La pièce Os de Vincent Leblanc Beaudoin mêle le théâtre physique, la poésie, la marionnette et les projections. Photo: Mathieu Taillardas

KINGSTON – La septième édition de la biennale de théâtre Feuilles vives se déroule jusqu’à dimanche au Centre culturel Frontenac (CCF) de Kingston. L’événement de Théâtre action présente une dizaine d’œuvres franco-ontariennes en chantier, une expérience enrichissante tant pour le public que pour les artistes. Cette septième édition est aussi l’occasion d’inaugurer officiellement le Théâtre Sésame du CCF.

Entre les laboratoires et les mises en lecture, en passant par quelques ateliers scolaires, Feuilles vives est une occasion unique de découvrir avant tout le monde ce qui se trame dans le milieu du théâtre franco-ontarien.

Le directeur artistique de Feuilles vives, Antoine Côté Legault, explique le concept en entrevue avec ONFR. « Il y a quelque chose d’exclusif, c’est-à-dire que, pour la plupart des œuvres, c’est la première fois qu’elles vont rencontrer un public. Il y a un niveau d’excitation et de fébrilité qui est vraiment riche. »

Antoine Côté Legault est un artiste franco-ontarien basé à Sudbury. Photo : Chloé Laduchesse

Le dramaturge sudburois explique que le fait de voir une mise en lecture, avec une mise en scène minimaliste, laisse une grande place à l’imagination du spectateur : « Ça permet d’entendre le texte tel qu’il est. »

Et pour les artistes, les avantages sont grands. Premièrement, Théâtre action offre de l’accompagnement artistique aux créateurs sélectionnés pour Feuilles vives. Ensuite, « le théâtre est un art vivant. Donc, le présenter devant un public aide à mieux comprendre ce qui fonctionne, ce qui fonctionne moins, ce que les gens comprennent ou ce qu’ils retirent du projet », estime Antoine Côté Legault.

La communauté théâtrale, comme le reste de l’Ontario français, est dispersée à travers la province. Feuilles vives est donc l’une des rares occasions de se rassembler au même endroit, ce qui peut donner lieu à des échanges artistiques prometteurs.

Inauguration à Kingston

Initialement une initiative ottavienne, Feuilles vives est maintenant un événement ambulant. Après un arrêt à Sudbury, c’est au tour de Kingston d’accueillir la biennale.

« L’idée est de représenter où le théâtre se crée et se joue, partout en Ontario. Et ça concordait avec l’inauguration officielle du Théâtre Sésame », explique Antoine Côté Legault. Il ajoute que le Centre culturel Frontenac « a toujours été un champion au niveau de la diffusion du théâtre. »

Cet engouement pour le théâtre, Kingston le doit en partie au directeur artistique du CCF, Normand Dupont. En entrevue avec ONFR, il raconte que le CCF est installé depuis un an dans son nouvel édifice, qui héberge aussi l’École secondaire publique Mille-Îles et l’École secondaire catholique Sainte-Marie-Rivier. La construction d’un nouveau théâtre professionnel, pour remplacer le Théâtre Octave de l’ancien édifice, s’est achevée cet été.

Le Théâtre Sésame est plus moderne et peut s’adapter aux besoins des différentes productions. Ses 248 places sont rétractables, ce qui permet de l’utiliser en mode salle de spectacle, boîte noire ou cabaret.

« C’est un format de théâtre qui est très en demande à Kingston, parce qu’il y en a de très grands ou des plus petits, mais il n’y en avait pas tellement de ce format-là », évoque Normand Dupont.

Normand Dupont pose avec la plaque de reconnaissance du prix Martin Arseneau
Normand Dupont est entre autres enseignant à la retraite, membre du conseil d’administration de Théâtre action et directeur artistique de la troupe de théâtre communautaire francophone les Tréteaux de Kingston. Il a gagné plusieurs prix pour son implication dans la culture franco-ontarienne. Photo : Rachel Crustin/ONFR

Accueillir Feuilles vives comme premier événement d’envergure est un honneur pour celui qui a participé à presque toutes les éditions précédentes en tant que spectateur. « C’est vraiment une façon grandiose de lancer le Théâtre Sésame. »

Il est enthousiaste à l’idée de présenter ce nouveau lieu culturel aux artistes et de leur offrir, entre autres, des loges plus grandes et l’accès à une petite cuisine.

