La Laurentienne : l’opposition à Ottawa fulmine contre Joly

Après plusieurs années au Langues officielles, Mélanie Joly va au ministère des Affaires étrangères. Crédit image: Stéphane Bédard, Archives ONFR+

OTTAWA – Alors que les francophones du Nord de l’Ontario tentent de comprendre de quoi sera fait l’avenir de l’enseignement postsecondaire dans leur langue, les partis d’opposition pressent la ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, d’intervenir sans tarder.

N’ayant pas eu la possibilité de s’exprimer à ce sujet avant ce matin, le chef-adjoint du NPD et porte-parole en matière de langues officielles, Alexandre Boulerice, nous a fait parvenir la déclaration suivante :

« J’ai talonné hier la ministre Joly sur le financement de l’Université Laurentienne. Sans surprise, elle a été incapable de prendre ses responsabilités. Mis à part blâmer les conservateurs provinciaux de l’Ontario, elle n’a jamais accepté de s’engager à financer l’Université de sorte que la pérennité du français dans le nord de l’Ontario soit assurée. Ça prouve encore une fois que les libéraux n’ont jamais eu l’intention de préserver le fait français au pays. Ce n’est qu’une opération de relations publiques, ‘est déplorable », a tranché le député néo-démocrate. 

Mardi, le critique du Parti conservateur du Canada en matière de langues officielles, Alain Rayes, s’est montré cinglant à l’égard de la ministre : « Je suis abasourdi de voir que la ministre ne soit pas proactive dans ce dossier-là. Elle n’a absolument rien fait. Elle s’en remet toujours à dire qu’elle attend une demande de l’Université ou du gouvernement provincial. C’est de la responsabilité du gouvernement fédéral de protéger les citoyens canadiens francophones en situation minoritaire partout au pays, de leur donner accès aux services francophones », a martelé le député conservateur, en entrevue avec ONFR+.

Selon M. Rayes, c’est à la ministre de prendre les devants face à une telle situation.

 « La ministre peut prendre le téléphone elle-même et arrêter de répéter qu’elle attend un coup de téléphone de ses interlocuteurs. C’est elle qui est en haut de la pyramide, c’est elle qui représente tous les citoyens des deux langues officielles partout au pays. »

Ottawa a une « responsabilité constitutionnelle », dit Rayes

M. Rayes a aussi jugé bon de rappeler que le gouvernement fédéral a le devoir de protéger les francophones en situation minoritaire.

« C’est sa responsabilité constitutionnelle de s’assurer que les citoyens en situation minoritaire aient accès à tous les services. Donc s’il y a un problème, elle a la responsabilité de trouver des solutions, d’être proactive et d’arrêter d’être en mode passif, comme elle le fait depuis plus de cinq ans », a déclaré l’élu de Richmond-Arthabaska.

Et selon M. Rayes, les conservateurs ont déjà proposé une solution. « Notre chef a déjà annoncé qu’un gouvernement conservateur mettra en place une enveloppe budgétaire pour soutenir les (établissements) postsecondaires. »

Alain Rayes, critique du Parti conservateur du Canada en matière de langues officielles. Source : Facebook

De son côté, le Bloc québécois a exprimé sa solidarité envers les francophones du Nord de l’Ontario en faisant adopter à l’unanimité une motion exprimant l’inquiétude de la Chambre des communes face à la crise qui secoue le monde de l’enseignement postsecondaire franco-ontarien.

« Que cette Chambre s’inquiète de la fermeture de 28 programmes en français et du licenciement d’une centaine de professeurs à l’Université Laurentienne à Sudbury;

Qu’elle réitère sa solidarité à l’égard de la communauté franco-ontarienne;

Qu’elle rappelle le rôle primordial de l’éducation supérieure en français pour la vitalité des communautés franco-canadiennes et acadiennes. »

– Motion déposée en chambre par le député bloquiste Mario Beaulieu.

Joint par téléphone, le parrain de cette motion, le député bloquiste Mario Beaulieu, ne mâchait pas ses mots : « C’est choquant! L’enseignement supérieur, c’est crucial pour les communautés francophones et acadiennes pour leur épanouissement, leur développement… Je ne pense pas que les communautés francophones peuvent se passer de programmes universitaires en français. Alors nous on considère qu’il faut absolument faire quelque chose. Hier, on a fait une déclaration pour dénoncer ce qui se passe et demander à la ministre des Langues officielles de faire des gestes concrets, comme ils l’ont fait pour l’université de l’Ontario français », nous a dit M. Beaulieu.

La ministre des Langues officielles, Mélanie Joly, qui a réagi sur Twitter dans l’après-midi, a déclaré « attendre avec impatience de l’information de la part du gouvernement provincial. Il faut y voir plus clair et le temps presse. Le gouvernement de l’Ontario doit nous montrer qu’il a un plan ».

À Queen’s Park, l’opposition brandit la menace des tribunaux

Du côté de l’Assemblée législative de l’Ontario, ce mardi, le député néo-démocrate de Sudbury, Jamie West, a décrit un « carnage » aux conséquences graves. « Je n’ai que 90 secondes pour décrire le carnage à l’Université Laurentienne », a-t-il lancé en chambre. « 90 secondes pourraient ne pas suffire pour vous parler des travailleurs qui ont perdu leur emploi, des ouvriers licenciés lors d’un appel Zoom ou des travailleuses enceintes de six mois. 90 secondes ne suffiront peut-être pas pour vous parler des quelque 70 programmes en français et en anglais qui ont été coupés (…). Le seul programme de sages-femmes en français et en anglais en Ontario a été supprimé. »

La députée France Gélinas a brandi, quant à elle, la menace du recours judiciaire.

« Est-ce que le gouvernement va respecter la Loi sur les services en français ou est-ce que la communauté francophone devra amener le gouvernement en cour pour qu’il respecte ses propres lois? » a demandé l’élue de Nickel Belt, alors que « le ministre des Collèges et Universités continue de promettre que le gouvernement va les protéger et que leurs études ne seront pas interrompues ».

Face aux critiques de l’opposition, le camp progressiste-conservateur a défendu la ligne du gouvernement, « résolu à garantir un chemin vers l’obtention des diplômes pour les francophones », faisant valoir plusieurs investissements provinciaux aux universités, dont « 17,6 millions de dollars pour prolonger le soutien aux programmes postsecondaires et 71 millions de dollars pour aller de l’avant avec une université francophone ».

Article écrit avec la collaboration de Rudy Chabannes

Article mis à jour le mercredi 14 avril à 14h30