Le député du Nord Michael Mantha imagine son avenir politique sans le NPD
Exclu du caucus néo-démocrate depuis près de trois mois, le député franco-ontarien d’Algoma-Manitoulin n’imagine pas retrouver le banc de son parti à l’issue de l’enquête qui pèse sur lui pour inconduite présumée sur lieu de travail. Il continuera de représenter ses administrés en tant qu’indépendant.
« La cheffe (Marit Stiles) a pris sa décision. Moi, je prends la mienne. Je me prépare à me présenter comme membre indépendant pour les élections en 2026 en m’enregistrant auprès d’Élections Ontario », glisse M. Mantha au micro d’ONFR+. Cette petite phrase en dit long sur l’état d’esprit de l’élu du Nord et comment il conçoit son avenir politique… sans étiquette.
Alors que le prochain scrutin provincial semble encore bien loin et que l’enquête indépendante diligentée par le Nouveau Parti démocratique (NPD) rendra raisonnablement son verdict avant, il affirme contre toute attente « prendre les étapes nécessaires pour être efficace ».
Voilà presque trois mois que le couperet est tombé lorsque, le 31 mars dernier, la cheffe de l’opposition a exclu sine die l’un des piliers historiques de la formation néo-démocrate après des allégations d’inconduite. Le NPD a depuis confié à un enquêteur le soin de faire la lumière sur cette affaire.
« On attend toujours les résultats de cette enquête », affirmait dans les couloirs de Queen’s Park Mme Stiles au dernier jour de la session parlementaire avant la pause estivale.
Candidat indépendant aux prochaines élections?
Comment M. Mantha vit cette mise à l’écart et les allégations qui pèsent sur lui? « Franchement très bien », répond-il sans sourciller. « Je représente toujours les gens de ma circonscription. Mes services, mes journées, n’ont pas changé. Je ne fais plus partie du caucus et du leadership team, donc je regarde le positif : j’ai plus de temps et d’attention à accorder à ma circonscription, ce qui est idéal. »
Se sent-il isolé? « Pas du tout. J’ai bâti des liens depuis 13 ans avec le gouvernement, des amis, des membres de l’opposition. J’ai développé mon réseau et le job continue. Je prends les choses au jour le jour et je regarde droit devant. »
« Mon focus est de représenter les gens d’Algoma-Manitoulin. Ce sont eux qui me donneront la direction à suivre » – Michael Mantha
Ses administrés se sont-ils détournés de lui? « Pas du tout », réaffirme-t-il avec la même vigueur. « Le positif c’est que les gens se sont posé des questions sur mon statut d’indépendant. Ça a créé un intérêt et même un engagement comme on n’en avait pas connu lors des dernières élections provinciales. Les gens me demandent comment ils peuvent s’impliquer ou m’aider comme volontaires », complète celui qui affirme « utiliser avec précision » son nouveau temps de parole, en se focalisant sur « ce qui impacte directement ma région ».
Imagine-t-il un retour en grâce dans la formation s’il est lavé de tout soupçon? « Il faudrait avoir toutes les réponses nécessaires mais comme c’est là, non. Mon focus est de représenter les gens d’Algoma-Manitoulin. Ce sont eux qui me donneront la direction à suivre. On verra de quoi sera fait demain. »
Aucune enquête du commissaire à l’intégrité
Élu depuis 2011, le député d’Elliot Lake a largement remporté un quatrième mandat consécutif en 2022, à la faveur des dernières élections provinciales. Il est considéré comme un des ténors du parti, dont il a pris en charge plusieurs portfolios à titre de porte-parole de l’opposition officielle : Développement du Nord, Relations avec les Autochtones et Réconciliation, puis Richesses naturelles.
Whip adjoint de l’opposition officielle à plusieurs reprises, il a également siégé comme président de groupe parlementaire de 2018 à 2020 et comme membre de divers comités permanents : politique sociale, justice, budget, Assemblée législative et Comptes publics.
Depuis sa mise en retrait du NPD, c’est le député Guy Bourgouin (Mushkegowuk-Baie James) qui endosse le rôle de porte-parole de l’opposition officielle aux Mines, en plus du dossier des Affaires francophones qu’il détenait déjà.
Aucune date n’est fixée sur le dévoilement des conclusions de l’enquête. Le NPD n’a apporté aucun détail sur les allégations portées à l’encontre de M. Mantha afin de préserver la victime présumée.
Mme Stiles a par ailleurs indiqué que le commissaire l’intégrité « menait des entrevues sur la base d’une plainte initiale ». Une information démentie par le bureau du commissaire, dans un échange de courriel avec ONFR+.
« Nous n’avons pas reçu de demande d’un député pour déterminer si Michael Mantha, a enfreint un article ou des articles de la Loi sur l’intégrité des députés », affirme pourtant Michelle Renaud, cheffe des communications et de la sensibilisation auprès du Bureau du commissaire à l’intégrité de l’Ontario.
Or, aucune enquête ne peut être déclenchée sans une telle demande. Le commissaire à l’intégrité peut en effet enquêter sur les infractions potentielles à la Loi de 1994 sur l’intégrité des députées. Cette loi énonce les règles de conflit d’intérêts pour les députés. Le commissaire ne peut pas enquêter pour déterminer si un député a enfreint toute autre loi ou code de conduite.
Le statut d’indépendant confère généralement aux élus ontariens une plus grande liberté de parole et une marge de manœuvre plus large pour représenter les intérêts de leurs électeurs de façon autonome, sans ligne de parti à suivre à la lettre.
Deux autres élus ontariens détiennent ce statut à l’Assemblée législative. Il s’agit de Vincent Ke (Don Valley-Nord), qui a démissionné du caucus progressiste-conservateur en mars dernier à la suite d’allégations d’ingérences électorales, et de Bobbi Ann Brady (Haldimand-Norfolk), seule candidate élue sans appui partisan en 2022.