Le foyer du Théâtre Sésame permet aussi de créer des ambiances pour compléter l’expérience des spectateurs. Par exemple, de la bannique sera offerte juste avant la présentation de TOQAQ MECIMI PUWIHT / Delphine rêve toujours dans les prochains jours.

« C’est un endroit vital pour la communauté francophone de Kingston. Ça nous permet de développer et de vivre notre culture », explique M. Dupont, qui ajoute que la location de l’espace à divers organismes locaux, même anglophones, permet une source de revenus à réinvestir dans la communauté francophone.

« C’est un endroit vital pour la communauté francophone de Kingston. »
— Normand Dupont

Lui-même enseignant à la retraite de l’école Sainte-Marie-Rivier, il peut témoigner des avantages d’avoir accès à un théâtre professionnel pour les jeunes, qui pourront s’initier à différents métiers des arts de la scène.

Et la communauté gagne aussi à impliquer ses jeunes puisqu’à Kingston, « les deux tiers de la communauté sont reliés soit au monde militaire ou universitaire. Souvent, ils sont ici pour quelques années (seulement). C’est toujours un peu à rebâtir, ce noyau de la communauté, mais ça reste très actif. »

Une programmation frémissante

C’est sous la thématique Frémissements souterrains que se regroupent cette année les dix propositions de Feuilles vives.

C’est Lumière, de Sarah Migneron avec le Théâtre Rouge écarlate, qui a ouvert le bal vendredi après-midi, suivi du 5 à 7 d’ouverture et de l’œuvre Marée haute de la dramaturge et réalisatrice Marie-Claire Marcotte.

Le Cabaret premiers échos suivra vendredi soir. Cette production de Créations In Vivo offre des extraits d’environ 25 minutes de trois œuvres en début de chantier. Ces projets de Chloé Thériault, Jeff Soucy et Paul Ruban ont fait partie de la résidence d’écriture de Feuilles vives, qui a eu lieu en mai.

La dramaturge et réalisatrice Marie-Claire Marcotte a récemment vu son film Rêver en néons être présenté au Cinéfest de Sudbury. Photo : Mathieu Taillardas

Samedi, les spectateurs pourront découvrir Os, la prochaine œuvre de Vincent Leblanc-Beaudoin, qui s’est fait remarquer dans la dernière année avec la pièce in situ Le concierge. Cette fois, « c’est le squelette humain qui agit comme leitmotiv », comme on peut le lire dans la description de cette production du Théâtre la Tangeante.

Le trio de David Bélizaire, Sylvain Sabatié et Miracson Saint-Val proposera pour sa part Souviens-toi de la révolution, une production du Théâtre de la Vieille 17. Les créateurs « examinent la question coloniale et les travers de l’histoire d’Haïti afin de mieux comprendre la situation actuelle de la première république noire née d’une révolte d’esclaves ».

David Bélizaire dans Souviens-toi de la révolution. Photo : Marianne Duval

Des spectateurs sudburois ont déjà pu assister à une version plus précoce de Téton Tardif. La pièce de Caroline Raynaud fait partie de la cellule d’écriture du Théâtre du Nouvel-Ontario. C’est au tour des spectateurs de Kingston de dire ce qu’ils en pensent.

Le spectacle de clôture de la deuxième journée est Cage à requins de Catherine Levasseur-Terrien, une production du Théâtre Catapulte qui traite d’hospitalisation psychiatrique.

Dimanche, les membres de Théâtre action se réuniront pour leur Assemblée générale annuelle avant d’assister à la pièce Le volcan de Marie-Thé Morin, une production de Vox théâtre.