Kassim Doumbia, bien chez-lui en Acadie

Kassim Doumbia. Vue d'une partie de la ville de Shippagan. Crédit photo : Daniel Aucoin

[LA RENCONTRE D’ONFR+]

SHIPPAGAN – La ville de Shippagan a élu en mai dernier, le premier maire d’origine africaine de l’histoire du Nouveau-Brunswick. Kassim Doumbia, originaire de Côte d’Ivoire, a pris racines dans la Péninsule acadienne où il a fondé une famille. L’engagement communautaire de M. Doumbia ne date pas d’hier et il a été auparavant maire adjoint de Shippagan. Il est vice-président de la Société nationale de l’Acadie (SNA) et siège au Conseil des gouverneurs de l’Université de Moncton ainsi qu’au Conseil multiculturel du Nouveau-Brunswick. Et surtout, n’allez point dire à qui que ce soit dans la Péninsule acadienne que M. Doumbia est à moitié Acadien, on vous répondra qu’il l’est à part entière.

« Comment en êtes-vous venu à vous installer en Acadie?

Tout a débuté 21 ans passés lorsque je me suis inscrit à l’Université de Moncton pour y entreprendre mes études au baccalauréat en informatique appliquée. Par la suite, en 2004, j’ai poursuivi avec une maîtrise en administration des affaires. Durant mon parcours étudiant, j’ai eu la chance ou le privilège de pouvoir faire différentes rencontres qui m’ont permis de cheminer, au niveau de l’emploi sur le campus, et par la suite avoir ma carrière professionnelle.

En 2006, il y a eu une opportunité qui s’est présentée via une amie pour un poste à Paquetville. C’était un poste contractuel d’une durée de quelques mois. Donc, j’ai fait le saut pour voir ce que ça allait donner. Je me suis retrouvé du jour au lendemain à Tracadie pour travailler à Paquetville, et je n’ai pas quitté la Péninsule acadienne depuis.

Par la suite, j’ai rencontré ma conjointe qui est originaire de Shippagan. On s’est installé à Shippagan pour être proche de ses parents, proche de la famille puisque sa sœur vit également à Shippagan. C’était une aubaine étant donné que si on parlait d’avoir des enfants, être proche d’un réseau de contact familial était intéressant pour nous. Et c’est comme ça que l’aventure a débutée.

Le maire de Shippagan, Kassim Doumbia. Gracieuseté

Est-ce que le parcours a été difficile?

Quand je fais la rétrospective, c’est incroyable : le chemin parcouru, les embuches auxquelles j’ai dû faire face qui ont pu être résolues, par exemple en termes d’emploi parce que, dans le temps, les règles de l’immigration étaient différentes de celles que l’on connait maintenant. Trouver un permis de travail, avoir les lettres d’employeurs et tout, c’est compliqué avoir jusqu’au statut de résident permanent, puis ensuite, le statut de citoyen canadien… c’est un parcours intéressant.

Avez-vous eu à faire face à des préjugés au cours des plus de vingt années passées au Nouveau-Brunswick?

C’est un élément auquel je n’ai pas eu à faire face. Je ne sais pas si c’est la force des choses, mais je n’ai jamais eu à faire face à des situations ou des événements où j’aurais été reçu de façon malpolie ou par rapport à la couleur de la peau. Je peux dire que j’ai été chanceux jusqu’à date à ce niveau-là.

Le plus difficile a été de rentrer dans les réseaux de contacts. Parce que comme vous le savez, à l’Université, les gens arrivent en groupe, dépendant de la région d’où ils viennent, ils ont gradué ensemble. Ils arrivent et ont déjà leur réseau de contacts. Donc faire de nouveaux amis n’était pas évident au début. Mais je dirais que c’est l’implication, que ce soit au niveau de la faculté ou au niveau de l’université, qui m’a permis justement de rencontrer différentes personnes.

