La publicité fédérale dans les médias poursuit sa baisse

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OTTAWA – Les années se suivent et se ressemblent pour les médias qui ont vu la publicité du gouvernement fédéral poursuivre son déclin. Une tendance qui inquiète les médias francophones en situation minoritaire, d’autant que le gouvernement privilégie nettement le numérique, selon les données du rapport annuel sur les activités de publicité du gouvernement du Canada, publié le mercredi 31 janvier.  

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

En 2016-2017, le gouvernement a dépensé 36,1 millions de dollars en publicité. Une somme considérable, mais qui ne cesse de diminuer. Un an auparavant, la somme était de 42,2 millions de dollars, en baisse par rapport aux 68,7 millions de dollars de 2014-2015.

À l’époque, le ministère des Services publics et de l’Approvisionnement justifiait la réduction par la suspension obligatoire de la publicité pour l’élection fédérale. Mais cette année, même sans campagne, le budget a diminué de plus de 15 %.

« C’est une tendance lourde et donc ça ne me surprend pas vraiment. Pour la prochaine année, on s’attend à un investissement total annuel de moins de 75 000 dollars pour nos 27 radios membres », prévoit François Coté, directeur général de l’Alliance des radios communautaires (ARC) du Canada.

Il illustre l’impact des chiffres sur le terrain en citant la probable disparition de la radio francophone CKRP, à Rivière-la-Paix en Alberta.

« On vit l’impact de cette baisse tous les jours », renchérit le président de l’Association de la presse francophone (APF), Francis Sonier.

Le numérique domine

Pour la première fois, les dépenses en publicité numérique du gouvernement représentent plus de la moitié de l’enveloppe totale, soit 54,7 %. Les placements dans les médias sociaux ont atteint 23,3 %. Le ministère justifie cette stratégie en expliquant qu’il s’agit d’une « façon rentable de joindre les Canadiens dans la langue officielle de leur choix, peu importe où ils habitent ».

« Je pense pourtant que les médias traditionnels restent le meilleur moyen de rejoindre les gens. Ils ont prouvé leur efficacité », pense M. Coté.


« Qui voit les publicités sur Facebook? Sans compter qu’il y a de plus en plus d’outils pour bloquer la publicité en ligne » – François Coté, ARC du Canada


Dans ce sombre tableau, les médias de langue officielle en situation minoritaire enregistrent toutefois une légère hausse de la publicité fédérale par rapport à l’année précédente, de 460 065 $ en 2015-2016 à 505 642 $ en 2016-2017.

« Mais c’est une hausse minime si on pense qu’elle se répartit entre une centaine de radios et de journaux », nuance le directeur général de l’ARC du Canada.

La pression se resserre sur le gouvernement

La situation des médias, notamment celle des médias communautaires, inquiète plusieurs élus à la Chambre des communes. Après le comité permanent du patrimoine canadien en juin dernier, le comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires y est lui aussi allé de plusieurs recommandations, dans un rapport déposé en décembre.

Parmi celles-ci, les membres du comité demandent au gouvernement « d’augmenter la publicité dans les journaux hebdomadaires, multiculturels et communautaires et dans d’autres médias locaux de manière à respecter la directive selon laquelle les communications doivent être adaptées aux besoins variés du public en matière d’information. »

De quoi nourrir un certain optimisme?

« C’est sûr qu’on ne reviendra pas à la situation d’il y a dix ans, mais nous avons l’appui de plusieurs comités et du Commissariat aux langues officielles du Canada et il semble aujourd’hui y avoir une plus grande sensibilité de la part du gouvernement », juge M. Sonier.

Solutions alternatives

Dans une lettre ouverte datée du 4 janvier, cosignée avec le Quebec Community Newspapers Association, l’APF et l’ARC du Canada ont lancé un « appel à la coopération pour sauver les médias communautaires ». Les deux organismes, qui représentent les radios et journaux francophones en milieu minoritaire, veulent trouver des solutions avec le gouvernement.

En entrevue avec le quotidien Le Soleil, il y a quelques jours, le premier ministre Justin Trudeau s’est dit inquiet de la situation vécue par les médias et a indiqué que son gouvernement étudie la possibilité d’une aide fédérale dès le prochain budget.

« Ça nous prend du financement de base. Un programme d’appui aux médias communautaires serait une bonne solution. Il y a de moins en moins d’argent dans nos communautés et nous sommes plusieurs organismes à devoir faire des collectes de fonds pour survivre. Ça devient compliqué », remarque M. Coté.

M. Sonier se montre prudent.

« Après des mois d’attente, les paroles de M. Trudeau, puis de la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, rappelant l’importance de l’information locale et régionale sont encourageantes. Mais comme on n’a aucun détail sur ce qui est envisagé, on a de la difficulté à se réjouir. »

L’équipe de Mme Joly assure que la ministre prend la situation au sérieux.

« Un contenu journalistique local est essentiel à une démocratie saine. Cependant, toutes nos actions devront respecter l’indépendance journalistique.‎ Nous avons toujours été clairs : nous n’allons pas soutenir les modèles qui ne sont plus viables. ‎Nous appuyons déjà les médias locaux via le Fonds des périodiques du Canada et nous modernisons actuellement ce fonds pour mieux appuyer les médias locaux dans leur transition vers le numérique. De plus, nous présenterons sous peu un Plan d’action qui va défendre et promouvoir avec vigueur nos deux langues officielles. »


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