La France veut « faciliter la mobilité étudiante » vers et depuis l’Ontario
[ENTREVUE EXPRESS]
QUI :
Auparavant physicienne, professeure d’université et présidente d’une université parisienne, Sylvie Retailleau est la ministre française de l’Enseignement supérieur et de la Recherche depuis un an.
LE CONTEXTE :
Pour la première fois depuis son entrée en poste, Mme Retailleau s’est déplacée au Canada pour rencontrer plusieurs acteurs de l’enseignement et de la recherche. Plusieurs partenariats avec des universités ont été signés et de nombreuses pistes de recherches, sur la santé, les énergies, le climat et le bilinguisme, ont été discutées.
L’ENJEU :
Durant la visite de la ministre, a eu lieu le tout premier Comité mixte Canada-France en science et technologie (CMCF). Objectif : renforcer la coopération entre les deux pays dans le domaine stratégique des sciences quantiques et de l’intelligence artificielle.
« En tant que ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France, quelle importance revêt cette tournée en Ontario?
C’est vraiment une destination, un pays pour l’enseignement supérieur et la recherche. Depuis mon arrivée au gouvernement, c’était une priorité. C’est quelque chose d’important par rapport aux collaborations futures et existantes et pour mieux comprendre comment nous avons des priorités communes et des objectifs communs entre les universités, la recherche, l’enseignement et l’innovation.
Vous avez signé plusieurs accords et ententes avec la province de l’Ontario et des universités. En quoi consistent-ils?
Nous avons signé cinq accords à Ottawa et un à l’Université de Toronto avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à ce jour. Ce sont des accords sur des thématiques communes et prioritaires que sont la quantique, l’intelligence artificielle, l’énergie, mais aussi sur la diplomatie scientifique. C’est essentiel pour avoir une vision globale et renforcer des collaborations dans le champ scientifique.
Là encore, nous avons signé des accords de collaboration entre les universités, en particulier Udice en France, regroupant dix grandes universités françaises de recherche et U15 (un groupe de 15 universités de recherche au Canada). On a pris en compte, évidemment, la vision étudiante, la mobilité étudiante et les accords pédagogiques, mais aussi la dynamique du double diplôme. On veut faciliter ces accords pour les étudiants et pour la recherche.
En quoi l’Ontario est-il un partenaire de choix pour la France dans la recherche en science, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) et en innovation?
C’est clairement un partenaire de choix. C’est aussi pour ça qu’on tenait aussi à venir en Ontario. Les universités sont reconnues mondialement avec une dynamique sur l’entrepreneuriat et le lien entreprise-université. On sort d’une visite où on nous a expliqué que finalement, mesurer l’impact, c’est mesurer l’impact à travers les emplois créés. Et je pense que c’est une dynamique que nous avons entre la France et l’Ontario. En tout cas, on veut vraiment représenter cette dynamique commune.
Dans vos efforts pour la promotion de la recherche et des STIM, quelle est votre approche concernant l’accès dans ce domaine aux femmes?
Évidemment, ça me parle. Je suis physicienne de la science quantique. En France, on promeut l’attractivité de ces sciences et technologies pour tous les étudiants, mais en particulier pour les femmes.
Il y a beaucoup de livres qui racontent ces biais technologiques liés au fait que ce sont les hommes qui sont dans les métiers des sciences technologiques, de l’ingénierie et de l’informatique. Je pense qu’on a vraiment un challenge, un enjeu à relever pour attirer les femmes dans les STIM. Avec le Canada, on s’en inspire, c’est quelque chose effectivement qui peut nous aider.
Comment rendre ça attractif, compréhensible et y donner du sens? Je pense que c’est très important la façon de les présenter et finalement, d’ouvrir la science et la technologie vers les différents enjeux, que ce soit le climat, que ce soit la santé ou tous les métiers sociaux. On peut développer des collaborations très fortes avec une vision commune là-dessus.
Durant cette visite, vous avez mis l’emphase sur le besoin de partage de connaissances et de savoirs, notamment dans le domaine de la santé. En quoi ce domaine nécessite-t-il de tels partenariats entre nos deux pays?
C’est devenu une thématique prioritaire, de même que la façon d’appréhender la santé de façon planétaire. Nous appelons ça la santé globale ou One Health, et d’ailleurs l’approche canadienne est une santé « planétaire ». On voit ce périmètre et cette vision qui sont un peu différents des nôtres, et c’est là où on se rend compte de tout ce qu’on peut s’apporter l’un et l’autre.
Nous avons des programmes sur lesquels on aimerait embarquer plus d’institutions au Canada. Nous travaillons sur l’alimentation, la sécurité de l’alimentation, avec le volet agriculture, mais aussi la virologie, l’immunologie. Des domaines de la santé globale sur lesquels on va travailler ensemble et définir nos priorités. Le One Health sera probablement l’une des futures priorités.
Puis pour la première fois, nous avons organisé un comité mixte sur la recherche et l’innovation avec des thématiques comme le quantique et l’intelligence artificielle. Nous avons identifié des thèmes d’intérêt dont le changement climatique, les pôles, l’océan, tout ce qui est maritime. Évidemment, avec le Canada, c’est un sujet qui va de soi. Puis, il y a toutes les thématiques sur les énergies, qu’elles soient énergies nucléaires ou bien énergies renouvelables.
Comment le rayonnement de la France et plus particulièrement l’enseignement supérieur et la recherche peut-il bénéficier aux communautés francophones et bilingues en Ontario?
Cette visite va amener des collaborations. Nous avons parlé de bilinguisme en effet. C’est un sujet qui revient quand on parle des publications scientifiques et de la science en français. Nous en avons discuté avec le ministre Champagne, puis au niveau provincial avec la ministre Dunlop. C’était très important pour moi aussi d’avoir ces rencontres par rapport aux universités et à l’enseignement. Ce qui nous amène à la mobilité de nos étudiants. C’est un sujet qui a été au cœur de nos discussions et sur le terrain avec les universités. Comment favoriser, faciliter la mobilité des étudiants dans les deux sens?
Je pense qu’en augmentant ces mobilités, en facilitant les coopérations à tous les niveaux et en ayant un focus particulier sur le bilinguisme, ça va permettre de porter cette francophonie aussi. À travers la science et l’enseignement, on touchera aux défis du futur. C’est pourquoi il faut jouer un rôle dans le bilinguisme. C’est une des priorités de notre président de la République, et je crois que mon voyage au Canada et en particulier en Ontario se place sous ce contexte-là. »