La présidentielle française, entre espoir et désespoir pour les Français de l’Ontario

Les Français de l'Ontario votent ce samedi pour le premier tour de l'élection présidentielle de leur pays.
Les Français de l'Ontario votent ce samedi pour le premier tour de l'élection présidentielle de leur pays. Source: Canva

 
Les 30 000 Français vivant en Ontario sont appelés aux urnes ce 9 avril, qui marque le premier tour de l’élection française. Ce scrutin intervient dans un contexte inédit, après deux ans de pandémie et une guerre aux frontières de l’Europe. Les Français de l’Ontario qui iront voter partagent une vision commune : faire que leur pays ne sombre pas dans des idéologies extrêmes, mais aussi que la France rayonne, ici, en Ontario.
 
ONFR+ a réalisé une enquête auprès d’une cinquantaine de Français installés dans plusieurs régions de l’Ontario. Parmi eux, 53,8 % voteront dans une circonscription proche de leur domicile et 19.2 % par procuration, contre 23,1 % qui ne compteront pas se déplacer aux bureaux de vote.
 
Les Français du Canada ont un statut appelé « Français de l’étranger » qui offre les mêmes droits que leurs compatriotes en métropole. Pourtant, les ressortissants vivants au Canada n’ont pas nécessairement les mêmes besoins que leurs concitoyens.

Voter pour que la France rayonne

Pour Florian François, Franco-Canadien originaire d’Orléans en France et habitant de Toronto, il est important de s’intéresser à cette élection, comme à toutes les élections dans le monde. « L’enjeu de ce vote est primordial, car l’élection aura un impact dans le monde entier, on parle d’un pays membre du G7, la France et le Canada partagent beaucoup de choses. »

Cette relation entre les deux pays s’est aussi traduite par une immigration française importante au Canada et en Ontario depuis les dix dernières années.

De son côté, Camille Cottais, étudiante en science politique et journaliste pour La Rotonde à Ottawa, nous explique les raisons presque politiques de son départ : « Je suis partie, car j’en avais marre de la fermeture d’esprit de la France. D’où mon choix d’être au Canada, les droits de la personne, ici, sont mieux mis en avant. Le multiculturalisme est mieux. En France, on a du mal avec ça, on fait comme si le racisme n’existait pas. »

Camille Cottais, étudiante en science politique à Ottawa. Gracieuseté

D’après elle, la France est en retard sur des domaines dans lesquels le Canada s’avère être en marge. Ce qui n’empêche que le vote est important pour ces ressortissants.

Originaire de Normandie et installée à Hamilton, Julie Jardel explique de son côté : « Je n’ai pas le droit de vote au Canada. Mais je veux m’assurer que je donne une chance à mes valeurs d’être représentées dans mon pays. Je le veux pour mes proches et ceux qui me sont chers, afin qu’ils puissent vivre dans ce que j’estime être un pays où il fait bon vivre. »

« Je veux être capable de parler de mon pays avec fierté et non avec honte et révolte », reprend-
elle.

De même pour Amandine Girard qui a vécu 25 ans en France : « Je pense que c’est important pour mes proches en France, de m’assurer que je peux contribuer à ma manière sur l’avenir de la France ».

Audrey De Bruyne, Française résidant à Thunder Bay. Gracieuseté

Qu’il faille voter pour ses propres valeurs et aspirations ou bien pour participer au rayonnement du pays, les Français de l’Ontario pensent à l’importance que leur vote pourrait avoir sur leur proche et leur famille qui vivent de plein fouet les décisions politiques.

Parmi nos sondés, 81,5 % se sentent concernés par la politique, et suivent ce qui se déroule dans le pays. Audrey De Bruyne se dit attachée à la France, sa culture, son patrimoine, le terroir, c’est son identité. « En parlant français et en travaillant en français dans une province anglophone et dans un milieu minoritaire, j’essaie de faire rayonner la francophonie. » Cette Française, immigrée à Thunder Bay, lit la presse française tous les jours. C’est un moyen pour elle d’avoir accès au quotidien qui s’y passe.

Florian François, Julie Jardel et Yann Le Borgne. Montage ONFR+

Tout comme Yann Le Borgne à Ottawa, élu local et conseiller des Français à l’étranger : « Je représente les Français au sein du consulat, de l’ambassade et auprès de nos parlementaires. » Pour lui, ce vote est important puisque c’est une grande responsabilité : « On sait que le président français a beaucoup de pouvoir et d’influence sur l’état du pays ».

Des enjeux qui touchent les familles et les amis

Les Français de l’Ontario sont résolument tournés vers l’Hexagone et pensent avant tout à ce dont la France et ses habitants ont besoin. Sur 100 % de nos participants, 60 % ne se sentent pas utiles à la France en étant au Canada. Pourtant, 59,3 %, pensent que cette élection est vitale. Une conscience politique liée aux attaches et aux liens qui résident en France.

Amandine Girard considère que la France est très attachée à ses valeurs et à ses traditions « mais en 2022 la France à un travail à faire sur l’inclusion et la diversité. Il y a des enjeux sociaux comme la question du flux migratoire. Mais aussi, sur l’environnement, la question n’est plus de savoir comment l’arrêter, mais comment on va s’adapter au changement climatique, qui aura des répercussions économiques et des vagues de réfugiés climatiques ».

Pour Camille Cottais, « les enjeux importants pour les Français aujourd’hui, c’est le pouvoir d’achat, l’environnement, les inégalités entre riche et pauvre. Et non pas l’immigration ou le voile… On veut un gouvernement qui respecte tout le monde, dont les populations marginalisées ».

Quelques-uns des programmes politiques diffusés durant la campagne électorale. Crédit image : Lila Mouch

Une autre préoccupation que les Français d’ici observent est la montée des extrêmes. Pour eux, c’est inquiétant. Pour beaucoup de nos sondés, le système est bancal, des alliances devraient se former, des personnalités comme Eric Zemmour font peur, les programmes ne sont pas clairs ou encore, il risque d’y avoir encore beaucoup d’abstentions. Toutes ses remarques récoltées, traduisent d’une perte de confiance dans un système politique qui peine à toucher ses citoyens expatriés. 66,7 % des participants trouvent que le panel des candidats ne représente pas les Français.

Clara Reid de Thunder Bay n’ira pas voter. Pourtant l’élection présidentielle est importante aux yeux de cette étudiante. « Quel dommage que les Français de l’étranger ne puissent pas voter sans se déplacer au consulat, même pour établir une procuration. Quand on habite à 1000 km et à 8 heures de route minimum des bureaux de consuls honoraires, il est difficile de ne pas se sentir exclu du vote. »