Jules Chiasson à son bureau de la Fédération acadienne, portant les drapeaux néo-écossais et acadien ensemble. Photo : Sandra Padovani/ONFR

HALIFAX – Directeur général de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE) depuis 2023, ce natif du Cap-Breton y avait fait ses débuts 50 ans plus tôt. Acteur clé de la francophonie en Nouvelle-Écosse, il a aussi œuvré auprès des communautés francophones de plusieurs provinces de la côte Est canadienne, lui conférant une vision solide pour imaginer le futur d’une Acadie néo-écossaise contemporaine, fière de son patrimoine, mais qui se renouvelle.

« Prendre la direction de la Fédération acadienne en 2023 constituait finalement un retour aux sources pour vous…

La FANE a été fondée en 1968 et j’ai en effet été le premier jeune au conseil d’administration dès ses débuts. D’ailleurs, après mes études à l’Université de Moncton, tout jeune, j’ai eu mon premier poste permanent au sein de la fédération en tant que coordonnateur culturel quelques années.

Elle est le porte-parole principal de la population acadienne et francophone de la Nouvelle-Écosse et regroupe maintenant 12 organismes régionaux, 15 organismes provinciaux et sectoriels et deux institutions.

La Maison acadienne, locaux de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse. Photo : Sandra Padovani/ONFR

Vous avez évolué dans le monde des médias et de la radio pendant longtemps. Quelles en ont été les principales étapes?

J’ai en effet travaillé pendant 28 ans en tout chez Radio-Canada Acadie et ce jusqu’en 2008.

D’abord en tant que réalisateur radio pour la première émission de radio francophone pour la Nouvelle-Écosse depuis Moncton, puis, en tant que producteur radio à Halifax, en Ontario à Toronto et Sudbury, et au Québec à Trois-Rivières.

Je me suis bien promené en faisant le tour des stations régionales ce qui m’a permis de connaitre la francophonie un peu partout.

Vous avez également dirigé un certain nombre d’organismes francophones dans différentes provinces?

Par la suite, j’ai évolué dans la francophonie pour des organismes communautaires, notamment dans la santé, en tant que directeur général d’Égalité Santé en français au Nouveau-Brunswick, puis directeur général du Conseil communautaire du Grand-Havre à Halifax.

En parallèle, mon épouse et moi avions acheté une auberge au Québec, à Val-Morin dans les Laurentides. Sur place, j’ai eu l’occasion de travailler pendant deux ans auprès d’un député fédéral comme agent de circonscription, au plus près des communautés québécoises.

Je suis par la suite devenu directeur général de l’Association francophone des aînés du Nouveau-Brunswick pendant deux ans. Puis, on est venu me trouver pour le poste de directeur général de la FANE dès 2023. J’ai comme bouclé la boucle!

Lors de la visite récente du ministre des Langues officielles Randy Boissonneault (au centre), avec des membres de la FANE, dont Jules Chiasson et Denise Comeau-Desautels, la présidente (à gauche au premier plan). La rencontre, à l’Acadie de Chezzetcook, site historique et musée acadien membre de la FANE, visait à discuter d’enjeux importants pour la communauté francophone et acadienne en Nouvelle-Écosse. Photo : Gracieuseté de la FANE

Photo : Gracieuseté de la FANE

Est-ce que l’identité acadienne était fondamentalement ancrée dans le milieu dans lequel vous avez grandi en Nouvelle-Écosse?

J’ai baigné dans cet univers. Mon père était très impliqué dans les organismes communautaires acadiens, donc ça a commencé par la famille. Ce qu’il est intéressant de noter par rapport à l’école à l’époque, c’est que les professeurs nous parlaient en français, mais les manuels étaient en anglais (sauf pour le cours de français).

L’école acadienne ne date que des années 70. C’est en 1996 seulement que nous avons eu un conseil scolaire acadien. Certains enseignants nous racontaient cependant notre histoire acadienne, même si ce n’était pas dans les programmes. Donc ça a toujours été présent pour moi.

