Le pari risqué du déconfinement en Ontario
[ANALYSE]
Des milliers d’élèves s’apprêtent à rejoindre les bancs de l’école. D’habitude, cette formule consacrée marque le retour en classe de septembre. Dans le contexte hors-norme de la pandémie, elle décrit toutefois la fin provisoire du confinement pour l’ensemble des élèves de la province.
Depuis le temps des Fêtes, une partie des écoliers de la grande région de Toronto et de Windsor ne pouvaient pas se rendre dans leurs écoles.
Cette réouverture des écoles marque une étape importante vers le déconfinement en Ontario. D’autant que le gouvernement Ford a annoncé la fin de l’injonction du « restez à la maison » sur tout le territoire à partir 22 février, mais aussi la réouverture progressive des commerces non essentiels, bars et restaurants à faible capacité certes, et de manière régionalisée.
Pour une majorité de parents, le retour des élèves dans les salles de classe apparaît comme un soulagement après plusieurs semaines à concilier de manière ardue le télétravail et la garde des enfants. Paradoxalement et pour beaucoup d’entre eux, ce « retour en classe » n’éteint pas les inquiétudes.
Sur le terrain, les syndicats continuent d’exiger la réduction de la taille des classes pour permettre la distanciation physique, mais aussi un système de ventilation plus adéquat dans les écoles. Le gouvernement a pourtant imposé l’obligation du port du masque dès la 1re année lorsque la distanciation est impossible.
Les tests sur les élèves constituent l’autre inquiétude. Début février, le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce, avait évoqué la possibilité de produire jusqu’à 50 000 tests de dépistage par semaine dans les écoles. Une annonce qui nourrissait beaucoup d’espoirs, mais dont les détails n’ont pas suivi.
Cette volonté d’un déconfinement de la part du gouvernement se base sur la tendance à la baisse des données quotidiennes de la propagation de la pandémie. Depuis le 8 janvier, date marquée par un pic de plus 4249 nouveaux cas quotidiens, les contaminations ont chuté drastiquement. Ce vendredi, elles atteignaient même le nombre de 1 076 dans la province.
La menace des variants
Mais ces lendemains ensoleillés ne seraient qu’un mirage, préviennent beaucoup d’épidémiologistes. Ceux-ci continuent de voir dans les écoles des foyers de contaminations importants, lesquels sont largement sous-estimées en raison du fort nombre de cas asymptomatiques.
Par ailleurs, les premières semaines de 2021 se révèlent en réalité compliquées pour lutter contre le COVID-19. Le retard de livraisons des vaccins Pfizer-BioNTech combiné à l’arrivée progressive des variants fait craindre à beaucoup de scientifiques, une troisième vague pour le mois d’avril.
Pour le moment, la province a vacciné un peu moins de 450 000 Ontariens, soit à peine plus de 3 % de la population. Un chiffre loin en somme de l’objectif d’immuniser la population pour l’automne.
Pas le droit à l’erreur
En ouvrant les écoles, sans contraindre les déplacements, Doug Ford prend un risque pour beaucoup d’observateurs. Le Québec, mais aussi la France, l’Italie, et l’Espagne, ont choisi de garder les écoles ouvertes, tout en conservant un couvre-feu strict en soirée.
Il est impossible d’anticiper les résultats de l’option choisie par le gouvernement, tant la pandémie, de par son incertitude, bouscule nos certitudes et réévalue sans cesse nos priorités.
En revanche, le gouvernement n’a pas le droit à l’erreur. La longue attente à reconfiner lors du début de la seconde vague à l’automne avait quelque peu égratigné la popularité de Doug Ford, sans toutefois provoquer une crise politique. Les Ontariens n’auront pas deux fois la même mansuétude.
Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 13 février