La chanteuse Cindy Doire puise l’inspiration dans ses émotions
[LA RENCONTRE ONFR+]
TIMMINS – Auteure, compositrice et interprète franco-ontarienne, Cindy Doire a produit quatre albums et compose sa carrière musicale avec sa vie de mère famille dans le Nord de l’Ontario. Elle revient sur son parcours discographique, ses défis et son rapport à la langue française.
« Votre premier album La vie en bleu (2008) traite surtout du thème de l’amour déçu. D’où vous est venue cette inspiration?
Mon premier album en français n’était pas évident. Il y a un défi supplémentaire qui va avec le processus de création. J’avais vécu une peine d’amour. J’étais dans la vingtaine. Je me cherchais. Je venais de finir mes études à l’Université Laurentienne. C’était une grande transition de prendre un congé de mes études pour me concentrer sur ma vie d’artiste.
Racontez-nous le processus pour sortir votre premier album…
Le réalisateur et professeur de musique de Sudbury, Daniel Bédard, m’a encouragé à créer cet album. Il m’a aidé à aller chercher une subvention au Conseil des arts de l’Ontario. J’ai eu la bourse de l’Ontario pour faire un album. C’est grâce à ces appuis que j’ai pu réaliser mon projet. Je ne savais pas ce que c’était de sortir un album. Je ne faisais que jouer et écrire de la musique pour le besoin de créer qui était plus fort que moi. J’ai pris cette chance pour voir ce que ça donnerait puis ça a créé toute une carrière.
En quoi la création en français représente une épreuve plus importante?
Je suis Franco-Ontarienne du Nord. Je dirais que j’étais pas mal assimilée, que j’avais enterré ma langue. À la fin de mes études en langues modernes, j’irais jusqu’à dire que mon espagnol était meilleur que mon français! J’étais vraiment déconnectée de mes racines. Je n’avais pas la fierté d’être francophone. Mon premier album m’a reconnecté avec qui j’étais et a enrichi ma vie comme personne et artiste.
Est-ce que l’on s’en rend compte lorsqu’on se déracine au fur et à mesure?
L’influence de la langue anglaise, tu ne la réalises pas. À l’école, ce n’était pas très cool d’être francophone. Dans les corridors au secondaire, tout le monde se parlait en anglais. On entendait tout le temps les professeurs nous demander de parler français. On ne les écoutait pas. Tout le monde voulait se parler en anglais. J’entends la voix de mes parents « Parle-nous en français! », mais quand on est adolescent c’est plus important de connecter avec nos amis.
Comme Franco-Ontarienne, j’avais aussi le complexe de ne pas bien m’exprimer en anglais et en français. Quand je regardais la scène francophone et je craignais avoir de la misère à m’intégrer. En anglais, j’avais les mêmes défis avec mon accent francophone.
Quand mon père est décédé en 1998, j’ai réalisé la fierté que j’avais à parler sa langue. Je repensais à ce qu’il me disait plus jeune et j’ai compris ce qu’il voulait dire. Son décès a déclenché un besoin en moi de savoir d’où je venais et qui j’étais.
Comment percer en Ontario en tant qu’artiste francophone?
La scène franco-ontarienne est très riche. Quand j’ai commencé mon album, j’ai connecté avec l’Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM). Avec leurs démarches, j’ai pu me placer dans des organisations. C’est vraiment une petite famille la scène franco-canadienne. Ils t’accueillent avec les bras ouverts. Ils m’ont expliqué tout ce qui touche à la distribution. J’ai trouvé les outils que j’avais besoin pour évoluer comme artiste.
Quelles ont été vos inspirations au moment de créer votre second album, Chapeau de pluie, en 2009?
L’inspiration vient des émotions, de l’expression humaine, de comment je vis la vie. Une image, une histoire, une idée entre dans ma tête puis une fois en processus de création je la développe à un plus grand niveau que simplement ce que moi j’ai vécu. Sortir de notre vécu est une grande liberté, mais il reste toujours quelque chose de personnel.
Pour quelles raisons avez-vous produit votre troisième album Sticks and mud (2011) en anglais?
Les chansons en anglais me viennent plus facilement. Je me le suis permis. J’avais accumulé beaucoup de chansons qui faisaient partie de mon parcours comme artiste et je voulais qu’elles aient une place. Je suis une artiste bilingue et si ce n’était que de moi tous mes albums le seraient. Ce n’est cependant pas l’idéal de faire des albums bilingues quand on veut percer dans les milieux francophones ou anglophones.
Comment choisissez-vous les instruments qui accompagnent vos chansons?
J’aime me limiter à certains collaborateurs et instruments dans le processus d’enregistrement. Pour Sticks and mud, j’ai été chez Bahaus Studio. C’est une ferme où on crée un vibe ensemble et c’est dans cette ambiance que les idées flottent. On l’a enregistré en une semaine.
Comment définiriez-vous votre style?
Fluide! Le premier album était plus jazz-folk, le deuxième folk-country, le troisième americana, le dernier electric-pop. Je n’aime pas rester à une place. Tout change dans la vie. J’explore différents instruments et j’écris les chansons en conséquence.
Votre dernier album, Panorama (2017), est plus numérique dans sa sonorité. D’où est venue l’idée d’intégrer cela dans votre musique?
J’ai acheté un Sub 37 moog et je suis devenue obsédée par la création de sons analogues. Changer les outils de travail m’a intéressée. Je suis sortie de la rythmique de la musique folk avec une atmosphère complètement différente.
On va finir avec la pandémie. Comment l’avez-vous vécue?
C’est un chapitre intense de ma vie. Ma petite avait deux ans au début de la pandémie. J’ai commencé une maîtrise en art et psychologie que j’ai presque terminée. Je l’ai pris comme une opportunité pour retourner aux études. »
LES DATES-CLÉS DE CINDY DOIRE
1983 : Naissance à Timmins
2008 : Sortie du premier album La vie en bleu
2011 : Prix du meilleur album au Music Film and Moton Awards
2017 : Sortie de son dernier album Panorama
2019 : Prix Trille Or dans les catégories Artiste solo et Auteure/compositrice
Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.