La rémunération, une des raisons du désintérêt pour la fonction de maire
À quelques jours des élections municipales de l’Ontario, les noms du tiers des maires en lice sont déjà connus, et ce sans passer par la case urne. Toutefois, ce n’est pas là une surprise, car d’élection en élection, le nombre de maires élus par acclamation ne cesse d’augmenter par défaut de candidats, surtout dans les petites municipalités. Les salaires bas proposés pour cette fonction constitueraient l’une des plus importantes raisons de ce désintérêt croissant. Éclairage.
« Ça serait bien d’avoir un barème qui fixe à l’échelle provinciale les taux des salaires au lieu que cela soit décidé indépendamment par chacune des municipalités », juge Geneviève Tellier, professeure titulaire École d’études politiques à l’Université d’Ottawa.
En effet, il n’existe aucune échelle salariale à l’échelle provinciale qui détermine la rémunération des maires, puisqu’il revient aux conseils de chaque municipalité d’apprécier les salaires ou les honoraires de leurs maires.
Le grand écart
Ce système de rémunération en vigueur dans la province a pour conséquence des écarts énormes entre les 444 municipalités que compte la province avec un facteur multiplicateur qui peut aller jusqu’à 30.
« Le niveau de rémunération des maires, comme celui des conseillers municipaux est laissé à chaque conseil municipal », fait remarquer Stéphane Émard-Chabot, avocat à la Fédération des municipalités de l’Ontario et professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa.
« Cela varie de 0 à des centaines de milliers de dollars selon la ville. On discute souvent de la création d’une commission indépendante qui aurait le mandat de fixer les salaires des élus municipaux. Cela va permettre, également, d’éviter les conflits d’intérêts. »
Et d’ajouter : « Malheureusement, on ne fait que discuter et je pense qu’il est grand temps de passer à l’action. »
Dans les faits, la fonction de maire en Ontario est rémunérée soit en salaire de base annuel fixe, soit en honoraires travaillés, auxquels s’ajoutent des allocations ou des sommes compensatoires. Toutefois, selon l’Association des directeurs, greffiers et trésoriers municipaux de l’Ontario (AMCTO), aucune municipalité n’a de maire qui travaille en total bénévolat.
Seuls 14% des maires de l’Ontario travaillent à temps plein
À en croire les résultats d’une étude réalisée par la même association en 2018, seulement 14 % des maires ontariens travaillent à temps plein.
Plus que cela, le fait qu’un maire travaille à temps partiel ou pas est étroitement corrélé au nombre d’âmes qu’abrite sa municipalité. D’après les données récoltées par l’AMCTO, tous les maires des municipalités de plus de 250 000 habitants travaillent à temps plein, contre 91 % pour les villes de plus de 100 000 habitants et 50 % pour celle de plus de 50 000 habitants.
À l’inverse, ce taux n’est que de 2 % dans les cantons qui enregistrent entre 5 000 et 25 000 citoyens. Quant aux communes qui comptent moins de 5000 habitants, elles paient toutes leurs élus par réunion. En somme, plus la population d’une région est importante et plus son maire est susceptible de travailler à temps plein et l’inverse est tout aussi vrai.
La plupart des maires gagnent moins de 40 000 $ par an
Si seulement 14 % des maires ontariens travaillent à temps plein, ils sont en revanche 44 % à être payés en salaire, et ceux qui le sont touchent pour la plupart une somme annuelle inférieure à 40 000 $. Cela écrit, partout dans la province, les maires sont systématiquement mieux payés que les autres membres du conseil.
« Dans plusieurs villes, le poste de maire n’est pas un emploi à temps plein et parfois il est très peu rémunéré. Cela veut dire que les personnes qui deviennent maires de ces villes sont déjà à l’aise financièrement, et les gens qui ont les moyens de faire cela n’ont pas nécessairement le même profil que les électeurs », explique Luc Turgeon, professeur agrégé d’études politiques à la Faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa.
« Si on veut avoir des élus de qualité, il faut créer un système qui les attire » – Luc Turgeon
M. Émard-Chabot va plus loin : « Même dans les grandes villes, le salaire du maire, pour quelqu’un qui a une carrière qui doit abandonner pour occuper cette fonction, bien souvent cela représente pour lui une baisse de salaire souvent conséquente et cela décourage des candidats. Donc si on veut avoir des élus de qualité, il faut créer un système qui les attire et cela passe par le salaire », recommande-t-il.
Quant à la question qui brûle beaucoup de lèvres, à savoir combien touche le maire de la plus grande ville de la province, le conseil de la ville déclare un salaire annuel au centime près de 202 948,20 $ pour John Tory, soit presque autant que le premier ministre de la province.