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Crédit image: Stéphane Bédard

OTTAWA – Les ministères fédéraux démontrent « des lacunes importantes » concernant l’utilisation de l’anglais et du français dans la fonction publique, note le Conseil du Trésor dans un rapport qui dresse une détérioration du bilinguisme dans divers domaines au cours des récentes années.

Des réunions seulement en anglais, un nombre de hauts administrateurs ne communiquant pas dans les deux langues officielles et encore moins de formations linguistiques accessibles sont les problématiques qui se sont aggravées dans les trois dernières années dans les institutions fédérales.

« Si, en général, elles peuvent s’acquitter au quotidien de leurs responsabilités en matière de langues officielles, force est de constater qu’elles présentent cependant encore des lacunes quant à la pleine conformité à la Loi sur les langues officielles », dresse-t-on comme portrait dans le rapport annuel sur les langues officielles 2022-2023.

Ce rapport compile les réponses des institutions fédérales qui doivent soumettre un bilan sur les langues officielles au moins une fois tous les trois ans. Selon le Conseil du Trésor, qui a sondé l’ensemble des 64 organisations fédérales, il existe toujours plusieurs lacunes dans divers aspects reliés aux langues officielles. Par exemple, en 2020, 71 % des institutions affirmaient que la haute direction communiquait de façon régulière dans les deux langues officielles avec les employés alors que ce nombre chute à 61 % en 2023.

Concernant la langue de travail, l’objectif de 90 % institué par le Conseil du Trésor n’est atteint à aucune reprises sur les huit exigences énoncées ce qui démontre « des lacunes importantes qui persistent » dans ce domaine. Le ministère soutient aussi un manque de leadership dans la haute direction pour « contribuer au bilinguisme de la fonction publique fédérale ».

« Trop peu d’employés estiment pouvoir exercer leur droit de préparer des documents, de participer à des réunions ou de recevoir de la formation dans la langue officielle de leur choix », donne-t-on en exemple, indiquant que la moitié des institutions ne mènent pas toujours des réunions en anglais et français.

Le Conseil du Trésor note que le quart des institutions fédérales doivent en faire davantage pour inclure des clauses linguistiques lors d’accord avec des tiers et qu’une institution sur six ne respecte pas l’obligation d’offrir un service actif dans les deux langues officielles.

La capacité bilingue des fonctionnaires n’est toutefois pas le problème, soutient-on, car 95 % des fonctionnaires de l’administration centrale respectent les exigences linguistiques. La communication avec le public et les services offerts en anglais et français se sont améliorés de leur côté, l’ensemble des exigences ayant obtenu une meilleure note par rapport à 2020.

Moins de formation offerte et plus de fonctionnaires unilingues

Comparativement à 2017 à 2020, les institutions affirment respecter de moins en moins (de 78 % en 2020 à 74 % en 2023) les exigences linguistiques des postes bilingues au moment de l’embauche. De 2020 à 2023, seule une institution fédérale sur deux indique s’être « presque toujours » assurée d’offrir des cours de français ou d’anglais à ses employés pour la progression de leur carrière, en chute (de 58 % à 51 %) par rapport à 2017-2020. 54 % des organisations fédérales affirment en 2023 offrir les outils nécessaires pour l’utilisation de la langue seconde, une baisse de 14 points de pourcentage par rapport à 2020.

Anita Anand
La présidente du Conseil du Trésor Anita Anand. Crédit image : Stéphane Bédard

La ministre Anita Anand a d’ailleurs annoncé hier un nouveau cadre de formation linguistique. Le Conseil du Trésor souligne justement que les ministères doivent en faire plus « pour maintenir un environnement de travail propice à l’utilisation des deux langues officielles » et « fournir aux employés les outils nécessaires pour réussir sur le plan linguistique ».

« C’est difficile d’expliquer toutes les raisons pour lesquelles (ça décline) », a offert comme explication Mme Anand, convenant que « bien sûr, il y a beaucoup de travail à faire partout au pays » pour améliorer la formation linguistique des fonctionnaires.

Le chef du Bloc Québécois Yves-François Blanchet estime de son côté « qu’un petit morceau à la fois, qu’un fonctionnaire à la fois », le gouvernement contribue à faire reculer le français.

« Comme la proverbiale grenouille dans le chaudron dont la température monte et monte et qu’on lui dit ‘non, non grenouille, ne t’inquiète pas grenouille, ça va bien’. Et bien à un moment donné, elle va être cuite la grenouille » , image-t-il.

Le porte-parole en Langues officielles dans l’opposition officielle Joël Godin trouve que des éléments du rapport sont inquiétants, mais qu’il est « caduc », car il ne prend pas en vigueur l’entrée en vigueur de la Loi sur les langues officielles.

« Tous les ingrédients sont là pour démontrer que la volonté et l’intention du gouvernement n’est pas de freiner le déclin du français au Canada », constate le député conservateur.