La FGA veut un fonds de 25 millions de dollars pour les entrepreneurs francophones
TORONTO – La Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario (FGA) fait irruption dans la campagne électorale fédérale en demandant aux partis politiques de s’engager à créer un fonds d’investissement par et pour les entreprises francophones du Canada, hors Québec. À l’heure de la reprise économique canadienne, le milieu des affaires s’impatiente aussi sur plusieurs enjeux, dont ceux de l’entrepreneuriat féminin et de la présence francophone au sein des conseils d’administration des sociétés fédérales publiques.
Le nerf de la guerre pour des milliers d’entrepreneurs qui démarrent ou veulent accroître leurs affaires, c’est évidemment l’argent, mais les banques d’investissement et les investisseurs privés n’ont aucun critère francophone. Face à ce manque, « pour aider nos jeunes pousses en milieu minoritaire, il faut un apport en capitaux et ça prend un engagement du fédéral », est convaincu Dominic Mailloux, le président de la FGA.
Doté de 25 millions de dollars, ce fonds serait composé d’experts chargés d’identifier les critères de sélection et d’une gouvernance francophone qui les aiguillerait vers les entreprises. « Ce serait une valeur ajoutée complémentaire aux services des organismes qui existent déjà », estime M. Mailloux qui veut faire passer plusieurs autres idées auprès des candidats aux élections fédérales.
Son organisation interpelle les partis politiques et les incite à s’engager sur sept recommandations. Elle milite, entre autres, pour la mise en place d’une stratégie de soutien à l’exportation vers les pays francophones, un gigantesque marché.
« On parle de plus en plus de diplomatie économique », note M. Mailloux. « On veut que le gouvernement focalise son attention sur les nouveaux arrivants car, lorsqu’ils créent leur entreprise au Canada, ils savent comment s’implanter dans leur pays d’origine. Au niveau fédéral, il faut mettre à la sauce francophone ce qui existe déjà, intensifier les missions commerciales vers les pays francophones et s’appuyer sur notre réseau d’ambassades pour développer de nouveaux marchés. »
« Le français est une opportunité de développement pour le Canada » – Dominic Mailloux
Dans un document de neuf pages qu’ONFR+ a pu se procurer en primeur, la FGA souhaite que les partis dans la course aux élections fédérales prennent position, en outre, sur l’accompagnement des entreprises francophones dans leur virage numérique mais aussi dans leur transfert pour assurer la continuité des services en français lorsqu’elles sont cédées à un nouveau propriétaire.
Selon M. Mailloux, les appels d’offres fédéraux devraient aussi inclure un critère d’évaluation concernant la capacité pour les soumissionnaires d’offrir des services dans les deux langues officielles. Il interpelle enfin les partis sur la nécessité d’intégrer une proportion minimale de francophones sur l’ensemble des conseils d’administration des sociétés fédérales publiques et parapubliques afin de faire entendre la voix des Franco-Ontariens dans les lieux de décision.
« Dans une optique de relance, c’est le moment où jamais dans une », assure-t-il. « Le français est une opportunité de développement pour le Canada. »
Les sept recommandations de la FGA pour les francophones :
– Création d’un fonds d’investissement de 25 millions de dollars
– Développement d’une stratégie de soutien à l’exportation
– Mise en place d’initiatives visant à soutenir la numérisation
– Instauration d’une stratégie propre au transfert d’entreprises
– Parcours d’accompagnement pour les femmes entrepreneures
– Ajout d’un critère francophone dans les appels d’offres fédéraux
– Présence minimale en conseil d’administration des sociétés fédérales
Relancer l’entrepreneuriat au féminin par des mesures concrètes
Le document met enfin le doigt sur la nécessité de bonifier les programmes dédiés au soutien des femmes entrepreneures. Plutôt discrète depuis le lancement de la campagne électorale, cette facette de la relance économique représente pourtant une donnée importante, selon plusieurs observateurs.
« La pandémie a été désastreuse pour les femmes entrepreneures et les femmes, en général, sur le marché du travail. Leur impact sur l’économie a reculé de 30 ans en arrière, selon une étude récente », soutient Catia Céméus, présidente du Regroupement Affaires Femmes (RAF). « Elles ont perdu des acquis durant la pandémie car beaucoup d’entre elles occupent ou occupaient des secteurs fortement affectés comme l’hôtellerie, la restauration ou encore l’événementiel. Confrontées à des situations familiales difficiles, elles ont été nombreuses à perdre leur emploi ou à perdre des marchés. »
Dans un contexte de reprise économique et alors que les femmes francophones créent et reprennent de plus en plus d’entreprises, Mme Céméus juge qu’il faut saisir la balle au bond car, en donnant plus de subventions et d’outils de formation aux femmes entrepreneurs et aux femmes racisées. « On va les aider à reprendre ce qu’elles avaient, voire au-delà, puisqu’elles contribuent pleinement à la croissance du pays et ses nouvelles opportunités d’affaires et d’emploi ».
Elle-même chef d’entreprise, elle aimerait que ces sujets soient débattus durant la campagne électorale et que les partis prennent position sur des points fondamentaux comme les places disponibles et abordables en garderie d’enfants. « Un système de garde universel serait une bonne façon pour les femmes de reprendre leur place dans l’univers économique. On a vu l’impact que ça a eu au Québec, où c’est déjà en place. »
D’ici 2031, les femmes détiendront 45 % des PME francophones, selon les projections de la FGA.