La modeste place du français au TIFF
TORONTO – Le Festival international du film de Toronto (TIFF) se déroule jusqu’au 15 septembre. Même si ce festival canadien est résolument anglophone dans son organisation, le français s’y taille une petite place dont les membres de l’industrie semblent satisfaits.
2024 marque le retour des grandes vedettes dans la Ville Reine, après la grève des scénaristes et des acteurs américains de l’an dernier. Parmi elles, on retrouve Angelina Jolie, qui a présenté la première mondiale de son film Without Blood en plus de recevoir dimanche un prix pour son travail humanitaire.
Les États-Unis sont le pays le plus représenté du Festival, mais la France se taille aussi une belle place, avec une cinquantaine de productions et de coproductions sur les quelque 200 longs-métrages projetés.
Des films franco-canadiens se retrouvent dans la programmation du TIFF, dont une quinzaine produits, coproduits ou réalisés par des Québécois. Le candidat du Canada dans la course à l’Oscar du Meilleur film international, Une langue universelle, connaîtra mardi sa première nord-américaine. L’histoire se déroule entre Téhéran et Winnipeg et est réalisée par le Québéco-Manitobain Matthew Rankin.
Le TIFF 2024 a aussi accueilli la première mondiale de Vous n’êtes pas seuls, de Marie-Hélène Viens et Philippe Lupien. Quelque part entre la romance et la science-fiction, le film met en vedette Pierre-Luc Funk et Marianne Fortier, ainsi que François Papineau, Micheline Lanctôt, Sandrine Bisson et Blaise Tardif. Il est présenté dans la section Discovery, qui pointe des réalisateurs à surveiller.
C’est également une première mondiale pour Bergers, de Sophie Desraspe. Son sixième long-métrage est présenté dans la section des présentations spéciales, qui met en lumière des films attendus de réalisateurs reconnus. En 2019, Sophie Desraspe avait remporté le prix du meilleur film canadien au TIFF avec Antigone.
La réalisatrice montréalaise Halima Elkhatabi voit deux de ses films présentés au TIFF cette année : le court-métrage de fiction Fantas et son premier long-métrage documentaire, Cohabiter, sur le processus de recherche de colocataires à Montréal. Ce dernier est produit par l’Office national du film (ONF).
Quelques propositions francophones sont d’ailleurs parsemées dans les différentes séances de projections de courts-métrages.
Le TIFF en fait-il assez?
Si le cinéma francophone a connu des années plus fastes à Toronto, les membres de l’industrie ne semblent pas s’en plaindre.
Nathalie Cloutier, productrice exécutive de l’unité documentaire francophone de l’ONF, croit que la langue influence nécessairement le rendu d’un film, parce qu’il y a un aspect culturel imbriqué, particulièrement dans le cas des documentaires. Elle croit toutefois que l’organisation du TIFF prête attention à la qualité finale et non à la langue.
« Je pense que c’est beaucoup plus d’être sensible à une vision d’auteur, une réalité. Pour Halima (…), visiblement ils suivent son travail, ils sont intéressés », explique-t-elle en entrevue avec ONFR.
« Évidemment, ils ont leurs prérogatives dans leur manière de faire leur programmation, mais ce que j’ai vu à travers les années, c’est qu’il y a un intérêt pour la production francophone. »
Le français n’est donc pas relégué dans son coin, mais n’a pas non plus de statut particulier du fait d’être une langue officielle du pays.
Pour ce qui est des communications du festival, elle ne voit pas de problème à ce que tout se passe en anglais. « Même des festivals français vont communiquer en anglais, car ils veulent être international. Alors, je ne lancerais pas trop la pierre au TIFF. »
De son côté, Frédéric Chambon, attaché culturel et audiovisuel à l’Ambassade de France au Canada, croit que la force du TIFF est de mélanger les genres. En entrevue avec ONFR, il explique que le public torontois est composé de « gens qui aiment le cinéma, que ce soit le dernier blockbuster américain avec des grandes vedettes ou le petit film français d’auteur, qui trouve aussi son public. C’est pour ça que le TIFF, depuis des années, prend toujours une cinquantaine de films (français), sans qu’on ait à forcer la main. »
Les activités bilingues peu nombreuses, mais pas inexistantes
Dimanche, le TIFF était l’hôte d’une discussion entre deux réalisatrices francophones, la Française Julie Delpy et la Québécoise Louise Archambault. L’activité se voulait bilingue, pour tenir compte du contexte anglophone du TIFF.
Le Consulat général de France à Toronto a également accueilli Dream Machine, un événement qui présentait des films immersifs grâce à des casques de réalité virtuelle. Le Festival de Cannes a d’ailleurs organisé pour la première fois cette année une compétition de films en réalité virtuelle. Les films présentés au TIFF sont issus de la section hors compétition du Festival de Cannes. Le studio français Atlas V s’est associé à divers studios internationaux afin d’offrir une version en français et une version en anglais de chaque film.
La Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) a également tenu son événement Le Québec au TIFF dimanche.
Également dans le cadre du TIFF, le Club canadien de Toronto organise ce mardi une conférence en français qui porte le titre de Hollywood du Nord, la production cinématographique au Canada. L’un des sujets de discussion sera l’impact sur la production locale, particulièrement francophone, au fait que le Canada devienne une destination de choix pour des tournages hollywoodiens.
Les panélistes sont toutes des femmes francophones, soit Jasmyrh Lemoine (directrice des opérations et des relations d’affaires, SODEC), Magali Simard (directrice aux relations industrielles, Cinespace Studios Toronto), Chanelle Routhier (commissaire, Film et télévision, province de Québec, Bureau du Cinéma et de la Télévision du Québec) et Julie Blondin (directrice des relations d’affaires nationales et des coproductions). La discussion sera animée par Josette D. Normandeau, présidente d’IDEACOM International.
Au moment d’écrire ces lignes, le TIFF n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue.