La décision de Mathieu Fleury
[ANALYSE]
Le conseiller municipal Mathieu Fleury a fait un choix difficile. Il ne briguera pas la succession de l’ex-ministre Madeleine Meilleur dans la circonscription ontarienne d’Ottawa-Vanier. Et ce, même si l’investiture lui était offerte sur un plateau d’argent.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault
L’élu du quartier Rideau-Vanier, à Ottawa, a bien pris le temps d’y penser. Et il a de bonnes raisons de passer son tour. Jeune marié, il veut fonder une famille. Il sait bien que la vie d’un politicien provincial, avec ses allers-retours à Toronto, se conjugue difficilement avec la vie d’un jeune parent. Sa vie d’échevin est bien remplie. Mais il peut rentrer à la maison tous les soirs.
Il faut respecter ce choix très personnel.
Pour les libéraux à Queen’s Park, par contre, il y a matière à réflexion.
Avant de partir, Mme Meilleur avait bien pris le soin d’identifier M. Fleury comme son successeur désigné. L’investiture était à lui s’il la voulait. Et la victoire dans cette forteresse libérale qu’est Ottawa-Vanier lui était presque assurée. Des occasions comme celle-là en politique ne se présentent pas tous les jours. Ni même toutes les décennies.
Mais voilà. Mathieu Fleury suit l’actualité. Il sait bien que la cote de popularité du gouvernement de Kathleen Wynne est à son plus bas. Il sait bien qu’il risque de se retrouver sur l’arrière-ban de l’opposition d’ici deux ans. Alors qu’à l’hôtel de ville d’Ottawa, et à titre de coprésident du comité des fêtes du 150e de la Confédération dans la capitale, le jeune élu a encore la possibilité de garnir son curriculum vitae. Et si dans quelques années, le maire Jim Watson faisait de lui son dauphin?
Alors si ce n’est pas M. Fleury, qui d’autre?
À une autre époque, les candidats libéraux se seraient bousculés au portillon pour briguer l’investiture dans Ottawa-Vanier. Même quand le parti croupissait dans l’opposition. Plus maintenant. Personne d’autre ne s’est manifesté. Aucun autre nom n’a même circulé dans le moulin à rumeurs.
La formation de Mme Wynne doit se poser de sérieuses questions si elle a du mal à recruter un candidat pour remplir son siège le plus sûr.
Recruter des francophones
Pour la communauté francophone d’Ottawa, aussi, il y a matière à réflexion.
La circonscription d’Ottawa-Vanier est représentée à Queen’s Park par un francophone depuis 1911. Elle a donné à la province deux de ses plus importants ministres pour la francophonie – Bernard Grandmaître et Madeleine Meilleur. Maintenant que Mathieu Fleury s’est désisté, où sont les autres candidats de langue française capables de reprendre le flambeau?
Ce n’est pas la première fois que la communauté francophone d’Ottawa peine à recruter des représentants politiques. Elle a été incapable de se rallier derrière un candidat francophone pour succéder à Jacques Legendre dans le quartier Rideau-Rockcliffe lorsque l’élu municipal a tiré sa révérence en 2010. Elle s’est rabattue sur des « francophiles » – d’abord Peter Clark, puis Tobi Nussbaum – qui n’ont toutefois jamais défendu le fait français avec autant de fougue que leur prédécesseur.
Les États généraux de la francophonie d’Ottawa, lancés en 2011, avaient pour but premier d’assurer une plus grande représentation francophone sur la scène politique – la quête du bilinguisme officiel est venue après. Force est d’admettre, cinq ans plus tard, que ce but premier n’a pas encore été atteint. Pas plus que le deuxième, d’ailleurs.
Il y a pourtant des gens de qualité qui gravitent autour des milieux politiques francophones à Ottawa. Des avocats. Des communicateurs. Des lobbyistes. Que fait-on pour les inciter à se présenter?
Le désistement de Mathieu Fleury doit servir d’avertissement. Pour les libéraux. Mais surtout pour les francophones.
Cette analyse est publiée également dans le quotidien LeDroit du 9 juillet.