Le milieu culturel franco-ontarien en mode création

Gracieuseté: Théatre français de Toronto

Contre mauvaise fortune, bon cœur, artistes et institutions culturelles franco-ontariennes ont profité de la pause forcée liée à la pandémie de COVID-19 pour créer. Progressivement, les activités culturelles vont reprendre, ce qui ne se fera pas sans défi.

« C’est sûr que le réflexe d’un artiste, quand tu es coincé chez toi, c’est de tomber en mode création. »

Avec son groupe Règlement 17, Daniel Sauvé n’a pas manqué d’occupation pendant la pandémie. La pause culturelle forcée a permis au groupe de rock alternatif de peaufiner sa production et de décaler le lancement de son prochain album, même si les sessions d’enregistrement étaient plus difficiles à organiser.

« Ce n’est pas le bon moment pour sortir un album, car aujourd’hui, tu fais un album pour tourner et ce n’est pas encore clair quand on va pouvoir refaire des spectacles. »

À Sudbury, la pandémie a redonné le goût à Stef Paquette de faire de la musique.

« Je suis retombé en amour avec la création, car j’avais du temps et aucune pression pour sortir un album. »

La réalité du milieu musical, c’est aussi celle du théâtre et d’autres formes d’art.

« On a profité de la pause forcée pour faire du développement dramaturgique. Souvent, on manque de temps pour la création », remarque Marie-Pierre Proulx, directrice artistique du Théâtre du Nouvel-Ontario (TNO), qui outre la diffusion, s’occupe de la production de spectacles.

La directrice artistique du TNO, Marie-Pierre Proulx. Gracieuseté : Marie-Pierre Proulx

Un avis que partage le directeur des partenariats et des événements à La Nouvelle Scène, Benoît Roy.

« Nos compagnies fondatrices ont continué à travailler en se préparant pour le printemps. Elles ont développé leurs productions. Ça leur a donné plus de temps pour mûrir leur sujet. »

Programmation en ligne

Touché par la COVID-19, le milieu culturel n’en a donc pas été moins actif ces derniers mois. D’autant que parallèlement à la création, il s’est évertué à garder contact avec le public en innovant.

« On a eu plusieurs initiatives à distance qui ont attiré une centaine de spectateurs. On a aussi produit trois contes pour enfants », énumère M. Roy.

Le virtuel est là pour rester, pensent les diffuseurs.

« On planifie comment s’adapter à cette situation. Avec les mesures sanitaires actuelles, notamment de distanciation physique, notre salle ne pourrait accueillir que 19 personnes… Alors, on a construit une programmation alternative que nous allons dévoiler graduellement, début septembre. On travaille aussi avec le milieu scolaire, qui n’aura pas accès à des activités culturelles cet automne, pour développer du contenu pédagogique virtuel. On essaie de nouvelles choses, on ne s’ennuie pas! », sourit Mme Proulx.

La pandémie a vu se développer des approches nouvelles, avec des concerts virtuels sur Facebook, l’espace Yoop, dans des jeux vidéo, tel Fortnite, ou encore des spectacles à regarder dans le confort de sa voiture.

Enthousiaste vis-à-vis de ces nouveautés, Stef Paquette reconnaît que ça ne s’applique pas à toutes les formes d’art.  

« Ce qu’ont fait Fortnite ou la plateforme Yoop, je trouve ça vraiment cool », lance-t-il. « J’ai fait quelques spectacles virtuels, de mon côté, mais c’est vrai que pour la partie humour, c’est plus difficile, car tu as besoin d’un retour du public. » 

Ces initiatives n’ont toutefois pas que des partisans.

« La solution actuelle n’est pas une solution à long terme, du moins je l’espère », partage M. Sauvé. « Dans le domaine musical, tu perds une grande partie de l’expérience avec le virtuel. Je ne sais pas si ça va se normaliser, mais pour moi, ce n’est pas ça, un spectacle! »

Un boom à prévoir

Si la culture en ligne fait partie de la nouvelle « normalité », progressivement, les diffuseurs se préparent aussi à accueillir de nouveau le public.

« On a hâte de retrouver nos spectateurs! », lance M. Roy, alors que La Nouvelle Scène prévoit trois à quatre événements en personne, dès cet automne. « On a eu de bonnes nouvelles avec la mise en place d’un système de billetterie qui permettra d’assurer automatiquement la distanciation physique. Ça va nous rendre la vie plus facile. On développe aussi, en ce moment, un premier guide de mesures sanitaires. On va faire quelques essais avant d’accueillir le public. »

Le musicien Daniel Sauvé. Gracieuseté APCM

Mais cette réouverture progressive et le retour à une certaine normalité n’iront pas sans problème, prévoit M. Sauvé, car tout ce qui aura été créé pendant la pandémie aura du mal à se tailler une place auprès des spectateurs, dit-il.

« On risque de se retrouver avec un surplus de production, après un an de fermeture des salles. Déjà qu’à la base, il y a plus d’offre que de demande, comment on va pouvoir gérer ça? La compétition risque d’être encore plus forte. »