Comme plusieurs autres, ces spectatrices étaient fières d'afficher leurs couleurs pour l'ouverture du Congrès mondial acadien. Photo: Rachel Crustin / ONFR

YARMOUTH – Le 15 août, Fête nationale de l’Acadie, est toujours significatif dans les provinces maritimes. Mais une fois tous les cinq ans, les Acadiens fêtent encore plus fort. Ce soir, des gens de partout convergeront vers Yarmouth, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, pour ce point culminant du Congrès mondial acadien (CMA).

« On n’a pas de pays, pas de territoire officiel. La dernière fois que Acadie a été écrit sur une carte, c’était en 1713 », explique Martin Théberge, le président de la Société nationale de l’Acadie (SNA), dans une entrevue accordée à ONFR.

« Le CMA nous permet de faire semblant qu’on a un pays, pendant dix jours. On est entre Acadiens, de partout dans le monde, et on vit ça ensemble. Il y a un élément de fierté, de rencontres, de nouvelles et de vieilles amitiés, et l’on crie ensemble qu’on est encore là. »

Les Acadiens ne se font pas prier pour afficher leurs couleurs à la Fête nationale et pendant le CMA. Photo : Rachel Crustin / ONFR

En effet, depuis le début du CMA, on entend les gens se raconter leur pedigree. En plus des francophones de la Baie Sainte-Marie (Clare) et de Par-en-bas (Argylle), la région hôtesse, et ceux de la Nouvelle-Écosse en général, beaucoup de Louisianais sont présents. On croise évidemment de nombreux Néo-Brunswickois, quelques Québécois, notamment des Îles-de-la-Madeleine, et même des Franco-Ontariens et des gens de l’Ouest canadien qui ont un lien ou un autre avec l’Acadie.

Croisée lors d’une activité familiale du CMA, Dominique Leblanc, de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, souhaite en profiter pour transmettre sa culture à ses enfants. « Le 15 août, c’est la communauté, c’est la musique, les traditions, l’Histoire, la culture qui m’habite, creux dans mon cœur. »

Pour sa part, Skylar Saulnier n’a pas eu à voyager pour le CMA, car elle habite la région de Clare. Si nombre de ses concitoyens comparent 2024 à leur expérience de 2004, lorsque la province au complet avait accueilli le CMA, elle était trop jeune pour s’en souvenir clairement. « C’est vraiment beau. Les spectacles sont amazing. Je suis fière de voir tout le monde participer », exprime celle qui se prépare pour son premier tintamarre.

Faire du bruit

Le tintamarre est un élément important dans la tradition du 15 août. Il s’agit d’une marche durant laquelle les Acadiens font le plus de bruit possible afin de souligner que leur peuple est encore là bien vivant, malgré le Grand dérangement de 1755, année de la déportation des Acadiens par les Anglais.

Les organisateurs du CMA attendent entre 8 000 et 12 000 personnes pour le spectacle de la Fête nationale jeudi soir, mais Martin Théberge croit que ce nombre pourrait grimper jusqu’à 15 000 pendant le Tintamarre, qui se tiendra au centre-ville de Yarmouth à 17 h 55.

Le lieu choisi revêt également une signification supplémentaire. « Dans la plupart des CMA, nous étions des francophones en milieu relativement francophone. Alors que là, Yarmouth est une ville anglophone. On dit aux autres qu’on est encore là, on n’est pas juste en train de se le dire à nous », sourit le président de la SNA.

La veille du tintamarre, le CMA avait organisé une activité pour que les enfants fabriquent des objets bruyants. Photo : Rachel Crustin / ONFR

Bien sûr, même si les Acadiens sont nombreux à se rassembler dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse cette année, la Fête nationale de l’Acadie continue d’être célébrée un peu partout. Le Festival acadien de Caraquet, au Nouveau-Brunswick, est traditionnellement l’endroit où se déroule le Grand Tintamarre le plus connu.

