Justin Serresse lors du festival Giants of Africa à Kigali. Source : Instagram

L’entraîneur de l’Université Wilfrid-Laurier de Waterloo, Justin Serresse, pensait vivre sa première à la tête d’une équipe professionnelle avec Bangui SC dans la Ligue africaine de basket-ball (BAL), mais l’expérience s’est transformée en véritable calvaire. Licencié par la direction du club, le Franco-Ontarien exprime ses préoccupations concernant la gestion du président.

Le club de la République centrafricaine est actuellement en pleine compétition dans la BAL, mais a attiré l’attention dès son arrivée au Caire le 16 avril, par l’absence de son entraîneur en chef Justin Serresse, son assistant Cavell Johnson ainsi que quatre joueurs faisant partie de l’effectif initial. 

Des « problèmes financiers » auraient obligé le président Cyrille Damango à se séparer de six membres importants de son équipe (un joueur a été convaincu par la suite de revenir), selon Justin Serresse, qu’ONFR a contacté.

Ce dernier revient sur ses cinq semaines à la tête de l’équipe qui ont été loin de se dérouler comme il l’imaginait et ce, dès le premier jour. 

« Il y avait tout de même eu des choses alarmantes. Déjà au départ, lorsque j’avais pris l’avion, on m’avait dans un premier temps retenu à l’aéroport car le billet n’avait pas été payé », se rappelle-t-il.

« Quand je suis arrivé à Amsterdam, j’ai dû aussi changer d’hôtel. Nous sommes allés dans un hôtel sans garantie de paiement. La personne qui a été engagée par Cyrille Damango pour s’occuper de tout ce qui était logistique a dû régler ça et a, au final, été remerciée après avoir eu à gérer beaucoup de crises. »

Des crises qui, la majorité du temps, avaient un rapport avec l’argent, d’après le témoignage de Justin Serresse. L’équipe était en préparation à Kigali, au Rwanda. Après les deux premières semaines d’entraînement, un premier changement d’hôtel a dû se faire en raison d’impayés. Ce sont ensuite les joueurs, arrivant au compte-gouttes tout au long de la préparation, qui auraient eu la mauvaise surprise de ne pas recevoir les avances promises. 

« Ensuite, cela a continué, mais l’argent n’était pas le souci en soi. Le problème, c’est qu’il essayait toujours de nous rouler dans la farine en nous disant que tout allait bien », confie le Franco-Ontarien.

Crise de confiance et « manipulation »

Cyrille Damango n’était pas sur place, selon Justin Serresse. Il gérait tout à distance et se reposait sur son entraineur en chef qui s’occupait lui-même de la communication avec la ligue. Le président aurait indiqué à son entraîneur en chef qu’il se rendrait à Kigali le 1er avril pour organiser une réunion de crise, mais il n’est venu que 15 jours plus tard. Entre-temps, la situation s’est détériorée. C’est en tout cas ce qu’affirme M. Serresse.

« Sur ces deux semaines, il a continué à mentir en envoyant des confirmations de transferts d’argent aux joueurs plus que douteuses, qui à ce jour n’ont jamais été confirmées. Tout ce qu’il a fait, c’est de la manipulation et de l’escroquerie pour pouvoir nous garder sous pression. »

« Les joueurs, le staff et moi avons petit à petit commencé à perdre confiance en lui. On n’a plus du tout cru en ce qu’il nous disait. À ce moment-là, ça a pris une dimension qui n’était pas saine. Je commençais déjà à me demander si je ne devais pas rentrer. Ce n’est pas comme ça que je travaille. »

« Pour moi, personnellement, c’était le point de non-retour »
— Justin Serresse

Toujours selon les faits relatés par M. Seresse, cela a duré jusqu’au soir du samedi 13 avril, où l’équipe devait s’envoler pour le Caire. Certains joueurs avaient donné leur passeport en guise de garantie dans l’attente du paiement de l’hôtel. Le paiement n’est jamais arrivé et le bus de l’équipe a été retenu. « Pour moi, personnellement, c’était le point de non-retour. »

L’équipe s’est finalement envolée pour l’Égypte le lundi 15 avril au soir. Mais tout le monde n’est pas parti…

« Le lundi soir, je reçois un appel une heure avant notre nouveau vol pour le Caire, me disant que Cavell, quatre joueurs et moi devions attendre à l’aéroport son arrivée. J’ai bien compris qu’on allait manquer le vol et qu’on allait être remerciés. »

Deux jours et demi d’attente dans le lobby d’un hôtel

Le président est finalement arrivé. Les choses auraient pu en rester là, avec le renvoi des six hommes le jour même. Mais après l’avoir attendu jusqu’à 3 h du matin dans le lobby de l’hôtel, Justin Serresse explique qu’il a été ignoré complètement par le dirigeant. C’est seulement deux jours plus tard, le 17 avril, que l’entraîneur a obtenu son salaire et sa lettre de fin de contrat. 

« Il nous a fait attendre deux jours et demi dans le lobby de l’hôtel, sans savoir vraiment ce qui allait se passer. Il nous a fait des menaces, il disait qu’il allait partir. J’ai dû appeler les autorités pour faire bouger un peu les choses. J’ai la chance d’avoir pas mal de relations à Kigali, donc ça lui a mis un peu la pression. »

« Il a aussi menti aux joueurs, en leur disant que c’était de ma faute s’ils étaient renvoyés, et à la ligue, en leur faisant savoir que c’était moi qui avait démissionné. C’est totalement faux. » 

Justin Serresse a été en relation avec la direction de la BAL durant tout ce temps pour la tenir informée de l’évolution de la situation sur place. Cette dernière semblait donc au courant de tout ce qui s’était passé, mais n’avait pas de pouvoir d’action sur la situation, du fait que l’affaire se déroulait en dehors du lieu de la compétition. 

« Au final, le problème n’a pas été avec la BAL, mais la direction de Bangui qui ne nous a pas respectés. Je suis venu dans l’optique d’aider le basket africain, pas pour me faire marcher dessus et manquer de respect. J’ai toujours fait preuve de professionnalisme et je pense que tout le monde respecte ça. Je suis prêt à reprendre part à un projet sérieux et professionnel en tant que coach ou assistant-coach. »

Ne pas généraliser et rester positif

L’entraîneur franco-ontarien a finalement obtenu la rémunération de ses cinq semaines de préparation avec l’équipe. Il a en revanche dû payer son billet d’avion pour le Caire, où il a rejoint sa famille, qui avait déjà prévu de le retrouver en Égypte pour le suivre en compétition. Au lieu de ça, ils ont décidé de prendre des vacances en famille. 

Malgré cette mauvaise expérience, Justin Serresse reste positif et souhaite continuer à s’investir dans le développement du basket africain.

« Cette mésaventure ne doit pas généraliser ce qui se passe dans le basket en Afrique. Il y a des organismes tels que Giants of Africa qui œuvrent de manière totalement respectueuse. Ce qui s’est passé est le résultat du manque de professionnalisme d’une seule personne. »

ONFR a pris le temps de contacter M. Damango afin d’obtenir sa version des faits sur la situation. Néanmoins, ce dernier n’a pas souhaité s’exprimer avant la fin de la compétition.

Dans un article du média sportif américain ESPN, qui relate que le salaire de l’entraineuse Liz Mills, prédécesseure de Justin Serresse, n’a toujours pas été réglé en totalité, le président du Bangui SC indique que « les retards de paiement sont relatifs à des problèmes auxquels il fait face dans ses activités commerciales en dehors de son club de basket ».