Mon Chéticamp natif, qui a toujours été fier de son héritage, avait la Société Saint-Pierre qui visait à promouvoir la langue française et la culture avant même que l’infrastructure ne se développe en ce sens.

Si vous deviez résumer les principaux symboles de la culture acadienne?

Le drapeau acadien bien sûr, le phare, toutes les communautés acadiennes se trouvant sur les côtes, et, de plus en plus, la musique, la danse, l’artisanat, la culture promue dans les écoles (Nous en avons 23 maintenant!).

Je dirais aussi que l’accent français acadien, qui est différent d’une région à l’autre, fait partie de ces symboles. C’est pareil pour les autres provinces des Maritimes, dont l’accent change même parfois d’un village à l’autre!

Jules Chiasson a été le maître de cérémonie lors du lancement historique du mois d’août comme premier Mois du patrimoine acadien en Nouvelle-Écosse, le 1e août à Province House, Halifax. Photo : Gracieuseté de la FANE

Y a-t-il un sentiment d’appartenance acadien commun à toutes les provinces de l’Atlantique?

De plus en plus. Au niveau institutionnel, il y a un certain rapprochement : on a la Société nationale de l’Acadie qui regroupe la FANE, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve. Mais, de façon générale, il y a un certain lien de famille, de solidarité entre les Acadiens des 4 provinces de l’Atlantique, je le ressens. En remontant le temps, on vient de la même souche.

Quels sont les plus grands défis que vous identifiez et sur lesquels vous aimeriez œuvrer dans le cadre de votre nouveau rôle à la FANE?

En faisant le tour de la province, je me rends compte qu’il y a eu de nombreux progrès structurels, mais que la francophonie en Nouvelle-Écosse a encore du chemin à faire sur certains aspects.

Il y a de plus en plus d’immigration francophone qui arrive et nous y sommes ouverts, car elle est importante pour le poids démographique. On était 5% en 1971, en 2021 on ne représente plus que 2,9% de la population.

Mais j’entends objecter : « Oui, mais est-on prêts à être dirigés par des personnes de l’étranger? ». C’est ce « mais » qui m’inquiète. De la même façon, si on n’amène pas les nouveaux arrivants à connaitre la communauté, ils risquent de se créer un ghetto et il n’y aura pas les échanges qu’il devrait y avoir entre les communautés.

Quelles solutions envisagez-vous?

Ces nouveaux venus doivent comprendre que la Nouvelle-Écosse est une province anglophone certes, mais avec des communautés acadiennes présentes depuis 400 ans (il y a 12 communautés francophones autour de la province), comprendre et respecter leur histoire.

Mais il faut les intégrer nous aussi. Nous avons maintenant des immigrants à la tête d’organismes provinciaux donc ça commence un peu, mais on peut aller plus loin, travailler ensemble et développer un projet de société qui bénéficie à tous.

On n’a pas à nier notre culture et notre patrimoine, on a juste à recréer et bâtir avec la société d’aujourd’hui. C’est le moment de faire l’évaluation de la situation actuelle au niveau démographique, économique et socioculturel de l’ensemble de la communauté acadienne de la Nouvelle-Écosse. C’est mon gros projet pour lequel je me donne deux ans pour avoir un plan de développement global pour les prochaines dix années! Après ça, je serai prêt à tirer ma révérence! »

1953 : Naissance le 21 décembre à Chéticamp, sur l’Île du Cap-Breton de la Nouvelle-Écosse.

1968 : Siège très jeune au conseil d’administration dès les débuts de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE).

1979-80 : Débute chez Radio-Canada Acadie en tant que réalisateur radio à Moncton, avant de devenir producteur à Halifax, puis directeur de la radio à Moncton, Toronto, Sudbury et Trois-Rivières.

2008 : Après 28 ans dans les médias, il devient directeur général de plusieurs organismes francophones, tour à tour au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse.

2023 : Devient directeur général de la FANE en juin.