La francophonie absente? Comme sous Mike Harris et Dalton McGuinty

Le premier ministre de l'Ontario. Doug Ford. Archives ONFR+

TORONTO – L’absence de français et de mention d’enjeux franco-ontariens dans le discours du Trône d’ouverture de la 42e législature n’est pas passé inaperçue. Pourtant, ce n’est pas la première fois que cela arrive.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) s’est dite « déçue » à l’issue de la lecture du discours du Trône par la lieutenante-gouverneure de l’Ontario, Elizabeth Dowdeswell, à Queen’s Park, ce jeudi.

Le discours, uniquement délivré en anglais, ne comportait aucune mention des dossiers franco-ontariens, comme l’Université de l’Ontario français, la modernisation de la Loi sur les services en français ou les investissements dans le domaine de la santé en français.

« Le fait d’avoir du français dans le discours a surtout une portée symbolique. Ça donne une légitimité au français dans les travaux parlementaires », remarque Martin Normand, politologue à la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques à l’Université d’Ottawa.

Ce n’est pourtant pas la première fois que la langue de Champlain est oubliée d’un discours du Trône d’ouverture d’une nouvelle législature. Avant Doug Ford, les gouvernements de Dalton McGuinty, en 2011, et de Mike Harris, en 1995 et 1999, ne comprenaient pas le moindre mot de français dans leur discours.

Mais dans l’histoire politique ontarienne des 60 dernières années, l’usage du français a davantage été la règle que l’exception, si on se fie aux données du site Poltext.

Du néo-démocrate Bob Rae au progressiste-conservateur Bill Davis, en passant par le libéral David Peterson, tous ont utilisé le français dans leur premier discours du Trône de législature après le règne de John Robarts.

« C’est dommage qu’il n’y ait pas eu de français dans le texte mais ce n’est pas inquiétant », tempère Stéphanie Chouinard, professeure adjointe de sciences politiques au Collège militaire royal.

Le fond plus inquiétant que la forme

L’absence de mention à des dossiers franco-ontariens inquiète davantage M. Normand.

« Mettre quelques mots de français pour cocher la case, ça ne suffit pas. Mais on pouvait s’attendre à ce que des dossiers franco-ontariens soient mentionnés. Cela dit, tous les groupes minoritaires ont été oubliés, ce qui est en phase avec l’idée que tous les Ontario sont égaux et seront traités de la même manière. »

Cette absence de mention des enjeux francophones était également à remarquer dans les discours du Trône de M. McGuinty, en 2007 et en 2011, et dans ceux de M. Harris, de 1995 et 1999. En revanche, MM. Davis – à l’exception de 1975 – Peterson et Rae les avaient abordés, souvent en lien avec le domaine de l’éducation.

« Le gouvernement veut insister que ses enjeux prioritaires concernent tous les Ontariens. Et tout le monde savait que la francophonie n’était pas un enjeu prioritaire pour M. Ford », rappelle Mme Chouinard.


« Ce n’est pas parce qu’on n’a pas parlé de l’Université de l’Ontario français dans le discours du Trône que cela veut dire que ça ne va pas se faire » – Stéphanie Chouinard, politologue


Si M. Normand refuse de faire un parallèle avec M. Harris, la politologue du Collège militaire royale voit un point commun.

« D’un point de vue économique, il se rapproche de M. Harris avec une volonté de réduire la taille de l’État. Pour les Franco-Ontariens comme pour tous les Ontariens, cela va vouloir dire qu’il faudra se serrer la ceinture en matière de services. »

Adapter son langage

Pour son collègue de l’Université d’Ottawa, le contexte diffère.

« L’AFO a des alliés au sein du cabinet, ce qui n’était pas nécessairement le cas sous Mike Harris. Il va falloir cibler davantage ces alliés et les ministres responsables de portefeuilles importants. Les Franco-Ontariens devront aussi se concentrer sur les priorités du gouvernement pour obtenir leur part, comme en matière de soins de longue durée ou de santé mentale. »

Mme Chouinard y va de son conseil.

« Il sera impératif de rappeler l’importance de services bilingues de qualité, dans les régions désignées, notamment, en insistant sur la plus-value et l’impact économique de la francophonie et d’avoir des citoyens bilingues. »