Le nouvel espoir de la francophonie
[ANALYSE]
Les gens à Terre-Neuve n’ont pas besoin de grand-chose pour se convaincre qu’il fait beau. Il a fait un temps frisquet, nuageux et venteux durant presque toute la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne à St. John’s, cette semaine. Mais il n’a presque pas plu et il n’y a pas eu de brouillard. Et il n’en fallait pas plus pour contenter les résidents de l’endroit.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault
Cet optimisme a clairement déteint sur les participants à la 21e rencontre annuelle des ministres responsables de la francophonie partout au Canada. Dans les faits, il n’est pas ressorti grand-chose de l’événement sinon quelques déclarations de bonnes intentions. Qu’à cela ne tienne, le groupe d’élus s’est quitté, jeudi 23 juin, avec l’impression d’avoir fait véritablement avancer le fait français au pays.
Lorsqu’on a connu la tempête, on se réjouit de la moindre accalmie.
Cet enthousiasme renouvelé de la francophonie canadienne à la conférence de St. John’s s’explique en partie par la présence et la participation active des gouvernements du Canada et du Québec, deux partenaires importants qui n’ont pas toujours été au rendez-vous.
La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, avait peu à offrir aux provinces et territoires sinon la promesse d’un nouveau « plan d’action » pour les langues officielles d’ici deux ans. Mais après quelques années de dialogue difficile avec Ottawa, les responsables de la francophonie à Fredericton, Queen’s Park et même Whitehorse étaient heureux rien que de retrouver un partenaire fédéral avec qui parler.
Il n’y a pas eu d’engagement clair des libéraux de Justin Trudeau à accroître le financement fédéral aux provinces et territoires pour les services en français. Mais il y a eu de l’ouverture. Juste assez pour redonner de l’espoir au groupe des treize qui s’est souvent buté dans le passé à l’idée fixe des conservateurs de Stephen Harper de cantonner le fait français dans une « feuille de route » dont le financement n’a jamais bougé.
« Se découvrir et se redécouvrir »
L’appel du ministre québécois Jean-Marc Fournier à « se découvrir et se redécouvrir » entre communautés francophones à la veille du 150e anniversaire de la Confédération canadienne a été, lui aussi, porteur d’espoir chez ses homologues des autres provinces et territoires.
« Je pense que nous sommes rendus à un point aujourd’hui où il est possible d’envisager l’avenir différemment de ce que racontent nos livres d’histoire », a laissé entendre le responsable des Affaires intergouvernementales à Québec en entrevue avec #ONfr.
Encore là, il n’y a pas eu d’engagement clair de la « Belle province » à l’égard des minorités de langue française ailleurs au pays. Mais il y a eu de l’ouverture. Juste assez pour donner foi à ces minorités dans la possibilité d’une francophonie plus forte et qui parle d’une même voix d’un océan à l’autre.
Ceci étant dit, il faudra plus que de l’espoir pour donner à tous les francophones du Canada des services publics égaux à ceux de la majorité anglophone.
Ce n’est pas seulement le fruit de l’espérance si l’Ontario vient de s’engager dans la planification d’une université de langue française. Si le Manitoba vient de déposer un projet de loi sur l’« appui à l’épanouissement » de sa communauté francophone. Et si à Terre-Neuve-et-Labrador, les francophones, peu nombreux et dispersés sur un vaste territoire, sont maintenant outillés d’une politique sur les services en français.
Le ciel est loin d’être bleu partout. Mais il n’est pas tout noir, non plus. Les plus optimistes pourraient même se convaincre qu’il commence à faire beau.
Cette analyse est publiée également dans le quotidien LeDroit du 25 juin.