Le financement de la Fête de l’Acadie touche à sa fin, les organisateurs inquiets

Ottawa met fin au financement de la Fête de l'Acadie. Le ministère du Patrimoine canadien devrait mettre à jour cette situation d'ici à l'automne. Source: Canva

MONCTON – Depuis 2019, le gouvernement fédéral octroie une enveloppe de 500 000 $ chaque année aux célébrations de la Fête nationale de l’Acadie, renouvelable aux trois ans. Cette année, dans le budget fédéral, la Société Nationale de l’Acadie a constaté l’absence de ce fond, qui serait offert une dernière fois en cet été 2023. Alors que la fête bat son plein dans toutes les communautés acadiennes du pays et à quelques heures du Tintamarre, de nombreux organisateurs, artistes et festivals se demandent si ce sera la dernière. 

Depuis cinq ans, l’enveloppe fédérale sert à organiser le grand spectacle télévisé annuel et de nombreux spectacles et activités à travers les provinces et territoires qui en font la demande (en versement de 5 000 $ maximum). 

ONFR+ s’est entretenu avec la directrice générale de la Société Nationale de l’Acadie (SNA), Véronique Mallet. Elle confirme que lorsqu’ils ont constaté l’absence du renouvellement des fonds, le ministère du Patrimoine canadien a validé son inquiétude. 

« Vous vous doutez très bien, j’imagine, de la préoccupation qui nous occupe depuis ce temps-là. »

Photo d’une célébration de la Fête nationale de l’Acadie à Ottawa. Il n’y avait pas de tintamarre officiel de prévu dans la capitale pour 2023. Archive ONFR+

En l’absence de ce demi-million de dollars, les répercutions sur les célébrations pourraient être dramatiques. 

« Cela va avoir un impact sur la production de spectacles, dont celui diffusé par Radio-Canada », indique la directrice.

De plus, « cela finance des fêtes dans des communautés dans l’ensemble du pays, incluant en Ontario. On a eu des fêtes l’année dernière jusqu’aux Territoires du Nord-Ouest ».

La semaine dernière, la SNA a lancé une pétition pour que les individus puissent témoigner de leur attachement et de l’importance qu’ils portent à la Fête nationale de l’Acadie et pour demander à la ministre qu’elle revisite cette décision rapidement.

L’Acadie laissée à elle seule pour sa fête nationale

« On voit certainement un impact important de l’arrêt de ce financement-là », réitère Mme Mallet.

Même son de cloche du côté du festival Acadie Rock de Moncton, qui a bénéficié durant deux années de suite du montant majeur de cette enveloppe. 

« Ça nous a permis, en pleine pandémie, de pouvoir se réinventer avec la production de deux émissions de télévision, à un moment où le public ne pouvait plus assister en direct à nos spectacles », se rappelle Éric Cormier, le directeur d’Acadie Rock.

D’après M. Cormier, ce fond, en plus de permettre le rayonnement de la culture acadienne, offre les moyens de mettre en lumière les travailleurs culturels et les artistes. 

Jasmin Cyr est le président de l’’Association acadienne de la région de la capitale nationale (AARCN) qui a été fondée en 2001. Gracieuseté

À Ottawa, Jasmin Cyr, le président de l’association acadienne de la région de la capitale nationale (AARCN), trouve dommage de retirer une telle somme, d’autant plus que « la province [du Nouveau-Brunswick] ne viendra pas en aide aux francophones ».

« Le Nouveau-Brunswick, c’est un gouvernement très conservateur, très près de ses sous, qui est assez anti-francophones. Le premier ministre provincial est unilingue anglophone dans une province qui est officiellement bilingue et il n’est pas très ouvert à la communauté francophone », précise l’Acadien.

L’AARCN recevait depuis quatre ans des fonds pour offrir des fêtes acadiennes à la population.

Au micro d’ONFR+, le député libéral fédéral René Arsenault dit comprendre l’inquiétude des organismes. D’après lui, elle est légitime « parce que des spectacles à grand déploiement, ça ne s’organise pas en deux semaines. Je comprends exactement leurs inquiétudes. Moi, je leur ai dit que je suis convaincu que ça va être reproduit. Si ça ne l’est pas, je serai le premier surpris ».

Faire partie de Canada en fête à titre permanent

« La fête des Acadiens existe depuis 1881, ce n’est pas rien », signale Véronique Mallet. 

