La désescalade avant la force mortelle, dit l’Ombudsman

Paul Dubé, Ombudsman de l'Ontario. Archives ONFR+

TORONTO – L’Ombudsman de l’Ontario demande au gouvernement provincial d’apporter des changements à la formation des agents de police afin que ceux-ci soient mieux équipés pour désamorcer des conflits avec leurs mots plutôt qu’avec leurs armes à feu.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org |@fpdufault

« Le problème de la formation donnée aux policiers pour gérer des situations conflictuelles avec des personnes en crise n’est pas une question de débat théorique », a déclaré d’entrée de jeu Paul Dubé au moment de déposer un rapport spécial à Queen’s Park, mercredi 29 juin. « C’est littéralement une question de vie ou de mort, qui est restée trop longtemps négligée dans cette province. »

L’Ombudsman croit que la formation de base qui est donnée aux policiers ontariens est trop axée sur le maniement des armes à feu, et pas assez sur la désescalade de conflits.

Pendant qu’ils reçoivent leur formation de base, la plus courte au Canada, les nouveaux policiers de l’Ontario seraient tenus de suivre seulement cinq ateliers sur les méthodes de désamorçage de conflits, contre près d’une vingtaine d’ateliers sur la conduite automobile et l’usage des armes à feu.

« D’abord, il faut reconnaître les troubles mentaux et savoir comment communiquer avec quelqu’un qui est en crise. Il faut savoir comment agir dans ces cas-là. Ça doit être à la base de la formation. Il faudrait toujours chercher des options qui n’entrainent pas la mort », a insisté M. Dubé devant la presse parlementaire. « La meilleure arme que possède un policier, c’est sa bouche et pas son fusil. »

L’Ombudsman recommande que la formation sur la désescalade de conflits et des simulations de situations de conflits interviennent tout au long de la carrière des policiers ontariens.

Le gouvernement libéral de Kathleen Wynne a dit s’engager à mettre en œuvre toutes les recommandations de l’Ombudsman.

« Nous savons que la nature du travail des policiers a changé fondamentalement avec l’augmentation du nombre d’interactions des policiers avec des personnes vulnérables dans nos communautés », a réagi David Orazietti, ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels. « C’est pourquoi notre gouvernement s’engage à faire de la désescalade de conflits un élément central de la réponse des policiers aux individus en crise. »

L’élu de Sault-Sainte-Marie a fait savoir qu’une révision du programme de formation de base des policiers était déjà en cours.

« C’est un début… »

Ce n’est toutefois pas la première fois que les libéraux à Queen’s Park signalent leur intention d’agir pour éviter le plus possible le recours par la police à la force mortelle.

« Depuis plus de 25 ans, des jurys du coroner examinent décès après décès, faisant littéralement des centaines de recommandations dans l’espoir d’éviter d’autres incidents mortels. Mais au lieu de cesser, ces tragédies semblent presque se répéter », a dénoncé M. Dubé.

Seulement depuis le début de son enquête, après la mort très médiatisée du jeune Sammy Yatim dans un tramway de Toronto en 2013, le bureau de l’Ombudsman affirme avoir recensé 19 autres décès sous les balles de la police dans la province, dont celui aussi médiatisé d’Andrew Loku qui a provoqué la colère de la communauté noire dans la métropole.

Paul Dubé s’est dit tout de même encouragé par « le ton » de sa première rencontre avec David Orazietti, qui a été promu responsable de la police et des prisons ontariennes lors d’un remaniement ministériel il y a seulement deux semaines.

Les proches des victimes ont fait preuve, pour leur part, d’un « optimisme prudent ».

« C’est un début. C’est un début… », a nuancé Nabil Yatim, le père de Sammy Yatim, qui était présent à Queen’s Park lors du dépôt du rapport de l’Ombudsman, le 29 juin.

« C’est une question de vie ou de mort », a rappelé à son tour la néo-démocrate Jennifer French. « Si ce rapport ne fait pas bouger les choses, je ne sais pas ce que ça prendra. Les recommandations s’accumulent depuis des années. Elles disent toutes la même chose. Il faut agir. Si nous nous tournons vraiment vers la désescalade de conflits, nous allons sauver des vies et nous allons renforcer les relations de confiance entre nos forces de police et nos communautés. »