Joint au téléphone, son directeur général et artistique, Matthieu Girard, souligne que son événement connaît aussi une année faste, citant des raisons comme la programmation de qualité, le beau temps, la promotion, etc. Il ne voit pas le CMA comme une compétition, bien au contraire. « Tout ce que ça fait, c’est que ça ajoute du momentum et que ça met l’Acadie à l’avant-plan, explique Matthieu Girard. Ça fait qu’on occupe un espace médiatique plus important, et ça ne fait qu’aider notre festival encore plus. »

Bon an mal an, environ 15 000 personnes se rassemblent pour le Grand Tintamarre dans les rues de Caraquet, une ville de plus ou moins 4 500 habitants. « Cette densité soudaine donne un moment toujours unique. Comme dans l’idée du CMA, c’est un rassemblement intensif d’Acadiens et d’Acadiennes et d’Acadiens d’adoption, par alliance ou par amour… ça galvanise tout le monde. Ça nous donne le sentiment de la force du nombre, d’être ensemble, alors qu’on peut parfois se sentir éloignés, parsemés dans nos communautés. »

Dans un tintamarre, on suggère d’apporter beaucoup de couleurs et, bien sûr, des objets pour faire du bruit. En poste depuis avril, Matthieu Girard souhaite trouver une façon d’augmenter l’excentricité, pour ajouter un côté carnavalesque au rassemblement de Caraquet. « C’est un spectacle populaire. Ce ne sont pas des professionnels. C’est tout le monde qui s’habille, tout le monde qui fait du bruit. C’est ça qui est beau », conclut-il.

Le spectacle

Si des célébrations ont lieu un peu partout en Acadie, c’est évidemment au CMA que se trouvera la grosse gomme des artistes acadiens, pour le spectacle qui sera diffusé sur les ondes de Radio-Canada.

L’organisation a choisi l’aéroport de Yarmouth comme lieu de « décollage ». Coanimé par l’humoriste Ryan Doucet et la femme de théâtre et de cinéma Anika Lirette, le spectacle mettra en vedette des monuments comme Edith Butler et Zachary Richard.

La foule à l’ouverture du CMA, le 10 août. Les gens seront encore plus nombreux ce soir pour le spectacle de la Fête nationale. Photo : Rachel Crustin / ONFR

« Je suis très heureuse d’être au Congrès mondial acadien. Je pense que je les ai tous faits », lance Edith Butler, rencontrée entre deux répétitions.

Zachary Richard se dit pour sa part « étonné » d’être au Congrès mondial acadien encore cette année. « Je suis très reconnaissant de cette expérience et je suis étonné d’en faire partie. Il y a 30 ans, à Shediac (au Nouveau-Brunswick), lors du premier congrès mondial de l’époque moderne, je n’avais pas d’idée de l’élan que ça allait donner. »

Le vétéran de la musique louisianaise évoque « des hauts et des bas dans notre aventure. Il y a un énorme défi de s’adresser aux nouvelles générations, surtout pour renforcer la langue française. »

Un défi qui sera relevé grâce à des artistes particulièrement en vogue qui seront également du spectacle de la fête nationale, comme Lisa Leblanc et P’tit Belliveau. Ce dernier vient d’ailleurs de recevoir le prix Acadie-Québec des mains du ministre québécois de la Langue française et des Relations franco-canadiennes, Jean-François Roberge, qui était de passage au CMA dans les derniers jours. Cette reconnaissance est remise en collaboration avec la SNA et souligne « l’apport remarquable de personnes et d’organismes de l’Acadie et du Québec à l’établissement et à la consolidation des relations entre les deux peuples. »

P’tit Belliveau est un artiste originaire de la Baie Sainte-Marie de plus en plus connu à l’échelle nationale. Il chante fièrement en acadjonne, le dialecte acadien typique de la Nouvelle-Écosse. Photo : Rachel Crustin / ONFR

Sur la scène de Yarmouth ce soir, on retrouvera également la formation Salebarbes, bien connue au Québec, et l’influenceur et musicien louisianais, Jourdan Thibodeaux, avec son groupe les Rôdailleurs.

Des artistes de la région comme Jacques Surette, Vickie Deveau et Sylvie Boulianne seront également de la partie, tout comme lors du Festival d’ouverture.

Si le 15 août est probablement la journée la plus attendue de la programmation, le CMA se déroule encore jusqu’à dimanche.