Le difficile chemin des ACFO
[ANALYSE]
La situation était devenue ingérable, voire irrespirable, ces derniers temps. L’ACFO de London-Sarnia a décidé, jeudi, de mettre les clefs sous la porte après 35 ans d’existence.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
Un coup extrêmement dur sur fond de manque d’argent. Depuis quelques mois, l’organisme faisait face à une dette de plus de 300 000 $ auprès de l’Agence du revenu du Canada. Entre l’impossibilité d’obtenir de nouvelles subventions gouvernementales, la frustration des employés impayés, le destin de l’ACFO de London-Sarnia était dès lors scellé.
Mais les mésaventures pour cette communauté du sud-ouest de l’Ontario ne sont pas un cas isolé. En 2006, l’ACFO de Nipissing-Ouest, dédiée aux francophones dans la région de North Bay et Sturgeon Falls, fermait. Cinq ans plus tard, l’ACFO de Kirkland Lake dans le Nord connaissait le même sort.
La baisse du nombre de ces ACFO – souvent l’acronyme pour désigner les Associations canadiennes françaises de l’Ontario – n’est donc pas vertigineuse, mais inquiétante. Surtout que dans le même temps, aucune n’a vu le jour. Pour les plus mal en point, un second souffle reste difficile. C’est le cas de l’ACFO Cochrane et Iroquois Falls dont le plan de relance tarde à se concrétiser.
Considérées comme l’organisme porte-parole des francophones et francophiles, la quinzaine d’ACFO ont donc une véritable mission sur le terrain. Elles servent souvent de relais à l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), l’association-mère.
Un manque de subventions du gouvernement fédéral
À qui la faute? Le premier réflexe serait de pointer du doigt le gouvernement fédéral, et l’argent de la Feuille de route pour les langues officielles gelé depuis quelques années. Conséquences pour les organismes souvent dépendants de l’argent de Patrimoine canadien : l’inflation rend la situation intenable. Avec la location des bureaux, les factures de téléphone, le salaire des employés, il faut bien souvent faire plus, avec moins…
La situation financière peut-être aussi très inégale d’une ACFO à l’autre. À Sudbury, l’organisme local s’en tire avec des subventions de plus de 70 000 $, quand du côté de Cornwall, on fait contre mauvaise fortune bon cœur avec un peu plus de 25 000 $.
Mais les obstacles sont aussi le manque de « bras » sur le terrain. Si les candidats aux postes de direction ne manquent jamais à l’ACFO d’Ottawa, d’autres dépendent bien souvent de la volonté d’une personne, parfois à titre de bénévole.
Une indépendance plus difficile
Conséquence directe pour les Franco-Ontariens? Moins d’argent, et de ressources humaines, c’est aussi moins d’occasion de « célébrer » la francophonie aux quatre coins de l’Ontario. Moins l’occasion aussi de revendiquer des droits, même si techniquement Patrimoine canadien ne permet pas ce financement à des fins politiques. Jusqu’à maintenant, le gouvernement s’est montré tout de même flexible, si l’on considère l’implication de l’ACFO d’Ottawa dans le dossier du bilinguisme officiel.
Dans le cas d’une complète indépendance financière des organismes francophones face aux gouvernements, nul doute que le ton serait beaucoup plus revendicatif et moins conciliant.
Dans des conditions difficiles, les choses avancent malgré tout. Dernier exemple en date : le franc succès du concours LOL-Mort de Rire crée par l’ACFO Stormont, Dundas et Glengarry (ACFO-SDG).
Attendu au tournant pour le renouvellement de la Feuille de route, le gouvernement de Justin Trudeau a ici l’occasion de donner un peu d’oxygène aux communautés francophones. Un nouveau statu quo marquerait en revanche une réelle incompréhension des besoins criants de ce peuple fondateur, hors Québec.
Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 26 juin.