La traduction au cœur de l’avenir des langues officielles
OTTAWA – Dans son projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada préconise que le Bureau de la traduction dépende du Conseil du Trésor et surtout, que ses services soient obligatoires pour toutes les institutions fédérales.
La question serait actuellement à l’étude, du côté du gouvernement. Car depuis le début des années 90, les ministères et institutions fédérales n’ont plus l’obligation de passer par le Bureau de la traduction. Avec des conséquences qui peuvent être cocasses, comme l’ont souvent démontrées les exemples de traductions très malheureuses sur le site internet d’appel d’offres du gouvernement fédéral.
Le président-directeur général du Bureau de la traduction, Stéphane Déry, se montre toutefois prudent.
« Nous aussi, il nous arrive de faire des erreurs de traduction, même si on essaie toujours de les minimiser, car travailler avec le Bureau de la traduction doit être un gage de qualité. »
Selon les chiffres avancés par M. Déry, actuellement 70 % de la traduction gouvernementale est assurée par son institution.
Récemment, une entente a été conclue pour que les agents d’approvisionnement du ministère des Services publics et Approvisionnement puissent faire traduire par des traducteurs du Bureau de la traduction les titres des appels d’offres à publier sur le site Achatsetventes.
« De plus, Services publics et Approvisionnement Canada rappelle à son personnel de l’approvisionnement ainsi qu’aux autres ministères l’importance des obligations qui leur incombent en vertu de la Loi sur les langues officielles et du contrôle de la qualité des documents traduits qui sont publiés sur Achatsetventes.gc.ca », indique le ministère à ONFR+.
Une évidence
Pour Louis Fortier, jurilinguiste et président de l’Association canadienne des juristes-traducteurs (ACJT), la proposition de la FCFA est une évidence.
« C’est absolument nécessaire! Le Bureau de la traduction doit retrouver son monopole et ne plus dépendre d’aucun ministère. C’est la condition sine qua none pour un pays fondé sur deux langues officielles, deux cultures et deux systèmes de droit. Le bilinguisme, c’est notre marque de commerce. Il faut de nouveau tenir compte du caractère identitaire et culturel de la traduction. »
Échec de la privatisation
Selon lui, la tentative de mettre en concurrence le Bureau de la traduction avec des entreprises privées a fait la preuve de son échec.
« Ça a conduit les ministères à faire appel au plus bas soumissionnaire et donc, à des pigistes moins bien payés, à qui on donne plus de travail à faire en moins de temps. Pour faire des économies, on a détruit des effectifs de traducteurs chevronnés! »
« Il faut profiter de l’occasion offerte par la modernisation de la Loi sur les langues officielles » – Louis Fortier, président de l’ACJT
L’Association canadienne des employés professionnels (ACEP) juge que la remise en place d’un Bureau de la traduction obligatoire réglerait bien des problèmes.
« Au fil des années, on a vu une détérioration de la qualité de la traduction, faute d’un contrôle rigoureux. Le Bureau de la traduction doit être celui qui gère toutes les traductions, avec toutes les ressources financières et humaines nécessaires. Il possède des traducteurs de carrière, des experts spécialisés dans leur domaine. Il y a un décalage avec des fournisseurs privés », explique la directrice des communications de l’ACEP, Katia Thériault.
Cette proposition reçoit également le soutien de l’Association Internationale des Interprètes de Conférence (AIIC).
Revenir à un modèle de service obligatoire reste une décision du gouvernement, insiste M. Déry, qui refuse de se prononcer.
« Le Bureau de la traduction a été obligatoire de 1934 à 1993, cela démontre que c’est possible. Et nous serons prêts, si c’est le choix du gouvernement. Mais ce n’est pas à moi de faire de telles recommandations. »