La COVID-19, pas simple pour les étudiants internationaux
Solitude, éloignement, difficultés financières… La situation des étudiants internationaux est délicate depuis la mise en place des mesures pour lutter contre la COVID-19. ONFR+ s’est entretenu avec plusieurs d’entre eux.
« J’aurais dû prendre l’avion la semaine prochaine. Au lieu de ça, je regarde l’Île Maurice, sur mon ordinateur, en photos… »
Voilà un an et demi qu’Ameidy Perumal n’est pas rentrée voir sa famille. Étudiante au baccalauréat de psychologie au Collège universitaire de Glendon, elle vit à Toronto depuis 2016. Sa situation est commune à plusieurs étudiants internationaux.
« Je devais rentrer en France pour les vacances, cette semaine. Je n’ai pas pu. Et je ne sais pas non plus si je pourrai y aller cet été », témoigne Lilou Matera, étudiante en communication à l’Université d’Ottawa.
Parfois, les conséquences financières sont majeures, comme pour Sara Elyoubi, étudiante en 3ème année en orthophonie à l’Université Laurentienne.
« Je devais prendre un vol pour le Maroc le 7 avril. J’avais des patients et des étudiants qui m’attendaient. »
Déjà diplômée au Maroc, cette étudiante de 32 ans compte 11 ans d’expérience dans son pays d’origine où elle exerce le travail d’orthophoniste et de professeure au niveau universitaire. Venue au Canada pour continuer l’apprentissage de son métier, elle a besoin de cet argent pour payer ses études ici.
« J’avais deux emplois à Sudbury pour subvenir à mes besoins quotidiens. Mais pour mes frais de scolarité, il faut que je travaille au Maroc. Les frais sont élevés quand on est étudiant international. »
Plusieurs institutions postsecondaires ont mis en place des mesures d’aide. À l’Université Laurentienne, les étudiants internationaux sont admissibles au Fonds de soutien d’urgence pour la population étudiante. Un fonds similaire existe également à l’Université d’Ottawa.
Ceux dont le permis d’étude permet de travailler peuvent aussi faire une demande au titre de la Prestation canadienne d’urgence, assure le bureau de la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées, Carla Qualtrough, à condition qu’ils aient cessé « de travailler pour des raisons liées à la COVID-19 et qu’ils répondent aux critères d’admissibilité ».
Revoir ses projets
Mais l’argent n’est pas le seul problème. Pour certains, la pandémie chamboule aussi les projets à long terme.
« Je termine mes études dans une semaine, puis j’ai trois mois pour trouver un emploi si je veux pouvoir prolonger mon visa. Ça risque d’être difficile dans la situation actuelle. Je me donne jusqu’à décembre pour savoir si je reste au Canada. Rentrer reste vraiment la dernière option », dit Mme Perumal.
Partir ou rester? Lilou Matera s’est posé la question avant que ne soit validé son emploi de mentor cet été.
« Et puis, la situation est meilleure ici. Le confinement est très strict en France. J’ai des amis qui sont rentrés et qui ont trouvé ça très dur. »
Parfois, les considérations des étudiants internationaux ne sont pas si éloignées de celles de tous les étudiants, comme pour Marvin Zongo, étudiant en étude des enjeux humains et sociaux à l’Université de Hearst et originaire du Burkina Faso.
« Je suis inscrit en athlétisme et je devais participer à des championnats nationaux canadiens. Ça a été annulé! C’est un gros coup pour moi. Je prévoyais ensuite travailler ou rentrer voir ma famille. Je dois tout réorganiser. »
Étudiante du Bénin, Melissa Houinsou, qui étudie les sciences de la santé à l’Université d’Ottawa, compte profiter du confinement pour suivre davantage de cours lors de la session d’été.
Briser l’isolement
Elle confie toutefois ne pas beaucoup aimer les cours en ligne. Car pour des étudiants qui n’ont pas toujours un cercle social très développé, il n’est pas facile de rester chez soi.
« Disons que les difficultés sont accentuées par la crise. On peut vite se sentir seul », dit Mélissa Houinsou, s’estimant chanceuse d’être en colocation.
Étudiant en 2ème année en communications sociales à l’Université Saint-Paul, André On’opese Longane, venu de la République démocratique du Congo, n’a pas non plus apprécié le passage au virtuel.
« Le contact, l’esprit d’équipe, tout ça me manque… C’est important quand on étudie en communication », souligne-t-il. Et de poursuivre : « Il ne faut pas oublier que venir étudier dans un pays étranger, ça implique beaucoup. On est loin de sa famille, on ne connaît personne… Psychologiquement, c’est dur. Avec la pandémie, on le ressent encore davantage. »
Arrivée au Canada en août dernier, Mme Elyoubi s’est empressée de quitter Sudbury pour rejoindre son oncle et sa famille à Mississauga afin de ne pas se retrouver seule.
« Mais ma famille me manque », dit-elle, tout comme son mari resté au Maroc qu’elle n’a pas vu depuis huit mois.
Pour faire face à l’isolement de ses étudiants internationaux, La Cité a développé des activités virtuelles, comme du gym, des cours de cuisine ou des jeux, trois fois par semaine. L’Université d’Ottawa dit offrir du soutien en santé mentale, consciente que « vivre une telle crise loin de chez soi peut être anxiogène ». Elle a également mis en place un carrefour virtuel pour partager son expérience et socialiser.
Inquiets pour leurs proches
Tous les étudiants internationaux joints par ONFR+ disent apprécier ce soutien. Reste que la distance avec leurs proches leur pèse dans le contexte actuel.
« Je suis inquiète pour ma famille », confie Mélissa Houinsou. « Je me demande comment ça va se passer, quand est-ce que je pourrais les revoir. »
L’inquiétude des étudiants internationaux est double, explique Mme Matera.
« On est angoissé par ce qui se passe ici, mais aussi par ce qui se passe là-bas pour nos proches. »
Un avis que partage M. Zongo.
« C’est beaucoup de stress. On se sent loin, on s’inquiète, mais on n’a pas le choix. »