Dans le temps, je pouvais travailler uniquement à l’Université de Moncton. Je ne pouvais pas travailler à l’extérieur du campus. Donc l’été je travaillais sur le campus et j’ai pu rencontrer différentes personnes qui m’ont mis en contact avec d’autres et, de fil en aiguille, ça m’a permis de m’intégrer dans ces groupes de personnes qui sont ensuite devenues des amis qui m’ont fait découvrir le Nouveau-Brunswick.

M. Doumbia, au centre, lors d’une séance du conseil municipal de Shippagan. Gracieuseté

Pourquoi avoir choisi de faire de la politique?

La politique m’a toujours intéressé. Mon père était impliqué dans la politique en Côte d’Ivoire. Mon beau-père est très impliqué dans la politique également. J’ai été entouré de gens qui aimaient beaucoup la politique. Pour moi, c’était vraiment un choix sensé parce que je me dis ‘‘À la fin de la journée, si tu veux faire des changements, ces changements se font à travers la politique. Si tu veux apporter des réformes, pouvoir influencer, avoir un impact sur ta communauté, eh bien il faut que tu t’impliques au niveau politique, et faire des contacts aussi avec des politiciens au niveau provincial et fédéral pour créer cette transformation dans la communauté ».

Votre engagement communautaire semble être au cœur de votre action politique. Est-ce vraiment le cas?

Pour moi, c’est vraiment ça : mettre au profit de ma communauté tout ce bagage-là que j’ai accumulé, que ce soit au Nouveau-Brunswick, du Canada ou à l’international. Je peux apporter un plus à la communauté. Je me dis qu’en tant que nouvel arrivant, lorsqu’on arrive, on a une communauté qui nous accueille. Donc moi, la seule chose que je peux faire c’est de redonner à cette communauté qui m’a accueilli à bras ouverts, Shippagan et la Péninsule acadienne, parce que peu importe, que ce soit Tracadie ou Caraquet, j’ai de très bons contacts dans toutes les communautés.

Kassim Doumbia. Gracieuseté

Qu’est-ce que vous aimez le plus de votre coin de pays d’adoption, la Péninsule acadienne?

Je vous dirais que c’est la tranquillité d’esprit. J’aurais pu partir n’importe où au Canada, mais quand je voyage, j’aime revenir à Shippagan. C’est pittoresque, c’est calme. C’est un bon environnement pour élever une famille. Pas de bouchon (de circulation), un paysage agréable, de l’air pur… C’est cette tranquillité d’esprit qui fait que j’aime vivre à Shippagan. Je suis chez-nous. Je le vis tous les jours et je le démontre par mon implication dans la communauté. S’il y a un événement, je suis présent. S’il faut mettre la main à la pâte pour faire avancer les choses, on va le faire pour le bénéfice de la communauté. Une façon de bien s’intégrer dans une communauté, c’est de mettre l’épaule à la roue et travailler conjointement avec cette communauté.

Croyez-vous que votre élection à titre de maire de Shippagan pourrait inspirer d’autres personnes qui ont immigré au Nouveau-Brunswick?

J’ose espérer que le fait qu’une communauté comme Shippagan au Nouveau-Brunswick ait décidé d’élire une personne afro-canadienne va permettre cette ouverture dans d’autres communautés où d’autres personnes originaires d’ailleurs vont pouvoir faire le pas que ce soit en politique municipale, provinciale ou fédérale. Parce que, jusqu’à date au Nouveau-Brunswick, on ne l’a pas encore vu. Il n’y a pas de représentant originaire d’ailleurs au niveau provincial ou au niveau fédéral. »


LES DATES-CLÉS DE KASSIM DOUMBIA :

2000 : Arrivé au Canada

2009 : Mariage et naissance de sa première fille – siège au conseil d’administration du Congrès mondial acadien tenu dans la Péninsule acadienne

2011 : Arrivé de son frère et naissance de sa deuxième fille

2019 : Nomination à la vice-présidence de la Société Nationale de l’Acadie (SNA)

2021 : Élection à titre de maire de la Ville de Shippagan

Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.