« Le bilinguisme est mort à l’Université Laurentienne »

Carol Jolin, président de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario. Source: Twitter

SUDBURY – Que ce soit dans le monde de la santé, de l’éducation ou dans le monde culturel, la nouvelle des coupes de l’Université Laurentienne est venue ébranler toute la communauté franco-ontarienne. « Un carnage » pour plusieurs et « la fin du bilinguisme » à La Laurentienne pour l’AFO, l’inquiétude ramène de mauvais souvenirs des crises du passé.

Pour l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) en entrevue pour ONFR+, c’est le résultat d’un processus qui a été géré comme une « business ».

« C’est une autoroute pour l’assimilation qu’on voit dans le Nord », dit le président de l’AFO, Carol Jolin.

« Ça nous dit que le bilinguisme est mort à l’Université Laurentienne, plus de la moitié de la programmation en français a disparu même en considérant qu’un étudiant sur cinq étudie en français. On voit ce que l’Université a choisi de faire. Ils deviennent ni plus ni moins une université de langue anglaise avec quelques programmes de langue française », renchérit M. Jolin.

Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Carol Jolin. Archives ONFR+

L’AFO demande aux deux paliers de gouvernement d’imposer un moratoire d’un an sur afin de mettre un plan en place pour transférer la programmation francophone à l’Université de Sudbury.

« Il faut qu’on ait le temps de s’asseoir avec les gouvernements pour avoir une réflexion sur la pérennité des cours dans le Nord, car on ne peut pas laisser ça comme ça. Il faut créer une université autonome et qu’il y ait un financement partagé entre le gouvernement de l’Ontario et du Canada pour assurer la transformation de l’Université de Sudbury », explique Carol Jolin.

L’annonce rappelle pour certains les crises du passé comme celle des coupes du gouvernement Ford en 2018 et la crise à l’Hôpital Montfort en 1997. L’hôpital se dit d’ailleurs « préoccupé par les coupures dans les formations en français en soins de santé » dans les programmes de nursing, sage-femme et promotion de la santé.

« L’annonce faite aujourd’hui est alarmante et désolante… surtout à la lumière des besoins en main-d’œuvre qualifiée et francophone en santé, des besoins qui sont criants en ce moment et dont la demande va se poursuivre après la pandémie. »

En arts, la fin du programme de théâtre à l’Université est vue comme un coup de massue dans le monde culturel franco-ontarien.

« Malheureusement, le programme de théâtre est parmi ceux qui sont passés sous la hache. Nous avons le cœur brisé (…) quoiqu’il advienne aujourd’hui, nous ne baissons pas les bras. Nous serons toujours là pour poursuivre la lutte pour avoir notre université à Sudbury, créée par, pour et avec nous, pour assurer notre avenir meilleur », indique le Théâtre du Nouvel-Ontario sur Facebook.

À l’Université d’Ottawa, on demande aux différents paliers gouvernementaux de revoir et d’accroître le financement des universités francophones ou bilingues en milieu minoritaire.

« Nous nous inquiétons des conséquences de cette restructuration pour les étudiantes et les étudiants qui ont choisi l’Université Laurentienne et pour les membres du corps enseignant et du personnel de soutien qui œuvrent au sein de l’établissement. »

« Un lundi noir »

Au Regroupement des étudiants franco-ontariens (RÉFO), on se dit « choqué, fâché et très très déçu » de la nouvelle qui est tombée.

« C’est un lundi noir, c’est dans la même veine que ce qu’on a connu dans les grandes crises de la communauté francophone de l’Ontario. Pour les gens du Nord, c’est un carnage dont l’impact va se faire sentir pendant des décennies (…), C’est évident que l’annonce d’aujourd’hui restera longtemps gravée dans les mémoires », avance le directeur général du RÉFO, François Hastir.

Pour l’opposition néo-démocrate, il est grand temps que le gouvernement agisse dans le dossier en venant en aide à l’Université.

« C’est un carnage », lâche au bout du fil la députée de Nickel Belt, France Gélinas.

« On a un gouvernement qui n’a même pas levé le petit doigt et qui n’a pas dit un mot pour protéger nos droits comme francophones à une éducation universitaire en français dans une institution désignée par la Loi sur les services en français. »

La députée néo-démocrate de Nickel Belt France Gélinas. Archives ONFR+

Dans une déclaration via courriel, le bureau de la ministre du Développement économique et des Langues officielles Mélanie Joly affirme être « préoccupée par le dossier de l’Université Laurentienne ». Son bureau signale toutefois qu’une demande de financement doit venir de la part du palier provincial avant que le fédéral puisse intervenir.

« Tel qu’indiqué dans notre réforme de la Loi sur les langues officielles, nous allons continuer d’appuyer les institutions clés aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, car l’avenir de nos deux langues officielles passe par des communautés fortes et épanouies. Le gouvernement du Canada est prêt à travailler avec ses collègues des provinces et des territoires pour y arriver, puisque l’éducation relève de leur juridiction. »

Par et pour les francophones

Pour le RÉFO, cette annonce signifie qu’il est plus que temps pour les francophones de s’approprier les institutions postsecondaires dans la langue de Molière sous une gouvernance pour, par et avec les francophones.

« Dans les institutions bilingues, ce sont les communautés francophones qui écopent lorsqu’il y a des coupes à faire. Ça démontre toute l’importance d’aller chercher une gouvernance pour, par et avec les francophones pour avoir des institutions qui comprennent nos réalités et qui nous pénalisent pas systématiquement lorsqu’il y a des moments difficiles », affirme M. Hastir.

Pour la Coalition Nord ontarien pour une université francophone, cette annonce signifie que les programmes doivent être transférés à l’Université de Sudbury.

« Une institution universitaire de langue française est indispensable à notre région », affirme le porte-parole de la Coalition, Denis Constantineau. « C’est pourquoi la Coalition va poursuivre son travail avec l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, le Regroupement des professeurs francophones, le Regroupement étudiant franco-ontarien, la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne et ses autres partenaires pour assurer la sauvegarde et la poursuite de programmes d’études universitaires en français dans le Moyen-Nord. »