Le départ de « l’ami des francophones »
[ANALYSE]
TORONTO – Depuis vendredi, le siège de député de Tim Hudak est vacant. L’élu de Niagara West-Glanbrook a quitté la vie politique sur la pointe des pieds. Car c’est sans doute il y a deux ans que l’ancien leader du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario (Parti PC) est mort politiquement.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
Pour Tim Hudak, il y aura toujours un avant et un après le 12 juin 2014, date des élections provinciales en Ontario perdues par son parti. Avant, ce titulaire d’une maitrise d’économie affichait un parcours presque parfait : député à 27 ans, étoile montante du gouvernement de Mike Harris, chef de son parti à 41 ans en 2009… qu’il a finalement mené à deux défaites (2011 et 2014).
Réélu malgré tout dans son comté lors de la dernière élection, Tim Hudak n’était devenu que l’ombre de lui-même, officieusement réduit par son parti au mutisme sur les bancs de Queen’s Park.
La soudaine chute de Tim Hudak est à l’image de lui-même : difficile à comprendre. L’ex-chef du Parti PC reste l’une des figures les plus complexes de la politique ontarienne contemporaine.
M. Hudak n’est pas à un paradoxe près. Tout d’abord, un homme que d’aucuns décrivent comme chaleureux et sympathique, mais manifestement incapable de matérialiser ce capital sympathie lors des deux campagnes électorales. Ensuite, on peut s’interroger d’avoir vu cette économiste de formation flirter avec des messages vides de substance au niveau de la création d’emplois, et dénoncés même dans son propre camp.
Ses collègues progressistes-conservateurs auraient pu volontiers lui pardonner ses « zones d’ombres » si Tim Hudak avait mené le parti à la victoire. En 2011, et en 2014 plus encore, la victoire semblait à priori servie sur un plateau d’argent tant les libéraux étaient décriés : un déficit budgétaire record, des scandales à répétition…
Force est d’admettre que l’élu de Niagara West-Glanbrook a multiplié les gaffes. D’abord, lors de la campagne de 2011, en s’opposant à l’idée de Dalton McGuinty d’embaucher des travailleurs étrangers. Trois ans plus tard, en annonçant des coupures de 100 000 emplois dans la fonction publique, et en refusant de financer la seconde phase du train léger à Ottawa.
Les candidats locaux du parti, Andrew Lister (Ottawa-Orléans), Roxane Villeneuve-Robertson (Glengarry-Precott-Russell) ou encore Matt Young (Ottawa-Sud) en ont payé les frais. Impardonnable pour un leader provincial en campagne.
Faut-il pour autant voir Tim Hudak comme l’unique responsable de ces déroutes? Pas tout à fait. Le jeune politicien a hérité en 2009 d’un parti plus écartelé que jamais entre la frange des « Landowners » illustrée par Randy Hillier et les plus modérés comme Steve Clark. Le défi est bien souvent immense pour réunir ces courants lorsque vient le temps de dévoiler son programme. Et le nouveau chef du Parti PC, Patrick Brown, qui continue à beaucoup promettre, n’a pour le moment pas été exposé à ce devoir de synthèse et de clarté. Un exercice fort périlleux qui pourrait entacher sa popularité.
Il y a pourtant un dossier sur lequel les deux leaders ne se ressemblent pas : la francophonie. Tim Hudak n’a jamais saisi l’enjeu. À ses yeux, les Franco-Ontariens appartenaient à la province au même titre que les autres communautés. Patrick Brown, ancien député fédéral, qui a donc vécu à Ottawa, a lui compris les gains politiques possibles en sollicitant les 611 500 Franco-Ontariens. Et par la même occasion, en parlant régulièrement en français à l’Assemblée législative et dans les médias.
Il se murmure pourtant que Tim Hudak, qui s’était auto-surnommé « l’ami des francophones », était capable s’exprimer en français dans les coulisses. Un paradoxe de plus.
Cette analyse est aussi publiée dans le journal LeDroit du 17 septembre