Langues officielles : le gouvernement Trudeau est trop lent à agir, déplore le commissaire
OTTAWA – Le gouvernement fédéral doit accélérer la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles, estime Raymond Théberge, qui juge qu’Ottawa est beaucoup trop lent à agir pour mettre en œuvre l’ensemble de la législation.
Ayant obtenu la sanction royale en juin dernier, la nouvelle version de la Loi sur les langues officielles (LLO) comporte encore plusieurs éléments qui tardent à être adoptés par décret et voie de règlement, ce qui est entre les mains du gouvernement Trudeau.
Le commissaire aux langues officielles attend toujours la majeure partie de ses nouveaux pouvoirs, notamment la possibilité de distribuer des amendes aux mauvais joueurs sur le plan linguistique. Les nouvelles mesures concernent, entre autres, les services aux voyageurs, source numéro un des plaintes auprès de son bureau. Il indique ne pas avoir encore reçu de date fixe concernant la mise en place de ces nouveaux pouvoirs.
« Pour l’instant, ce n’est pas clair pour moi c’est quoi l’échéancier, avance-t-il en entrevue. J’aimerais que le décret soit adopté plus tôt que tard, car ça a un impact sur la possibilité de travailler dans un secteur très important. »
Depuis juin, le commissariat a des pouvoirs qui lui offrent la possibilité de conclure des ententes ou d’émettre des ordonnances à des instances fédérales. Raymond Théberge indique que son bureau sera pleinement en mesure d’agir avec ces nouveaux outils au cours de l’année 2024.
« Comme commissariat, on va s’occuper de ce que l’on peut faire. Mais pour certains éléments, il appartient au gouvernement de développer des réglements », rappelle-t-il.
Le ministre aux Langues officielles Randy Boissonnault a indiqué que les consultations concernant les règlements commenceront au mois d’avril, mais admet que le processus devrait aller plus vite.
« Avoir un échéancier de deux à trois ans semble un peu long. Je travaille de mon côté et la ministre Anand travaille de son côté, et on va revenir avec des précisions sous peu », a-t-il précisé vendredi dernier, lors d’une conférence de presse.
Raymond Théberge pointe aussi une autre section qui était dans le projet de loi C-13, la Loi sur l’usage du français dans les entreprises privées de compétences fédérales, qui donne de nouveaux droits pour travailler en français hors du Québec.
« Présentement, je n’entends pas de discussion autour de cette partie de la Loi. Ce n’est pas clair pour moi où on en est rendu en termes de la mise en œuvre », explique l’ancien recteur de l’Université de Moncton.
Ce dernier a même indiqué en comité parlementaire, jeudi, qu’il ne sait pas quel ministre au sein du gouvernement Trudeau, entre Randy Boissonnault (Langues officielles) et Anita Anand (Conseil du Trésor), est responsable de l’adoption des décrets.
« Ça fait la démonstration que la Loi sur les langues officielles est un tape-à-l’œil. Il y a un manque de volonté et d’intention du gouvernement », a réagi à ce fait le député conservateur Joël Godin.
« Le problème est qu’on ne sait même pas à qui on doit adresser le blâme. C’est la plus grande aberration. Est-ce le ministre du Patrimoine, des Langues officielles, du Conseil du Trésor, de la Justice, de l’Immigration? », s’interroge-t-il.
« C’est un peu comme on voit régulièrement chez les libéraux : que de belles intention,s mais quand c’est le temps de bouger, il n’y a pas de volonté politique », déplore, de son côté, le bloquiste Mario Beaulieu.
« Si le commissaire veut venir me voir pour qu’on puisse lui donner un diagramme de Venne pour lui expliquer qui est responsable de quoi, je serais très content de le faire », a réagi Randy Boissonnault lorsque questionné à ce sujet.
En octobre, la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, avait révélé que la section VII (7) de la LLO, qui porte sur les engagements du fédéral envers les minorités linguistiques, serait complètement mise en vigueur en 2026.
En conférence de presse, jeudi dernier, elle affirmait : « Il y a le cadre et ça, c’est aussitôt que possible, peut-être dans le prochain mois, et ensuite la réglementation. Cela n’est pas dans les prochains mois, mais peut-être cette année ou l’année prochaine ».
L’automne dernier, elle expliquait devant un comité sénatorial que le développement d’un cadre pour cette portion de la Loi prendrait de six à neuf mois et que la réglementation surviendrait en 2025 ou 2026.
« Ça fait quasiment six mois qu’on parle d’une période de trois ans, alors je pense qu’il y a un travail qui a déjà débuté de la part du gouvernement. Reste à savoir si ça va être un processus plus rapide. Tant que ce règlement n’est pas adopté et en vigueur, ça limite la mise en œuvre de la loi », estime Raymond Théberge.