Justin Serresse est l'entraîneur en chef de l’équipe masculine de basket-ball de l’université Wilfrid-Laurier depuis 2016. Gracieuseté.

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI?

Justin Serresse est l’entraineur en chef et le directeur général de l’équipe masculine de basket-ball de l’université Wilfrid-Laurier. Ce technicien franco-ontarien est aussi entraîneur adjoint au sein de l’équipe nationale canadienne des moins de 19 ans depuis trois ans. 

LE CONTEXTE

L’équipe nationale de basket-ball masculine du Canada a terminé à la troisième place lors de la Coupe du Monde aux Philippines avec une victoire pour la médaille de bronze face aux États-Unis. Il s’agit de la première médaille sur la scène internationale pour le Canada qui voit le basket-ball grandir à vitesse grand V au pays.

L’ENJEU

Au cœur de la formation des jeunes talents canadien, Justin Serresse revient sur le parcours exceptionnel de la sélection nationale, comment il s’en est servi auprès de ses joueurs et l’impact que peut avoir un tel résultat sur le basket canadien à l’avenir. 

« Quel est votre avis sur cette médaille de bronze canadienne? 

Franchement, je n’ai pas été étonné par rapport à leur potentiel. On savait qu’ils avaient mis en place une équipe intéressante. Ils ont vraiment réussi à bien définir les rôles au sein de l’équipe. L’équipe était bien équilibrée. Ils avaient beaucoup d’armes sur les postes extérieurs en attaque comme en défense. Ils pouvaient jouer différents styles de jeu tout en étant toujours physiques. Au-delà des joueurs majeurs, Nikeil Alexander Walker a vraiment rempli son rôle en sortie de banc à merveille en permettant d’écarter le jeu par son adresse à 3-points et en étant excellent également en défense. Il m’a vraiment surpris à ce niveau-là. 

Comment avez-vous vécu la compétition? 

C’est difficile de regarder les matchs comme un fan lorsque vous êtes entraîneur. C’est pour ça que parfois j’aime regarder d’autres sports pour être détaché de cette vision d’expert qui analyse sans cesse les systèmes, les ajustements, etc. C’est pratiquement impossible pour moi de regarder le basket de cette manière maintenant que je suis entraîneur depuis plus de 14 ans. Je l’ai vraiment suivi en mode technicien en regardant les ajustements, les décisions des autres entraîneurs, leurs rotations… 

Vous êtes né à Rouen en France mais vous avez un parcours ontarien long de 17 ans entre Sudbury, Ottawa et Waterloo et la nationalité canadienne depuis deux ans maintenant. Supportiez-vous la France ou le Canada lors du match d’ouverture entre les deux nations? 

Par rapport au Canada, je suis vraiment fan du programme parce qu’ils m’ont donné une chance de travailler avec eux et je suis en plus devenu canadien depuis 2021. Quand il y a eu ce match Canada-France, c’était un peu compliqué mais j’avais quand même plus d’attaches du côté canadien car il y avait des joueurs que j’ai entraînés comme Zach Edey que j’avais eu avec moi aux Championnats du monde des moins de 19 ans, il y a trois ans. J’ai aussi de très bons amis proches qui font partie du staff de l’équipe canadienne donc il y a un côté un peu plus personnel. 

En équipe de France, je suis plus fan des joueurs et je suis un peu patriotique mais je n’ai pas d’amitié, je ne connais personne de manière personnelle au sein de l’équipe. Du coup, comme je fais partie du projet de l’équipe canadienne, que j’ai gagné des médailles avec eux, je suis plus Team Canada. Et Team France quand le Canada n’est pas impliqué. De manière générale, je suis aussi et surtout fan du beau jeu.

Est-ce que vous avez senti un engouement chez vos joueurs pour cette compétition internationale? On sait que les jeunes sont souvent plus attirés par la NBA

J’ai fait des sessions avec mes joueurs lors des matchs de 8h40. On les regardait et on les analysait ensemble. J’ai fait un match du Canada et celui entre l’Allemagne et les États-Unis. Par rapport à l’engouement, je pense que les horaires n’ont pas contribué à ce que la compétition et les matchs soient très médiatisés. 

À quel point est-ce important pour vous d’utiliser les compétitions internationales comme celle-ci pour sensibiliser vos joueurs au jeu FIBA (règles du basket international qui sont différentes de la NBA)?

Vu qu’on utilise les règles internationales ici, pour moi les compétitions FIBA comme l’Euroligue mais surtout les compétitions internationales comme l’Eurobasket, les Championnats du monde et les Jeux olympiques sont des choses primordiales pour mon équipe. Ils doivent s’y intéresser afin de s’éduquer. Il y a des joueurs dans les compétitions européennes par exemple qui ne sont pas toujours mis en avant surtout dans des nations comme la Lettonie, l’Allemagne, la Serbie ou encore la Slovénie. Il y a beaucoup de joueurs des ligues européennes peu suivies en Amérique du Nord mais c’est normalement le style de basket qu’on joue ici. C’est donc très important de suivre ces compétitions. 

Pensez-vous que cette médaille de bronze puisse avoir un impact sur une augmentation de la pratique du basket dans le pays à l’image du titre des Raptors en 2019 ou de la « génération Vince Carter  » des années 2000? 

C’est plus dans la continuité de ce qui est déjà en train de se passer. Le basket prend de l’ampleur depuis que je suis arrivé au Canada, dans tous les domaines que ce soit au lycée, dans les écoles préparatoires et même les clubs avec les équipes AAU qui voyagent partout aux États-Unis. Il y a aussi un essors des entraîneurs spécialisés dans le développement. On a même de plus en plus de gens qui veulent travailler dans le basket sans y avoir joué par le passé en devenant spécialistes des statistiques par exemple. Quand tu es dans l’industrie, tu as vraiment cette sensation que de plus en plus de monde se passionne pour le sport et veut travailler dedans sans faire partie de ce monde au départ. 

Il y a une ligue professionnelle, la CEBL, qui s’est installée, les Raptors qui ont gagné leur titre. Pour moi, cela ne va pas avoir un impact immédiat dans la croissance du sport parce qu’avec ou sans, le sport est déjà en grande croissance. Même si les Championnats du monde sont un grand événement, pour moi les Jeux olympiques restent le moment phare. Je pense qu’une médaille olympique, en revanche, ferait encore plus de bien à la croissance. Ce parcours en Coupe du monde n’est pas à minimiser mais je pense que cela reste une première étape vers quelque chose de plus grand en 2024. »