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Langues officielles : la FCFA dénonce le silence du gouvernement Carney

Liane Roy, la présidente de la FCFA Source: compte Twitter Liane Roy

OTTAWA – La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada tire la sonnette d’alarme cinq mois après les élections : le gouvernement Carney tarde à clarifier sa vision en matière de francophonie et de langues officielles, laissant les communautés dans l’incertitude.

Lors de sa conférence de presse à Ottawa, ce mercredi matin, la présidente de la FCFA, Liane Roy, a souligné le retard dans l’adoption de règlements essentiels à la mise en œuvre de la nouvelle Loi sur les langues officielles. 

« Le premier ministre avait déclaré pendant la campagne que le français ne serait jamais sur la table de négociation, mais la lettre de mandat des ministres est muette sur les priorités du gouvernement pour nos deux langues officielles », a souligné Mme Roy.

Elle rappelle que, malgré la modernisation de la Loi sur les langues officielles en 2023, « les institutions fédérales n’agiront pas tant que le gouvernement n’aura pas adopté les règlements qui leur disent comment appliquer la Loi ».

La présidente de la FCFA a également pointé le retard des règlements et leur contenu potentiel : « Nous avons des raisons de craindre qu’ils soient beaucoup plus faibles que ce que nous sommes en droit d’attendre d’un gouvernement qui s’est engagé en 2019 à protéger et promouvoir le français partout au pays. »

Le gouvernement avait annoncé une mise en vigueur dans un horizon de 18 mois, mais 28 mois se sont maintenant écoulés. Ces règlements concernent notamment la partie VII de la Loi, qui définit les obligations des ministères et institutions fédérales envers le développement et l’épanouissement des minorités francophones. 

Immigration et étudiants internationaux

La FCFA s’inquiète aussi de la promesse gouvernementale d’atteindre une cible de 12 % pour l’immigration francophone hors Québec, une mesure jugée cruciale pour rétablir le poids démographique des communautés francophones et acadiennes. 

« Quel est le plan précis pour atteindre cette cible? Parle-t-on toujours de créer un programme d’immigration économique spécifique à la francophonie? Nous attendons de rencontrer la ministre de l’Immigration pour le savoir », a indiqué Mme Roy.

La FCFA a soulevé l’impact d’une baisse possible des niveaux globaux d’immigration sur les étudiants internationaux francophones. « Nous avons entendu qu’il pourrait y avoir une baisse des seuils nationaux. Si cela se confirme, notre cible de 12 % pour l’immigration francophone risque de perdre toute valeur », a expliqué la présidente en période de questions.

« Nous sommes encore en train d’analyser l’effet de la cohorte de septembre sur la capacité de nos établissements à offrir leurs programmes et services habituels. De façon générale, le nombre de nouveaux étudiants internationaux a considérablement diminué, en partie à cause de l’impact de ces mesures sur la réputation du Canada comme destination pour l’éducation internationale », a expliqué, aux côtés de Liane Roy, Martin Normand, le président-directeur général de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC).

Il a ajouté que, malgré le programme pilote pour les étudiants internationaux francophones annoncé l’an dernier, l’intérêt n’est pas suffisant pour combler l’écart créé par l’effet cumulé des mesures. « Sans indications claires du gouvernement, nous ne savons pas si ce programme aura à long terme les effets escomptés, alors qu’il était censé augmenter le nombre d’étudiants internationaux francophones au pays. »

Des craintes de compression

S’ajoutent les inquiétudes concernant le prochain budget fédéral et les compressions annoncées, pouvant atteindre 15 % sur trois ans. 

« Existe-t-il un plan pour protéger les langues officielles de ces réductions, ou du moins pour éviter qu’elles aient un impact négatif sur nos communautés? », a demandé la présidente de la FCFA, qui déplore par ailleurs que ses demandes de rencontre avec le président du Conseil du Trésor soient restées sans réponse.

Les organismes francophones craignent que la réduction des ressources ne nuise à la mise en œuvre effective de programmes essentiels, notamment en éducation et en services de proximité.

« Est-ce qu’on a prévu d’éviter des impacts négatifs sur nos communautés? À la FCFA, nous avons déjà vu ce film : les coupures dans chaque ministère font reculer la capacité globale du gouvernement de s’acquitter de ses obligations linguistiques. »

Le ministre responsable des Langues officielles, Steven Guilbeault, avait affirmé lors de la rentrée parlementaire qu’il ferait de l’adoption des règlements une priorité. Mais la FCFA reste prudente. 

« Où est la vision du gouvernement en matière de francophonie »
— Liane Roy, présidente de la FCFA

« Nos communautés veulent maintenir leurs acquis et disposer des outils pour continuer à avancer dans un Canada et un monde en constante évolution », a conclu Mme Roy.

Enfin, la présidente a insisté sur l’importance d’une vision gouvernementale claire : « Nous demandons donc où est la vision du gouvernement en matière de francophonie. Nous sommes prêts à y travailler, mais il faut nous inviter au dialogue. »

Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, pressait déjà en 2023 et 2024 pour une mise en œuvre rapide, dénonçant des « imprécisions dans la Loi » et un vide réglementaire qui retarde l’action concrète du gouvernement.

Dans un échange de courriel avec ONFR, l’attachée de presse du ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et ministre responsable des Langues officielles, Steven Guilbeault, Hermine Landry, souligne « les langues officielles sont une priorité du ministre et de notre nouveau gouvernement. C’est pourquoi il a rencontré personnellement Mme Roy en marge de la rencontre annuelle du Conseil des ministres sur la francophonie canadienne, le 26 juin dernier, en plus des communications régulières entre son bureau et la Fédération. »

Elle précise que le ministre s’est engagé à déposer les règlements avant la fin de la session parlementaire, rappelant que « le dépôt de ces règlements nécessite que le Parlement soit en séance ».

Mercredi en soirée, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada a de son côté indiqué que l’examen des dépenses vise à cibler les programmes « dont le rendement est insatisfaisant » ou qui ne correspondent pas aux priorités du gouvernement. Les propositions d’économies sont à l’étude, mais « tous les ministères doivent continuer à respecter leurs obligations en matière de langues officielles », a précisé l’organisme.