Les célébrations symbolisent la résilience, le courage et la fierté de la communauté. C’est le cas du Grand Tintamarre, où les Acadiens sont invités à marcher dans les rues en faisant le plus de bruit possible, pour montrer que leur peuple est toujours vivant malgré la déportation de 1755. Le plus grand rassemblement a lieu à Caraquet, mais d’autres villes organisent leur propre tintamarre. Pour la directrice générale de la SNA, « annuler ce financement, c’est comme un pied de nez à la nation acadienne qui, elle, s’est dotée d’outils pour célébrer sa fierté ».

Foule de participants au Festival de Caraquet, au Nouveau-Brunswick. Crédit image : David Champagne/ Festival acadien de Caraquet.

« La fête nationale de l’Acadie fait partie des fêtes nationales du pays », pense Éric Cormier, « ce financement ne devrait pas être remis en question ». 

Le directeur du festival Acadie Rock considère que ce financement a démontré un certain succès et son utilité depuis les cinq dernières années. « Ça a permis un rayonnement plus grand pour toute l’Acadie. »

Éric Cormier est le directeur du festival Acadie Rock, un des évènements majeur des fêtes acadiennes. Crédit image : Annie-France Noël

Véronique Mallet de la SNA rappelle que les 500 000 $ proviennent d’un financement qui est indépendant de celui qui est octroyé à la Journée des peuples autochtones, à la Saint-Jean-Baptiste, à la Journée canadienne du multiculturalisme et à la Fête du Canada.

D’ailleurs, « dans le programme qui finance ces quatre journées-là, l’enveloppe n’a subi aucune coupe budgétaire », fait connaître Mme Mallet. « Ce financement est pérenne et renouvelé année après année. »

M. Arsenault a eu une discussion avec le ministère du Patrimoine canadien. « Nous en avons parlé et nous voulons qu’une fois pour toutes, les fêtes acadiennes soient incluses dans le même programme, au même titre que les fêtes de la Saint-Jean-Baptiste et les autres. »

Une réponse du gouvernement attendue 

Pour son festival, Éric Cormier va devoir savoir très bientôt si, oui ou non, le gouvernement renouvelle le financement. 

« Nous, c’est dès septembre qu’on se prépare. Il faut refaire les demandes de financement dès septembre pour l’année prochaine. C’est un travail qui est en continu. »

Le député acadien René Arsenault veut s’assurer que les associations ou les communautés acadiennes puissent bénéficier de ce genre d’aide et le sachent le plus tôt possible.

« Avec la nouvelle ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, et le ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault, on s’échange des courriels à ce sujet », se veut-il rassurant. 

René Arsenault est le député libéral de Madawaska—Restigouche au Nouveau-Brunswick.
Crédit image : Gouvernement du Canada

M. Arsenault admet que la bureaucratie fédérale peut prendre du temps, mais il reste optimiste. « Nous allons faire tout notre possible et je suis confiant que nous allons reconduire ce financement. […] J’espère que nous aurons une réponse d’ici à l’automne. »

« On a besoin d’une confirmation rapide », exprime Mme Mallet. « En 2024, ça va être l’été du congrès mondial acadien, ce qui veut dire que nos artistes acadiens vont être très sollicités l’été prochain. Une fête du 15 août, ça commence à s’organiser habituellement le 16 août pour l’année suivante. »

Véronique Mallet est la directrice générale de la Société Nationale de l’Acadie (SNA). Gracieuseté

Le directeur d’Acadie Rock pense qu’il est important de faire la lumière sur ce financement, puisqu’un aspect important de ces grandes célébrations est la gratuité des spectacles et activités. 

« Cette année, nous avons neuf jours de festival pour Acadie Rock. Le point culminant, c’est notre grand spectacle du 15 août. Nous allons chercher entre 7 000 et 10 000 personnes. C’est un spectacle gratuit et nous voulons garder ça pour la population », explique-t-il. 

« Le financement devient important aussi quand il nous permet de l’offrir aux participants. Puis, on ne se le cachera pas, les coûts techniques sont plus chers, la sécurité et tout l’aménagement d’un site, ça coûte beaucoup plus cher que les dernières années. Donc, c’est certain que de perdre des enveloppes comme ça en bout de ligne, c’est inquiétant », conclut-il.