L’amour à distance quand les frontières se ferment, le récit de trois Franco-Ontariens

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Luc Ethier et son conjoint résident à quelques kilomètres l’un de l’autre. Mais depuis quatre mois, ils ne se sont pas vus. Lui travaille à Windsor, tandis que son compagnon vit à Détroit. Entre eux, la rivière synonyme de délimitation entre le Canada et les États-Unis est infranchissable dans ces temps de COVID-19. Les gouvernements viennent d’annoncer le maintien de la fermeture de la frontière pour les voyages non essentiels au moins jusqu’au 20 août.

Las d’attendre, Luc Ethier se rendra à Détroit dans quelques semaines. Un voyage qui s’effectuera par avion, en raison de la fermeture de la frontière terrestre. Les Canadiens restent autorisés à voyager aux États-Unis par voie aérienne.

Avant de rester dans le Michigan «au moins un mois», le périple ne sera pas de tout repos.

«Je vais devoir prendre un avion pour Toronto, et de là reprendre un avion pour Détroit. Mon conjoint ira me chercher à l’aéroport.»

Au retour au Canada, il faudra se mettre en quarantaine. «Mon employeur se montre compréhensif de la situation. Je pourrai travailler de la maison.»

Luc Ethier (à droite) et son conjoint. Gracieuseté

La séparation justifie les heures de vol. «C’est difficile. J’aime le surprendre par des FaceTime surprise. Peut-être me trouve-t-il tannant. Nous parlons beaucoup de projets, de ce que nous allons faire quand tout sera fini, comme faire des cours de danse ou bien voyager.»

Une résolution à long terme: vivre ensemble dans le même pays. «La pandémie démontre que la gouvernance est bien meilleure au Canada, mais nous souhaiterions tout de même travailler à Détroit.»

Un mariage annulé

S’aimer à distance, c’est aussi le défi de la Franco-Torontoise Charlotte Bédard. «Mon fiancé est américain et vit en Pennsylvanie. On devait se marier le 2 mai, mais nos projets se sont arrêtés avec la fermeture des frontières en raison du coronavirus.»

Depuis février, date des derniers moments passés ensemble, le temps est long pour Charlotte Bédard.

«Je perds l’espoir que les frontières vont rouvrir, surtout lorsque je vois les chiffres d’infection. Depuis mars, l’ouverture de la frontière est sans cesse repoussée. C’est décourageant. Au début, j’étais accrochée à l’actualité tous les jours pour voir l’évolution de la crise, mais maintenant j’évite, car ça affecte mon moral.»

Et d’ajouter: «Les raisons pour lesquelles on veut se marier, c’est qu’il puisse venir au Canada. Les frontières sont ouvertes pour les gens qui sont mariés.»

En attendant, autant prendre son mal en patience.

«On s’envoie des messages durant la journée et le soir, on s’appelle par Skype. On laisse allumer, même si on ne se parle pas, pour dire d’être ensemble.»

Charlotte Bédard et son fiancé. Gracieuseté

La fermeture de la frontière plonge des centaines de couples dans l’incertitude. Mais des parents et enfants sont aussi séparés.

À Barrie, Melissa Bahl ronge son frein pendant que ses parents résident en Pennsylvanie. Depuis le temps des fêtes, elle ne les a pas revus. «On devait aller les voir pendant le congé de mars, mais ça ne s’est pas fait à cause de la pandémie. C’est la première fois que je reste autant de temps sans les voir.»

Mère de trois enfants, de cinq ans, trois ans et seize mois, Melissa Bahl mesure aussi le défi de la distance.

«On communique par FaceTime ou Zoom. Ce n’est de toute manière pas possible pour eux de venir ici. Pour nous, on peut y aller par avion, mais au retour au Canada, cela nous oblige à rester deux semaines en quarantaine!»

Ce vendredi, cette mère de famille recommence son travail de dentiste. Une profession qui n’autorise pas le travail à la maison.

Bien que la Pennsylvanie compte près de 100 000 cas de COVID-19, Melissa Bahl ne s’inquiète pas outre mesure pour ses parents. «Mon père peut travailler de la maison, et ma mère ne travaille pas. Ça me rassure!»

Favorables à la fermeture de la frontière

La frontière canado-américaine doit-elle rester fermée? Nos trois intervenants sont unanimes.

«Je vais juste le croire quand la frontière sera ouverte, mais je comprends», résume Charlotte Bédard.

«Je comprends pourquoi le gouvernement le fait, et que c’est pour la santé des Canadiens», analyse pour sa part Melissa Bahl. «Je suis contente qu’il n’y ait pas beaucoup de personnes au Canada qui ont été contaminées!»

Entre les 109 264 cas au Canada [selon les chiffres publiés ce jeudi], et les quelque 3,4 millions aux États-Unis, l’écart est aujourd’hui faramineux. Une différence que la population beaucoup plus faible du Canada n’explique pas.

«Je suis pour la fermeture de la frontière», plaide Luc Ethier. «Il y a eu un état, aux États-Unis, qui a enregistré plus de nouveaux cas il y a quelques jours que dans le reste du monde. Vraiment, la gouvernance est meilleure ici au Canada.»