
Congrès mondial acadien 2029 dans la Baie des Chaleurs : « L’Acadie n’a jamais eu de frontières »

[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Martin Théberge est le président de la Société nationale de l’Acadie (SNA), organisme notamment responsable de chapeauter le Congrès mondial acadien (CMA).
LE CONTEXTE :
Le CMA a lieu tous les cinq ans dans une communauté acadienne différente. La SNA a confirmé mardi que le prochain se déroulera du 8 au 18 août 2029 dans la Baie-des-Chaleurs, une région à cheval entre le Nouveau-Brunswick et le Québec, en Gaspésie.
L’ENJEU :
Même si la région est déjà habituée au tourisme, elle doit s’assurer que ses infrastructures, ses options d’hébergement et de restauration, entre autres, pourront recevoir environ 100 000 visiteurs, en plus de ses résidents actuels.
« La région de la Baie-des-Chaleurs était la seule candidate depuis le désistement de la région du Grand Bouctouche. Est-ce une gagnante par défaut?
Non, il y avait un processus très rigoureux. On avait quand même mis sur pied le comité qui a évalué le dossier de candidature et qui s’est rendu sur place pour constater ce qui était possible.
Il y a énormément de critères qu’on évalue. Mais au-delà de la capacité des infrastructures, de la capacité logistique et tout ça, un des éléments principaux qui nous portent à croire que tout ira bien pour ce CMA, c’est l’engagement de la communauté.

Dans le dossier de candidatures, il y avait plus de 300 lettres d’appui, qui venaient de municipalités, d’entreprises, d’associations ou d’organismes. Encore ce matin, à la conférence de presse, il y avait plus d’une centaine de personnes. L’énergie était palpable.
Qu’est-ce que ça change que le CMA se retrouve en partie au Québec?
Dans l’Histoire, l’Acadie n’a jamais eu de frontières. Donc pour nous, ça change très peu.
Le gouvernement canadien a décrété que l’Acadie, c’était des communautés francophones en situation minoritaire. Or, c’est beaucoup plus que ça. C’est un peuple qui est présent sur plusieurs territoires, incluant le Québec. La Coalition des organisations acadiennes du Québec est membre de la SNA. Pour nous, cette frontière-là ne veut pas dire grand-chose, sauf peut-être pour des questions de financement ou de logistique.

Ce n’est pas la première fois que l’on voit ça. En 2014, c’était l’Acadie des terres et forêts, qui réunissait non seulement deux provinces, mais aussi l’état du Maine, aux États-Unis.
La devise acadienne est L’union fait la force, et on la met en pratique. C’est beau à voir.
Est-ce que le fait d’être à cheval entre deux fuseaux horaires est un grand défi?
Ça va faire partie des choses à prendre en considération. Mais vous savez, le Québec et le Nouveau-Brunswick ne font qu’un dans cette région-là, particulièrement pour les gens de Campbelton (NB) et de Pointe-à-la-croix (Qc). Oui, il y a le décalage horaire, mais ils en ont l’habitude.
Quelles sont les retombées économiques pour une région qui reçoit le CMA?
Ça varie beaucoup. On vient justement d’avoir les données préliminaires du CMA 2024, qui a eu lieu dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Des gens sont venus de partout aux États-Unis et au Canada ainsi que de la France, principalement. On parle de retombés économiques directes d’environ 20 millions de dollars.
On parle d’environ 100 000 visiteurs par CMA, en plus des gens qui habitent la région. C’est un événement majeur.
Peut-il y avoir des craintes chez les habitants de la Baie-des-Chaleurs, en lien avec la capacité d’accueillir autant de gens?
Si la Nouvelle-Écosse a été capable de le faire, il n’y a pas de raisons que la Baie-des-Chaleurs ne puisse pas le faire. Nous avons le plaisir d’accueillir le CMA durant l’été. On peut mettre en valeur le camping, qu’il soit sur des terrains permanents ou temporaires. Il y a les plateformes du style AirBnb qui répondent à beaucoup de demande, des gens qui vont exceptionnellement mettre leur chalet à louer, etc.

Le deuxième élément à garder en tête est que l’Acadie est un peuple de proximité et de fraternité, donc on se trouve quelqu’un de la famille ou de nos amis qui a un grand terrain et on y met notre tente. C’est un peu la beauté de l’événement en soi.
Quels sont les bons coups et les leçons à retenir du CMA 2024?
Je n’ai pas encore tous les rapports. Il y a des chercheurs qui se concentrent là-dessus, et ça peut prendre jusqu’à cinq ans avant d’avoir des résultats complets. À la SNA, on réfléchit le CMA sur des périodes de 10 ans. On va bientôt recevoir les rapports de 2024, et déjà on va commencer à réfléchir pour le CMA 2034, pour qu’en 2029, on ait déjà enclenché le processus de candidature et révisé le cahier de charge.
Quels sont les conclusions des états généraux de l’Acadie, qui ont été faits pendant le CMA 2024?
Ce sera sur le site web de la SNA bientôt. Essentiellement : l’Acadie vit par des événements comme le CMA. L’Acadie est un ‘pays’ qui se vit par ses gens et les connexions entre eux. On entend qu’on doit faire mieux sur certains éléments, comme la question identitaire chez les jeunes et chez les nouveaux arrivants.

C’est un rapport qui s’articule sur six piliers. On est beaucoup dans ces réflexions-là, qu’on va fournir au comité organisateur du CMA 2029.
On parle beaucoup de souveraineté canadienne, avec la relation commerciale tendue entre le Canada et les États-Unis. Est-ce que ça fait partie de vos préoccupations à la SNA?
Effectivement, il y a certaines inquiétudes. Vous savez, l’enseignement du français en Louisiane, avec l’abolition des mesures de diversité et d’inclusion, ça veut dire quoi?
Avec la question de souveraineté canadienne se posent aussi des questions d’identité et de culture. On se tient très informés. On est en mode veille et on s’inquiète. Mais parce que tout ça est en cours, on va redoubler d’efforts pour poursuivre les collaborations avec les communautés acadiennes de partout dans le monde. »