regard les lettres à la vitesse de l’éclair, il permet d’entrer dans un milieu imaginé par un auteur ou une autrice. »

La prolifique autrice se rappelle aussi sa carrière d’enseignante et la responsabilité de transmettre l’écriture du français à la prochaine génération.

« À titre d’enseignante, je revois mes petits élèves apprenant à décrypter ces « dessins » qui sont maintenant appelés des lettres : m-m-m, maman. Cinq symboles qui représentent une femme qui a donné la vie. C’est vraiment toute une image! »

Elle parle ensuite de l’évolution technologique de l’écriture. Elle s’amuse du retour des symboles comme mode de communication, comparant les émojis aux hiéroglyphes.

Sa lettre d’amour à l’écriture évoque ensuite une inquiétude de voir l’IAG s’emparer de ses métiers.

« Bill Gates nous assure que dans dix ans, cette IA remplacera les professions de la médecine et de l’enseignement. La question que je me pose : qu’adviendra-t-il des écrivains et écrivaines? »

L’intégralité du mot franco-ontarien pour la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur, ainsi qu’une version audio, sont disponibles en ligne.

Le droit d’auteur bafoué

Hélène Koscielniak fait partie des nombreux auteurs franco-ontariens qui ont vu leurs œuvres être utilisées sans consentement pour entraîner l’IAG de Meta. Ses romans Marraine et Frédéric, ainsi que son recueil de nouvelles On n’sait jamais à quoi s’attendre, se retrouvent dans la banque piratée Library Genesis, telle que partagée en mars par le magazine américain The Atlantic.

On y retrouve facilement des œuvres de plusieurs de ses pairs, dont les auteurs franco-ontariens bien connus Gabriel Osson, Didier Leclair, Jean Marc Dalpé, Marie-Thé Morin, Patrice Desbiens, Andrée Poulin, Blaise Ndala ou Michèle Vinet, pour ne nommer que ceux-là.

La question que je me pose : qu’adviendra-t-il des écrivains et écrivaines?
— Hélène Koscielniak dans le mot franco-ontarien de la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur

Questionnée par ONFR au moment de la parution de l’enquête de The Atlantic, la présidente de l’AAOF, Marie-Josée Martin, se disait bien sûr préoccupée par la question. « Cependant, avec nos ressources humaines et financières limitées, nous ne sommes pas en mesure de creuser davantage le dossier et encore moins d’intenter un recours. »

Des demandes toujours en attente

L’AAOF, tout comme le Regroupement des éditeurs franco-canadiens (REFC) et d’autres associations, réclame depuis plusieurs années une mise à jour de la Loi sur le droit d’auteur.

Les associations demandent entre autres d’annuler l’exception pour usage équitable à des fins d’éducation, ajoutée à la loi par le gouvernement de Stephen Harper, en 2012. Cette exemption a permis un désengagement des établissements d’enseignement face au contenu créé par les auteurs canadiens, selon le REFC.

En ce 23 avril 2025, le REFC, l’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ), l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL) et Copibec ont conjointement réitéré cette demande de longue date dans un communiqué.

Ils demandent également au gouvernement canadien de mieux encadrer l’IAG.

« L’industrie de l’IAG doit cependant être soumise à de nouvelles exigences de transparence, de conception technologique l’empêchant de produire du contenu illégal, et d’étiquetage des résultats générés ou modifiés par l’IAG », rapporte la présidente de l’ANEL, Geneviève Pigeon.